Le pauvre Jacob Fowler a été abandonné.
L’image était difficile à regarder. Le jeune prodige, debout dans son filet, impuissant, encaisse but après but sans même lever les bras.
Ses coéquipiers? Absents. La défense du Rocket de Laval, démantelée, effondrée, dépassée. Le jeune gardien prodige, 20 ans, celui qu’on voyait déjà comme le prochain Carey Price, a été littéralement laissé à lui-même par une équipe qui n’avait ni les jambes, ni les bras, ni la conviction pour affronter les Sénateurs de Belleville. Score final : 6 à 2. Six buts sur 24 lancers.
Cette vidéo donne mal au coeur:
Car les chiffres font mal. Très mal. Avec cette dégelée, Fowler affiche maintenant une moyenne de buts alloués de 3,34 et un taux d’efficacité de 0,865.
Une chute brutale après son blanchissage contre Abbotsford. Et surtout, une claque en pleine figure pour ceux qui croyaient que Fowler allait déjà voler le poste de numéro un à Montréal. Le retour sur Terre est violent. La LNH peut attendre. Pour l’instant, Fowler est en survie dans la Ligue américaine.
Et ce n’est pas faute d’efforts. Mais comment un jeune de 20 ans peut-il se développer correctement dans un contexte aussi toxique défensivement?
Hier, le Rocket alignait une des pires brigades défensives de la AHL, privée de David Reinbacher (blessé), de Josiah Didier (blessé), et amputée de Marc Del Gaizo (rappelé à Montréal).
Et que dire de l'attaque. Le trio Beck-Davidson-Mešár a terminé à -3. La ligne bleue? Un naufrage collectif. Et dans tout ce chaos, c’est Fowler qui a payé.
La scène rappelle tristement celle que vit Samuel Montembeault à Montréal. Le même sentiment d’abandon. Le même isolement dans la cage.
Et surtout, la même cruauté dans la lecture publique. Car Fowler n’a pas été mauvais. Il a été vulnérable. Comme n’importe quel gardien le serait dans une équipe aussi désorganisée.
Mais dans ce marché, la nuance ne survit pas longtemps. On compte les buts. On partage les clips. On exagère les conclusions. Et on oublie qu’un bijou, aussi précieux soit-il, peut se fissurer s’il est mal protégé.
Heureusement, à Laval, il y a Kaapo Kähkönen. Deux matchs, deux victoires, une moyenne de 2,01 et un taux d’efficacité de 0,915. Solide, calme, expérimenté. L’ancien des Sharks est en train de devenir bien plus qu’un simple remplaçant. Il est un filet de sécurité.
On pourrait même dire qu'il est un mentor silencieux ou un tuteur professionnel pour Fowler. Voilà pourquoi on lui a consenti un contrat de 1,1 M$ pour jouer dans la ligue américaine.
On ne voulait pas laisser Fowler seul au monde.
Et tant mieux, parce que le jeune gardien en a besoin. Il a besoin de respirer, de réfléchir, de revoir la game du haut des estrades s’il le faut. Il a besoin d’une pause.
Le problème, c’est que ce n’est pas ce qu’on lui accorde. Depuis le début du camp, tout le monde (les médias, fans, même certains membres de l’organisation) s’est emballé.
Il y avait cet espoir irrationnel que Jacob Fowler allait prendre le contrôle des filets à Montréal dès novembre avec Dobeš. Que Montembeault allait être largué. Que le jeune allait voler la vedette. Mais les résultats d’hier viennent de briser cette illusion. Le « plan Fowler » doit être freiné. Il faut protéger ce jeune. Il faut être adulte dans la pièce.
D’autant plus que pendant ce temps, à Montréal, Jakub Dobeš est en feu. 4 matchs, 4 victoires. Moyenne de 1,47. Pourcentage d’efficacité de 0,950. Une sérénité qui impressionne. Un calme dans ses déplacements. Une attitude de professionnel.
Ce n’est pas Dobeš qui est censé être le futur. Ce n’est pas lui le choix de l’organisation. Ce n’est pas lui qui avait le buzz. Mais c’est lui qui livre la marchandise. Et dans le sport professionnel, le timing fait foi de tout.
Et aujourd'hui, tout le buzz est autour de lui.
Dobeš est en train de voler la cage du Canadien. Pas juste en raison de ses performances, mais aussi parce qu’il le fait pendant que Montembeault s’effondre et que Fowler encaisse six buts à Belleville.
Et dans ce contexte, c’est toute la hiérarchie des gardiens du CH qui est chamboulée. Le bijou, c’était Fowler. Le plan, c’était lui. Mais la réalité, c’est Dobeš. Et ça, c’est une excellente nouvelle…
Il faut être lucide : Jacob Fowler n’est pas prêt pour la LNH. Pas encore. Il a le talent. Il a la tête. Mais il n’a pas encore le cadre. Il n’a pas encore la structure défensive. Il n’a pas encore l’environnement. Et surtout, il n’a pas encore vécu l’échec.
Celui-là même qu’il a subi hier. Un échec brutal, mais formateur. Parce que ce genre de match laisse des traces. Des cicatrices mentales. Et si on n’est pas prudent, ça peut ralentir une carrière. Ou pire, la détruire.
C’est pourquoi le Rocket doit protéger Jacob Fowler. Le sortir du filet quelques matchs. Lui donner du temps avec Kähkönen. Revoir la défense. Attendre le retour de Reinbacher. Parce qu’un développement, ça ne se force pas. Ça s’accompagne. Et on ne peut pas se permettre de gâcher un espoir aussi précieux sous prétexte qu’on a des blessures et qu’on veut tester sa résilience.
Et à travers tout ça, ironiquement, Samuel Montembeault peut enfin respirer. Il n’est plus le centre de l’attention. Il n’est plus celui qu’on pousse vers la sortie.
Il regarde maintenant les projecteurs se tourner vers Fowler, pendant que Dobeš s’installe. Et même s’il a perdu son titre de numéro un, il reste utile. Il reste disponible. Et peut-être même qu’il terminera la saison comme numéro deux… ou comme monnaie d’échange.
La situation des gardiens à Montréal est en pleine ébullition. Et ce match à Belleville n’a fait qu’ajouter du carburant sur le feu. Jacob Fowler a été abandonné. C’est clair. Mais la vraie question, maintenant, c’est : allons-nous le sacrifier au nom de l’urgence, ou allons-nous enfin apprendre de nos erreurs passées?
Parce que la dernière fois qu’on a pressé un jeune gardien sans le protéger, il s’appelait Cayden Primeau.
Et on sait tous comment ça s’est terminé.