C’est une drôle d’histoire. Une histoire cruelle. Une histoire qui commence pourtant bien.
Parce qu’au moment d’apposer sa signature au bas d’un contrat de deux ans à 965 000 $ par saison, Jacub Dobes est devenu millionnaire.
Oui, le jeune gardien tchèque vient d’assurer sa sécurité financière pour les prochaines années, avec un contrat à un volet garanti dans la Ligue nationale de hockey.
Mais que personne ne s’y trompe : cette signature n’est pas un sceau de confiance. C’est une bouée de sauvetage… peut-être avant de couler.
Car malgré ce contrat, rien n’est assuré pour Dobes. Rien. Le filet numéro deux à Montréal est loin d’être gagné. Kaapo Kähkönen, lui aussi sous contrat garanti (1,15 M$), débarque avec plus de 150 matchs d’expérience dans la LNH.
Et même si son entente est à deux volets, il devra passer par le ballottage pour être cédé à Laval. Une manœuvre risquée que Kent Hughes ne pourra pas faire à la légère, sous peine de le perdre gratuitement.
Dobes, lui, est exempté du ballottage. Grâce à la réglementation de la convention collective, dont les subtilités échappent même à certains journalistes, le jeune gardien tchèque peut être rétrogradé sans passer par le processus du ballottage, malgré ses 80 matchs professionnels disputés.
Cela tient à son statut contractuel, au calcul du nombre de saisons écoulées depuis sa signature d’entrée, et à une clause technique liée à son âge à la signature. Mais peu importe la raison précise, la conclusion est claire : c’est lui le plus facile à tasser. Et il le sait.
Alors oui, il touche un beau salaire. Oui, il est maintenant un joueur de la LNH… sur papier. Mais dans la vraie vie, Dobes est vulnérable. Plus vulnérable encore qu’un Kaapo Kähkönen qu’on doit protéger du ballottage. Et ça le place dans une position extrêmement difficile.
Comme si ce n’était pas assez, voilà maintenant The Athletic qui enfonce un clou de plus dans le cercueil. Dans son palmarès estival 2025 des meilleurs espoirs au poste de gardien, Scott Wheeler le classe 19e sur 20.
Pire encore, il le relègue dans la troisième et dernière catégorie, très loin du cercle fermé des futurs grands. Pendant ce temps, Jacob Fowler, lui, est au 2e rang. Et pas juste dans un palier supérieur… dans un monde à part.
Seul Yaroslav Askarov est vu comme un espoir supérieur. Fowler, c’est « l’élu ». Dobes? Une note de bas de page.
Et ce n’est pas qu’une perception. Les faits sont là. Depuis des mois, tout le monde dans l’organisation sait que Jacob Fowler est le véritable projet.
Le prodige américain est perçu comme le futur numéro un à long terme. Les partisans l’adorent déjà. Il a connu deux bonnes saisons dans la NCAA, il a tenu son bout à Laval, et les experts comme Wheeler ne cessent de lui tresser des louanges.
« C’est le genre de gardien que, s’il voit la rondelle, il va l’arrêter » dit Wheeler. Ce genre de phrases, on ne les entend jamais au sujet de Dobes.
Et dans le vestiaire, le message passe. La direction, les entraîneurs, les coéquipiers : tout le monde voit les signaux.
Ce n’est pas que le CH ne croit pas du tout en Dobes… mais il ne croit pas assez. Il n’est pas le gardien de demain. Il est celui de l’entre-deux, celui qu’on bricole pour dépanner, celui qu’on sacrifiera sans remords si l’équation le demande.
L’été de Dobes en dit long. Il n’a pas été invité à l’arbitrage (il n’était pas admissible). Il a traîné à signer. Des tensions ont filtré avec Kent Hughes.
Le clan Dobes exigeait un contrat à un volet, le CH voulait un contrat à deux volets. Et pourquoi? Parce que même les propres recruteurs de l’équipe, dont Vincent Riendeau, ne sont pas unanimes sur sa technique, sa constance, sa maturité.
Finalement, Kent Hughes lui a accordé son 965 000 boulettes garanties par année. Mais Dobes n'est assuré de rien, à part le fait que son compte en banque sera bien garni.
Ajoutez à ça la tentative du Canadien de convaincre Marc-André Fleury de signer à Montréal, tentative avortée, et vous avez le portrait d’une organisation qui cherche tout… sauf à miser sur Dobes.
Et aujourd’hui, même avec une signature officielle, le flou persiste. Est-ce que le CH va oser commencer la saison avec trois gardiens?
Est-ce que Montembeault, Kähkönen et Dobes vont partager les entraînements à Brossard? Qui ira s’entraîner à l’écart avec Éric Raymond? Qui perdra du rythme? Qui rongera son frein en tribune?
Samuel Montembeault, lui, peut faire semblant que tout va bien, mais la simple idée de revivre le « ménage à trois » qui a empoisonné la saison 2023-2024 suffit à lui faire perler quelques sueurs froides.
Il est numéro un, oui, mais à quel prix? Gérer une rotation tordue, des frustrations, des ambitions divergentes… c’est la recette parfaite pour miner un vestiaire.
Et pendant ce temps, Dobes regarde autour de lui. Il n’a aucune certitude. Il est moins bien payé que Kähkönen (qui va empocher 1,1 M$ garantis). Il est plus facile à rétrograder. Il est classé parmi les derniers espoirs dignes d’intérêt. Il est, en quelque sorte, le gardien qu’on tolère… en attendant mieux.
Et ce « mieux », on le connaît tous. Il s’appelle Jacob Fowler. Il est déjà sur les affiches mentales de l’avenir du CH. Il incarne l’espoir, la jeunesse, l’élite. Les amateurs le réclament déjà à Montréal. Dobes? Il ne fait pas rêver. Il fait partie du décor… en attendant que le vrai spectacle commence.
Alors oui, Dobes est millionnaire. Mais à quel prix?
Son été a été long, tendu, pénible. Sa valeur perçue s’effondre. Sa marge d’erreur est mince. Et son avenir à Montréal est plus incertain que jamais.
Ce n’est pas un contrat de 965 000 $ par année qui va masquer cette réalité.
La question mérite d’être posée : Jacub Dobes est-il toujours dans les plans du Canadien de Montréal?