C’est un changement discret sur une feuille d’alignement universitaire, mais qui pourrait bouleverser toute la planification du Canadien de Montréal.
Michael Hage, celui que Kent Hughes et Martin St-Louis voyaient comme le futur deuxième centre du Tricolore, a été déplacé à l’aile lors du dernier match de son équipe. Un simple ajustement, diront certains.
Un détail, peut-être. Mais à Montréal, tout détail devient un signal, et celui-ci parle fort.
Depuis son repêchage, Michael Hage est présenté comme la solution de l’interminable casse-tête du deuxième centre.
Ce poste maudit que Kirby Dach n'a pas réussi à solidifier. On voyait en Hage une combinaison rare : intelligence, vision, gabarit, flair offensif et engagement.
Le Canadien le suivait de près à l’Université du Michigan, convaincu qu’il deviendrait la pierre angulaire du futur alignement derrière Nick Suzuki.
Mais voilà : le coach universitaire l’a tassé du centre pour l’utiliser à l’aile du premier trio. Et ce n’est pas un hasard.
Le message est clair: on ne lui fait pas entièrement confiance pour diriger une ligne, surtout dans le cercle des mises au jeu où il plafonne à 47 % d’efficacité cette saison, après un rendement de 46 % en 2024-2025. Pour un futur centre numéro deux, c’est insuffisant.
S'il obtient 46-47 pour cent dans la NCAA... imaginez dans la LNH...
Dans le jargon des dépisteurs, on dit qu’il “perd la guerre des pouces”. Et dans un sport où les détails font la différence entre un joueur moyen et un leader de ligne, cette faiblesse est un drapeau rouge.
Les entraîneurs universitaires aiment expérimenter, certes, mais rarement sans raison. Le déplacement de Hage à l’aile témoigne d’un doute sur son profil naturel de centre.
Son coach veut maximiser son offensive tout en réduisant la pression défensive qu’impose la position de centre. On veut qu’il pense attaque, pas responsabilités.
Cette décision ne passe pas inaperçue à Montréal. L’organisation observe attentivement chacun de ses espoirs, et ce genre de repositionnement envoie un signal.
Quand on déplace un jeune joueur du centre vers l’aile, ce n’est pas temporaire : c’est souvent le début d’une réévaluation complète de son développement.
Hage demeure talentueux. Avec 15 points, dont 6 buts, en 10 matchs, il reste productif et impressionnant offensivement, mais sa progression dans le cercle des mises au jeu stagne, et ses lectures défensives ne convainquent pas tout le monde. À l’université, on commence à le voir plus comme un futur ailier dynamique que comme un meneur de jeu complet.
Et pendant ce temps-là, à Oufa...
Pendant que Hage glisse vers la bande, un autre espoir du Canadien prend exactement la direction inverse au centre et il le fait avec éclat. Alexander Zharovsky, 18 ans, brûle la KHL avec 14 points en 14 matchs. Et, surtout, il le fait au centre.
Et même quand il n'obtient pas de points dans un match (hier), il émerveille la galerie avec ses feintes incroyables:
On se souvient qu’au moment du repêchage, son ami d’enfance Ivan Demidov l’avait dit lui-même :
« Pour moi, Alexander est un vrai centre. » À l’époque, ça avait fait sourire. Aujourd’hui, ça ressemble à une prophétie. Depuis trois semaines, son entraîneur Viktor Kozlov à Oufa lui confie les clés de la position la plus exigeante du hockey russe, et le jeune Russe répond présent : impliqué défensivement, précis dans ses relances, créatif dans le trafic.
Zharovsky n’est pas seulement un technicien, il est devenu un chef d’orchestre. Ses séquences en avantage numérique rappellent celles de Demidov : même patience, même lecture du jeu, mais avec un instinct de passeur plus tranchant.
Surtout, il présente un taux de réussite de 56 pour cent au cercle des mises au jeu... dans la 2e meilleure ligue au monde.
