Vol Montréal-New-York: Kent Hughes le regrettera tout sa vie

Vol Montréal-New-York: Kent Hughes le regrettera tout sa vie

Par David Garel le 2025-12-11

Il fallait que ça éclate.

Depuis quelques semaines, le malaise se faisait de plus en plus lourd autour de Noah Dobson, ce défenseur sur qui Kent Hughes avait misé gros dans un été où les attentes à Montréal ont été revues à la hausse.

Avec un contrat de plus de 9,5 millions dollars par saison, Dobson ne pouvait plus se cacher. On le voulait dominant, responsable, dur, intense, engagé.

On se retrouve plutôt avec un joueur qui, malgré ses chiffres flatteurs en attaque, incarne l’antithèse de ce que Martin St-Louis disait vouloir bâtir.

Et pendant que les médias tentaient de ménager les sensibilités, Félix Séguin, en direct à TVA Sports, a dit tout haut ce que Patrick Roy pensait tout bas depuis longtemps : Noah Dobson est mou.

« Moi, ça m’inquiète beaucoup. J’ai fait aller mes contacts pour comprendre pourquoi les Islanders auraient été intéressés à s’en départir. Ce que mes contacts m’avaient dit, c’est : très bon patin, capable de produire en attaque, mais défensivement par moments, il l’échappe.

Il n’y a pas de la rage en lui. Je le trouve mou défensivement. »

Il manque de rage. Il disparaît dans les moments critiques. Il regarde jouer plus qu’il ne joue. Ce n’est pas une opinion lancée à la légère, c’est une sentence.

Et cette sentence publique avait été prononcée depuis des lunes par Roy.

Il avait compris depuis des mois.

Parce que ce que Séguin a dit, Roy l’avait vu, l’avait intégré, et surtout, l’avait refusé. Il ne voulait plus rien savoir de ce défenseur qui, dans les séries, se fait aspirer par le tempo, incapable de hausser son niveau quand le jeu devient dangereux, intense, et vital.

Dans le fond, c’est le genre d’échange qui finit toujours par nous sauter au visage. À Long Island, Roy, aidé de Benoit Desrosiers, bâtit une culture d’urgence, de sacrifice, de compétition sauvage.

Ce n’est pas un hasard si Emil Heineman joue top-6 avec lui, si les jeunes s’arrachent sur la glace, et si des joueurs comme Horvat, Barzal et Drouin sont portés par cette vague.

Ce n’est pas un hasard non plus si Dobson, lui, a été sacrifié. Roy ne le voulait plus. Il l’a offert, et en retour, il a exigé exactement ce que son système réclame : du feu, du cœur, de la robustesse, de l’intelligence tactique. Montréal a payé : choix #16, choix #17, et Heineman.

Trois actifs transformés en des futures vedettes (Kashawn Aitcheson et Victor Eklund) et un joueur utile comme jamais (Heineman).

Parce que ce n’étaient pas des « choix papier » qu’on a envoyés au vent : ce sont deux joueurs dont le potentiel éclaire déjà les futures saisons de la LNH. 

Aitcheson s’est transformé en un défenseur marquant des buts à l'infini (19 buts, 32 points en 26 matchs), dominant la OHL.

Imposant physiquement, on dit de lui qu'il est le joueur qui frappe le plus fort dans tout le circuit junior canadien. Un véritable mur qui te fracasse et qui peut t'arranger le portrait en jetant les gants.

Dans une ligue où la robustesse rencontre la vitesse, Aitchieson est le type de joueur qui ne s’arrête pas au premier check, qui ne se dérobe pas aux confrontations, et dont l’énergie contamine ses lignes.

À côté de lui, Victor Eklund, sélectionné au 16e rang, joue déjà professionnel en Suède.

Il transporte la rondelle dans des zones complexes, distribue des passes savantes. brille dans une ligue d’hommes avant même d’avoir foulé la patinoire de la LNH.

Le genre d’ailier droit capable d’assumer un rôle 20 minutes par match dès qu’il arrive ici, le genre d’élan offensif qu’on cherche désespérément au CH depuis des années.

Montréal n’a pas seulement renoncé à deux choix. Il a renoncé à deux identités possibles : un artisan de l’impact physique qui ne dort jamais et qui marque des buts à la pelletée, et un concepteur offensif déjà rodé aux duels d’hommes.

Pendant ce temps, le CH reçoit un défenseur à 9,5 M$ par année, qui déçoit autant qu’il fascine, qui en donne offensivement mais qui coûte cher dans les replis, dans les mises en échec évitées, dans les un-contre-un perdus. Et cette réalité-là, aujourd’hui, TVA Sports l’a fait exploser à la face du public.

Il faut maintenant se poser la seule question qui compte : est-ce que Kent Hughes s’est fait berner par Patrick Roy et Mathieu Darche?

C’est dur à admettre, mais quand on regarde le portrait complet, difficile de ne pas croire que Roy avait compris ce que plusieurs, aveuglés par les points et les espoirs, ont refusé de voir.

Dobson n’est pas un pilier défensif. C’est un joueur séduisant, mais creux quand la guerre commence. Et pour un club comme le Canadien, qui rêve de profondeur, de structure et de rigueur en séries, c’est une bombe à retardement.

Et c’est là qu’on revient toujours à Roy. Parce que Roy, lui, aurait encadré un gars comme Zachary Bolduc pour en faire un sniper.

Il aurait mis Ivan Demidov dans les meilleures conditions, sans le surprotéger, en l’exposant à la vraie pression du marché. Il aurait fait pleurer le vestiaire, mais pour les bonnes raisons.

Parce qu’avec Roy, il y a de la responsabilité. Il y a des exigences. Il y a une ligne à ne pas franchir. Et Dobson, lui, l’a franchie. C’est pour ça qu’il a été largué.

Alors qu’à Montréal, l’émotion n’y est plus. Et si on ne s’en rend pas compte, c’est peut-être que Martin St-Louis n’a jamais été vraiment capable de la transmettre.

Roy, lui, n’a pas besoin de motiver ses troupes à travers des concepts philosophiques ou des conférences de presse feutrées. Il crie, il frappe son banc, il insulte les adjoints adverses en québécois fleuri.

Et ses joueurs se battent pour lui. L’écart entre les deux entraîneurs, ce n’est pas une différence de style. C’est une différence de régime, d’époque, de température.

Roy, c’est la fournaise. St-Louis, c’est la climatisation. Et aujourd’hui, à travers le cas Dobson, c’est tout le programme du Canadien qui est remis en question.