Millions de dollars envolés en fumée: la revanche de Jonathan Drouin

Millions de dollars envolés en fumée: la revanche de Jonathan Drouin

Par David Garel le 2025-06-04

Jonathan Drouin aurait pu tout encaisser. Tout sécuriser. L’an dernier, après une saison-renaissance à Denver, il avait sur la table des offres à long terme sur le marché des agents libres.

Des contrats de 4 ans, à raison de 5 millions par saison. Une promesse de stabilité. Une assurance contre les blessures. Un pactole de 20 millions de dollars, prêt à être signé. Mais il n’a pas pu s’y résoudre. Son cœur était au Colorado, son âme liée à Nathan MacKinnon. Alors il a refusé. Il a encore misé sur lui-même.

Il a signé à rabais, encore une fois, cette fois à 2,5 millions pour une saison. Après avoir accepté un contrat encore plus modeste de 825 000 $ l’année précédente, Drouin croyait que cette saison serait celle de la consécration. Celle du contrat mérité. Celle de la fidélité récompensée.

Mais c’est tout le contraire qui s’est produit. La pire chose qui pouvait lui arriver s’est produite : un scénario à la fois cruel, injuste et impitoyable.

Ceux qui ne comprennent pas pourquoi on parle de “pari perdu” n’ont qu’à regarder les chiffres. L’an dernier, des équipes lui offraient 4 ans pour 5 millions par saison. S’il avait signé, il aurait empoché 20 millions garantis. Or, en acceptant un contrat de 2,5 millions pour “rester à Denver”, il a mis 17,5 millions en jeu.

Et il les a perdus.

Pourquoi? Parce que sa fin de saison a été correcte, mais les séries ont été catastrophiques. Trois pauvres passes en sept matchs. Zéro but. Et surtout, une disparition complète de la carte.

De joueur de premier trio, de complice de MacKinnon, de pièce de l’avantage numérique #1, il a été rétrogradé dans l’ombre. Aligné avec Charlie Coyle et Joel Kiviranta, retiré des unités spéciales, presque effacé. Et pendant qu’il s’effaçait, son compte bancaire projeté s’évaporait avec lui.

À Denver, Drouin avait retrouvé la paix. Il avait souvent dit qu’il adorait vivre dans l’anonymat, loin des projecteurs de Montréal. Qu’il se sentait heureux, serein. Qu’il avait enfin retrouvé l’amour du hockey. Il est même devenu le candidat de l’Avalanche pour le trophée Masterton, preuve ultime de sa rédemption personnelle.

Mais cette fidélité, cette volonté d’être “un bon soldat”, lui a coûté plus qu’un gros contrat. Elle l’a rendu vulnérable. Et selon plusieurs sources proches du dossier, sa conjointe et son entourage lui conseillent de ne surtout pas répéter la même erreur.

Parce que là, il ne s’agit plus juste de hockey. Il s’agit de dignité. De santé mentale. D’avenir.

S’il signe encore “pour des peanuts”, comme on le dit si bien dans le milieu, il va finir par se faire broyer. Par l’usure. Par les déceptions. Par la hiérarchie mouvante de la LNH. Le meilleur exemple est l'arrivée de Martin Necas et Brock Nelson qui l'ont tassé du premier trio et de l'avantage numérique. On ne sait jamais ce qui peut arriver dans la meilleure ligue au monde.

Voilà la réalité impitoyable d’une ligue qui récompense ceux qui savent quand encaisser.

Évidemment, l’intérêt est toujours là sur le marché des agents libres. Le New York Post affirme que les Rangers sont très intéressés. Et sur papier, l’idée est alléchante. La Grosse Pomme, Panarin, Fox, Lafrenière, un aréna électrisant. Mais est-ce un fit psychologique pour Drouin? Pas sûr.

Le marché new-yorkais, les médias carnivores, les flashs en continu, les éditoriaux cinglants et sans pitié… ce n’est pas une oasis pour un joueur qui a lutté contre l’anxiété. Drouin pourrait y perdre sa tête, comme il l’a perdue à Montréal.

En revanche, les Blue Jackets de Columbus sont très, très intéressés.

Et là, tout s’aligne.

