Ce qui mijote depuis plusieurs semaines est maintenant en train de bouillir.
L’un des visages de la franchise, Cole Caufield, commence sérieusement à perdre patience. Et si l’on sentait déjà sa frustration en observant ses gestes, son langage corporel, ses silences, la réponse subtile – mais ferme – de Martin St-Louis vient confirmer ce que tout le monde pensait tout bas : Caufield n’est plus le centre du projet offensif à Montréal… et il en souffre.
Tout a commencé par une simple tendance. Puis c’est devenu un patron. Et maintenant, c’est une structure : le jeu de puissance du Canadien est construit autour de Patrik Laine.
L’arrivée de Laine, réputé pour sa capacité à décocher des tirs sur réception d’une précision chirurgicale depuis le cercle gauche, a forcé un repositionnement de Caufield.
Le « bureau de Cole » est désormais occupé. Et le jeune Américain se retrouve à devoir se réinventer dans une position qui n’est pas naturelle pour lui. Et ça ne fonctionne pas.
Depuis plusieurs matchs, on remarque que Caufield est souvent libre sur le jeu de puissance. Il bouge bien, se place intelligemment, se rend disponible.
Mais la rondelle ne vient pas. Et quand elle vient, c’est rarement dans un angle favorable. Il y a eu plusieurs séquences où il a clairement manifesté son irritation : tapes répétées de son bâton sur la glace, regards en coin vers ses coéquipiers, retour au banc la tête basse.
Ce ne sont pas des caprices. Ce sont les signes d’un joueur qui sent qu’il est en train de devenir option secondaire. Et pour un buteur comme lui, c’est un crève-cœur.
Mais les journalistes aussi voient ce malaise. Anthony Martineau, de TVA Sports, a d’ailleurs résumé la situation avec justesse :
« Je vais essayer d’exprimer ça le plus simplement possible. Le tir de Laine sur le power play je l’admire. Mais le CH doit trouver le moyen d’impliquer davantage Caufield dans le patron de jeu. Tu deviens de plus en plus prévisible et tu gaspilles une autre arme redoutable. »
Et pendant que l’équipe persiste à alimenter Laine, l’efficacité du jeu de puissance stagne autour du 17e rang de la LNH. Loin d’être catastrophique… mais loin d’être ce qu’on attendait avec une telle artillerie.
Samedi dernier, après la rencontre contre l’Avalanche du Colorado, Caufield n’a pas été mis à la disposition des médias.
Une absence remarquée, et révélatrice. Officiellement, il n’y avait rien d’anormal. Mais en coulisse, on sait que le département des communications du Canadien voulait éviter une sortie émotive.
Car Caufield était en furie. Pas contre ses coéquipiers. Pas contre le résultat. Mais contre l’ensemble des symboles qui l’ont blessé.
D’abord, les huées contre l’hymne américain, une fois de plus. Et ce, malgré ses demandes claires, respectueuses, quelques jours plus tôt.
Pour lui, c’était une trahison, une attaque contre sa nation, mais aussi contre ses valeurs, ses racines. Ensuite, la frustration sur la glace. Il n’a pas marqué à ses deux derniers matchs. Il a été ignoré en avantage numérique.
Et il n’a pas été utilisé dans les moments les plus critiques. C’est un double rejet, venant de la foule et du système.
Et puis est venue la déclaration de Martin St-Louis aujourd'hui.
Le coach s’affirme : « Patty est très confortable là… »
Lorsqu’on a demandé à St-Louis s’il envisageait de réajuster le positionnement de Caufield pour qu’il puisse reprendre sa place de prédilection sur l'avantage numérique, il n’a pas hésité une seule seconde.
« Patty est très confortable à cet endroit (au cercle gauche des mises au jeu). Cole n’a jamais vraiment joué à l’intérieur des points de mises au jeu. Slaf n’a jamais joué sur la ligne des buts en avant du filet. »
Puis il a ajouté, en guise de conclusion :
« Notre avantage numérique est encore très jeune. On essaye de leur inculquer des principes, de leur donner des indices pour qu’ils sachent où aller sur la glace. »
Le message? On ne changera pas le plan pour faire plaisir à Caufield. Le message est clair. Le coach fait confiance à Laine. Il persiste dans sa structure.
Et si Caufield est frustré, il devra apprendre à s’adapter. Martin St-Louis n’a pas eu besoin de pointer son joueur pour lui passer le message.
Il a parlé aux médias, mais il s’adressait à lui. C’était une leçon de leadership : rappeler à tout le monde que l’équipe passe avant les égos, et que même les visages de la franchise ne sont pas au-dessus du système.
Cole Caufield est resté loyal depuis le début de son aventure montréalaise. Il a signé un contrat à long terme. Il a vanté la ville, l’équipe, les partisans.
Il a même pris un rôle de leader naturel dans le vestiaire. On le voit toujours sourire, travailler, garder le moral. Mais aujourd’hui, sa loyauté est mise à l’épreuve. Et ce n’est pas rien.
Il ne demande pas un traitement de star. Il ne demande pas que Laine soit écarté. Il demande simplement qu’on le voie, qu’on l’utilise, qu’on le respecte offensivement.
Et lorsqu’on additionne l’absence de reconnaissance du public (hymne hué), l’oubli tactique (jeu de puissance), et le silence de ses coéquipiers, cela crée un vide. Un vide que Martin St-Louis devra combler rapidement… avant que le feu ne prenne.
La réalité est simple : Cole Caufield est frustré, et à raison. Il n’a jamais été aussi effacé sur le jeu de puissance. Il est victime du succès d’un nouveau venu.
Il est ignoré dans un système qu’il connaît pourtant mieux que quiconque. Et il est blessé par l’attitude de certains partisans envers son pays.
Mais malgré tout, Martin St-Louis ne cèdera pas. Il affirme sa structure. Il impose sa vision. Et dans cette vision, Cole Caufield devra s’adapter, se réinventer… ou souffrir en silence.
Le Canadien est en pleine course aux séries. L’équipe va bien. Mais les petites fissures internes peuvent vite devenir des crevasses.
Il faut que le staff prenne le pouls de ses leaders, de ses jeunes, de ses Américains. Il faut écouter Cole Caufield. Pas nécessairement pour lui redonner son bureau. Mais pour ne pas perdre un joueur d’exception.
Car si ce regard frustré, ce bâton tapé au sol, et ce silence médiatique deviennent la norme… alors, oui, on aura un problème. Et le jour où Cole Caufield ne croira plus au projet, c’est tout le projet qui perdra son âme.