Il commence à ressembler à un vrai centre de premier plan, le genre de profil que le Canadien n’a jamais su développer localement. (Nick Suzuki a été obtenu via transaction)
Coïncidence ou stratégie organisée ?
Et si tout cela n’était pas un hasard ?
Certains, à l’interne, se demandent si le Canadien n’a pas influencé le choix de Viktor Kozlov de tester Zharovsky au centre.
Montréal n’a jamais caché qu’il cherchait une solution durable pour son deuxième trio. Si Hage glisse vers l’aile, il faut une alternative crédible dans la filière d’espoirs. Et Zharovsky, avec son rendement actuel et sa polyvalence grandissante, pourrait devenir cette pièce manquante.
Kent Hughes et Martin St-Louis ont répété qu’ils voulaient “bâtir un groupe de jeunes interconnectés, capables de s’adapter”.
Eh bien, c’est exactement ce que Zharovsky incarne. Il peut jouer au centre ou à l’aile et il partage une chimie naturelle avec Demidov, eux qui sont des amis d'enfance.
Le rêve commence à se dessiner : un trio Demidov-ZharovskyHage, où les rôles s’inverseraient. Le Canadien croyait tenir un centre et un ailier ; il pourrait finalement obtenir l’inverse.
Le parcours de ces deux jeunes espoirs semble suivre une trajectoire opposée.
Hage, repêché comme un centre naturel, est déplacé à l’aile pour réduire ses responsabilités défensives et au cercle des mises au jeu.
Zharovsky, repêché comme un ailier créatif, s’impose comme centre complet dans la deuxième meilleure ligue au monde.
C’est un renversement fascinant, mais aussi révélateur de la philosophie du Canadien : on ne fige plus les rôles, on les redéfinit selon le développement réel. Et, à ce jour, c’est Zharovsky qui répond aux attentes.
À Oufa, son entraîneur ne tarit pas d’éloges :
« Il est calme avec la rondelle, il comprend le jeu des deux côtés de la glace. On dirait qu’il joue au centre depuis toujours. »
Ce n’est plus une expérience, c’est une mutation réussie.
À l’inverse, la situation de Hage envoie un message clair : le potentiel seul ne suffit pas. Il doit prouver qu’il peut dominer sans se cacher derrière la structure de son trio.
On ne doute pas de sa vision du jeu, ni de ses mains, ni de son intensité offensive, mais à Montréal, la patience a des limites. L’organisation n’a pas attendu vingt-cinq ans pour combler le poste de deuxième centre afin de s’en remettre à des essais universitaires.
S’il ne redresse pas la barre, Hage pourrait très bien être utilisé comme ailier complémentaire à court terme, plutôt qu’à titre de centre d’avenir. Et dans une équipe où les jeunes Russes comme Demidov et Zharovsky prennent de plus en plus de place, les cartes sont en train d’être redistribuées.
Il faut le dire : les Russes dominent désormais le narratif de l’avenir du Canadien. Demidov devient la vedette annoncée. Zharovsky émerge comme le centre inattendu. Et pendant que Hage deviendra une vedette, peu importe s'il joue au centre et à l'aile, le 2e trio du CH est coulé dans le béton.
Si Montréal parvient à réunir ces trois-là dans la LNH, on pourrait assister à la création du trio offensif le plus excitant depuis longtemps.
Demidov, le génie offensif; Zharovsky, le cerveau calme au centre, Hage le "power forward" rempli de finesse.
Pour Michael Hage, ce revirement est un avertissement, pas une condamnation. Son avenir n’est pas compromis, mais il devra prouver qu’il peut redevenir un vrai centre capable de dominer les cercles de mise au jeu, de gérer la zone neutre et de défendre son territoire. Sinon, il deviendra un gros ailier de premier plan.
Quel rebondissement. Kent Hughes tente de résoudre depuis trois ans pourrait se régler… à 8000 kilomètres de Brossard...