Une ville discrète, sans pression. Un marché qui laisse les joueurs respirer. Une place évidente sur le deuxième trio, du temps de jeu en avantage numérique, un rôle stable dans une équipe en reconstruction. Et surtout : Sean Monahan.

Les deux hommes ont brièvement joué ensemble à Montréal. Et Monahan a été l’un des seuls à défendre Drouin publiquement lorsqu’il avait été humilié par Martin St-Louis pour quelques minutes de retard à un meeting. St-Louis l’avait puni en le gardant sur le banc pendant un match complet. Un affront. Une punition publique rabaissante, inhumaine. Monahan, ce jour-là, avait pris la parole.

Aujourd’hui, Monahan pousse pour que Columbus donne une vraie chance à Drouin. Pas une faveur. Une vraie chance. Un contrat raisonnable, un rôle précis, et du respect.

Columbus et New Yorks sont loins d'être les seuls qui sont intéressés à Drouin. À Vegas, l’idée est simple : ajouter un passeur créatif et polyvalent pour soutenir une attaque qui a manqué de punch offensif en séries. 

Les Knights ont seulement 9,6 millions de marge sous le plafond, mais en se délestant du contrat de Reilly Smith et en cherchant des solutions à petit prix, Drouin devient une cible parfaite.

Imaginez-le complétant un trio avec Tomas Hertl et Pavel Dorofeyev, reléguant Nicolas Roy sur un troisième trio plus défensif. Non seulement le fit est évident sur le plan du style, mais Vegas pourrait aussi offrir à Drouin une vitrine parfaite pour relancer sa valeur, dans une équipe prétendante à la Coupe.

Mais si le clinquant du Nevada attire certains, le mariage le plus naturel reste Columbus. Avec 42,9 millions de dollars de disponible sur la masse salariale et une direction prête à tout pour entourer Adam Fantilli, Sean Monahan et Kent Johnson, les Blue Jackets pourraient offrir à Drouin un rôle sur le deuxième trio et sur la première vague d’avantage numérique.

Remplacer un James van Riemsdyk vieillissant par Drouin, c’est injecter de la vision, de la touche, et du flair offensif. Surtout que Drouin a cumulé 29 points en avantage numérique sur ses deux dernières saisons, dont 12 en seulement 43 matchs l’an dernier. Columbus était 22e en avantage numérique. Avec Drouin, cette unité ferait un bond assuré.

À Chicago, l’histoire est différente, mais tout aussi intrigante. Le jeune Connor Bedard a connu beaucoup de difficultés l’an dans un environnement instable. Il a besoin de soutien.

Si les Hawks re-signent Ryan Donato, il leur manque un troisième élément offensif fiable pour compléter le premier trio. Drouin pourrait être cet homme, ou alors devenir le meneur offensif du deuxième trio, tout en donnant un coup de main vital sur la deuxième vague du "powerplay".

Et avec 40,7 millions $ d'espace sur la masse salariale, Chicago pourrait lui offrir un contrat de trois ans, une rare sécurité dans un marché en reconstruction.

Mais pour moi, peu importe les années, c'est la santé mentale qui compte et je pense sincèrement que Columbus est le meilleur marché pour Joe.

Pas pour une une question de millions, une question de vie

Jonathan Drouin ne deviendra jamais un joueur de 100 millions.

Mais il peut encore faire 3 ou 4 bonnes années dans la LNH, à condition de faire le bon choix maintenant.

S’il retourne à Denver à 1 ou 1,5 million, il risque d’être relégué dans l’oubli dès la première mauvaise séquence.

S’il va à New York, il risque d’être broyé par l’écosystème.

Mais à Columbus, il aurait la paix. Le rôle. Et la dignité.

Et cette fois, c’est plus important que les chiffres.

Parce qu’il a déjà perdu assez.

Il a laissé filer près de 20 millions en croyant à un conte de loyauté.

Il a été blâmé, même indirectement, pour le départ de Mikko Rantanen, car cela s'est joué à quelques million sprès.

Et il a terminé la saison sur une pente glissante, avec le regard vide sur le banc, la tête pleine de doutes.

Ce prochain contrat, ce ne sera pas une transaction. Ce sera une bouée.

Jonathan Drouin n’a plus le droit de miser sur une organisation. Il doit miser sur lui.

Et pour la première fois depuis longtemps, Columbus pourrait bien être l’endroit où il gagne… enfin.