Il y a des entraîneurs qui ajustent leur système aux forces de leurs joueurs, qui réévaluent, qui reculent, qui s'adaptent.
Et il y a Martin St-Louis.
Depuis des mois, les critiques pleuvent, anciens joueurs, analystes, journalistes, partisans, gardiens, vétérans, tous répètent la même chose : le système man-to-man est trop exigeant, trop risqué, trop vulnérable aux erreurs individuelles pour être durable dans la LNH moderne.
José Théodore a dit que les gardiens détestent ça. Patrice Bergeron a expliqué que c’est un système qui explose à la moindre mauvaise lecture. Tony Marinaro, Jean-Charles Lajoie, Félix Séguin, Maxim Lapierre : ils l’ont tous dit ouvertement.
Même à l’interne, même au camp d’entraînement, on a vu des séquences où les joueurs perdaient leurs repères et où St-Louis devait littéralement arrêter l’entraînement parce que plus personne ne comprenait ce qu’il voulait.
Et pourtant, malgré la tempête, malgré les critiques, malgré les séquences cauchemardesques où l’équipe s’effondre dans sa zone comme un château de cartes, Martin St-Louis refuse catégoriquement de changer quoi que ce soit.
Mardi, encore une fois, il l’a affirmé avec une froideur glaciale, face à des journalistes qui cherchaient à comprendre ce qui s’était passé lors des deux buts concédés en 39 secondes contre les Blues.
Le message était clair, tranchant, définitif :
« Le hockey, c’est un jeu d’erreurs. Tu essaies de faire le moins d’erreurs possible, mais tu vas en faire pareil. Je parle beaucoup du processus et des standards. C’est plate, donner ces deux buts-là. Mais nos standards sont revenus. »
Puis, lorsqu’on lui a demandé si une telle séquence exigeait des ajustements auprès de ses vétérans, sa réponse a claqué comme une porte :
« Il n’y a rien à ajuster. »
Et pour être sûr que personne ne se méprenne, que personne ne s’imagine qu’un ajustement tactique pourrait être envisagé, St-Louis a ajouté, sans respirer :
« On ne va pas changer le système à cause de ce but-là. »
Voilà.
Le message est sans nuance, sans ouverture, sans concession : Martin St-Louis vivra et mourra avec son système man-to-man.
Ce week-end, le CH a livré deux prestations radicalement différentes :
Un match défensif quasi parfait à Toronto, où les Leafs n’ont pas marqué à cinq contre cinq ;
Un match cinglant, chaotique, brisé par trois erreurs individuelles coûteuses contre les Blues.
Et pour St-Louis, la différence n’a rien à voir avec le système.
Rien à voir avec la structure.
Rien à voir avec la philosophie.
Pour lui, tout est une question d’exécution individuelle, ce qui revient à dire que si ses joueurs échouent, ce n’est jamais parce que la structure est trop exigeante : c’est parce qu’ils n’ont pas « fait la job ».
Quand on lui demande d’expliquer le troisième but des Blues, il est catégorique :
« Il faut faire la lecture, s’assurer d’être à la bonne place. Nos intentions sont là, collectivement. Sur le troisième but, on était tous à la bonne place, on n’a juste pas fait la job. »
Cette phrase résume son approche.
Il ne voit pas un système trop lourd.
Il ne voit pas des joueurs perdus.
Il ne voit pas des séquences où Matheson, Dobson, Suzuki, même les meilleurs, semblent hésiter entre suivre leur homme ou protéger l’espace.
Pour lui, la structure n’est jamais coupable.
Ce sont toujours les joueurs.
Le problème : même les vétérans et les vedettes plafonnent dans son système.
Le troisième but des Blues le démontre parfaitement.
La séquence impliquait :
Nick Suzuki, le capitaine ;
Cole Caufield, sa superstar offensive ;
Juraj Slafkovský, son jeune pilier ;
Mike Matheson et Noah Dobson, son meilleur duo défensif.
Cinq des pièces les plus essentielles de l’organisation. Et pourtant, même ces cinq-là, au cœur du système, au sommet de la hiérarchie, se sont perdus dans une lecture qui n’exigeait qu’une synchronisation minimale.
Le résultat donne mal au coeur : Pavel Buchnevich glisse dans l’enclave, Robert Thomas lui remet une passe parfaite, et le CH se fait transpercer.
Si même l’élite de ton alignement se perd dans ton système… est-ce vraiment la faute des joueurs ?
Pour St-Louis, oui.
Pour tout le monde d’autre : clairement non.
Les critiques s’accumulent : ex-joueurs, gardiens, experts… tous disent la même chose.
Depuis deux ans, la critique est constante, répétée, unanime :
1. José Théodore : les gardiens détestent ce système.
Il dit que dans un système man-to-man, dès qu’un joueur perd son duel, c’est une chance de marquer.
Pour un gardien, c’est l’enfer.
Tu passes 60 minutes à gérer des deux-contre-un improvisés.
2. Patrice Bergeron : un système trop punitif.
Il dit que le man-to-man est un système fait pour des joueurs hautement éduqués, hautement synchronisés, des équipes élites. Pas pour une formation jeune, en reconstruction, aux repères fragiles.
3. Maxim Lapierre : trop risqué pour la LNH moderne.
Il dit que Montréal joue « au bord du précipice », que la moindre erreur mène à un but.
4. Félix Séguin : tout le monde dans la ligue le critique.
Il raconte qu’il entend depuis des mois des joueurs de la LNH ridiculiser ce système.
5. Tony Marinaro : le système coûte des matchs.
Il répète que le CH s’effondre en zone défensive parce que les joueurs ne savent pas où aller.
Et pourtant…
Face à cette avalanche de critiques, St-Louis reste inébranlable. Il refuse d’écouter. Il refuse d’adapter. Il refuse de reconsidérer.
Et il répète, séance après séance, point de presse après point de presse :
« Ils connaissent les règles. »
« Ils savent tout. »
« C’est une question d’attitude. »
« C’est un jeu d’erreurs. »
« On ne va pas changer le système. »
On ne peut pas être plus clair.
Les entraîneurs qui survivent longtemps dans la LNH sont ceux qui adaptent leur système à leurs joueurs, pas ceux qui forcent leurs joueurs à entrer dans le moule d’un système qui n’est pas fait pour eux.
St-Louis, lui, a choisi l’autre voie.
Il croit en son système man-to-man. Il le défend bec et ongles. Il refuse de reculer, même quand Suzuki se fait déborder, même quand Matheson perd ses repères, même quand l’équipe s’écroule sous la pression.
Il ne reculera pas.
C’est son système. Son identité. Son projet.
Et, à Montréal, il n’y a pas de demi-mesure : il vivra avec… et il mourra avec.
