À force de voir Martin St-Louis lever les yeux au ciel et répondre sèchement aux journalistes, on finissait presque par le prendre pour la seule tête baveuse dans la salle de presse.
Mais ce matin à Salt Lake City, on a enfin compris que le malaise ne vient pas toujours du même côté. Pour une fois, ce n’est pas seulement l’entraîneur du Canadien qui a eu l’air arrogant : Simon-Olivier Lorange (La Presse) aussi a franchi une ligne. Et il est passé de journaliste incisif… à baveux gratuit.
Le décor était pourtant parfait pour une belle histoire de hockey. Un jeune défenseur, Adam Engström, s’apprête à jouer son premier match dans la LNH contre le Mammoth de l’Utah.
À l’autre bout, Arber Xhekaj se retrouve dans les gradins pour lui faire de la place. C’est le genre de journée où un entraîneur peut facilement parler de mérite, de parcours, de décisions difficiles. Mais avec le Canadien 2025-2026, rien n’est simple. Encore moins les points de presse entre les ennemis St-Louis et Lorange, qui ne sont pas capables de se voir en peinture.
Tout commence avec une question sur la confiance d’Engström, posée calmement par Martin McGuire :
« Comme ça, ce soir, est-ce que tu penses être capable de voir cet aspect-là, quand même, de son jeu, au niveau de la confiance ? »
St-Louis répond sans chaleur, mais sans animosité non plus :
« Je ne sais pas, on va voir. C’est pour ça que c’est un premier match dans la Ligue nationale, c’est une expérience à travers laquelle il doit passer. On va voir. »
C’est ensuite que le ton change, quand vient la question qui fâche sort de la bouche de Lorange:
« Qu’est-ce qui fait que c’est Xhekaj qui sort ? »
Réponse de Martin St-Louis, sèche, expéditive :
« Juste les mathématiques. On a six défenseurs, il faut qu’il y en ait un qui sorte. »
On sent tout de suite la crispation. St-Louis ne veut pas s’étendre sur le cas Xhekaj. Il coupe court de façon méprisante, car il n'est pas capable de supporter ce journaliste.
Et là, Simon-Olivier Lorange décide de répliquer. Pas avec une question plus précise. Pas en ramenant les chiffres, le temps de glace, le différentiel. Non. Avec une flèche tentant de ridiculiser le coach:
« Mais t’as pas mis son nom dans un chapeau, quand même… »
Et c’est là que tout bascule. Ce n’est plus un journaliste qui pousse pour obtenir une vraie réponse. C’est un journaliste qui se permet d’être sarcastique et moqueur. Une remarque qu’on ferait à un collègue qu'on méprise, pas en direct devant les caméras... au coach du Canadien de Montréal...
Voici l'extrait en question vidéo en question qui a figé la salle de presse:
St-Louis, lui, aurait très bien pu exploser. Il aurait pu le remettre à sa place, ou lui renvoyer son arrogance en pleine figure. Au lieu de ça, il ravale :
« Ce n’est pas que Jacky ne joue pas bien. C’est un des six qui sort. Adam, je pense que c’est un gars qui a connu un bon camp d’entraînement, puis qui a aussi levé son jeu, d’une certaine façon, à Laval. »
On sent qu’il serre les dents. Mais il répond. Il explique. Il justifie Engström, sans enfoncer Xhekaj. Et pour une fois, dans ce bras de fer permanent entre coach et médias, ce n’est pas St-Louis qui a l’air le plus méprisant.
Le rôle des journalistes, ce n’est pas de faire des lignes punchées.
Que Simon-Olivier Lorange pose des questions difficiles, personne ne s’en plaint. C’est même son rôle. Demander pourquoi Xhekaj sort, c’est légitime. Mettre en lumière que le temps de glace d’Arber descend, que son différentiel est mauvais, que son rôle est flou, c’est nécessaire.
Mais suggérer à un coach qu’il a « tiré un nom dans un chapeau », c’est autre chose.
Ce n’est plus de la rigueur. Ce n’est plus de la curiosité. C’est une petite phrase pour faire réagir, pour faire mal paraître l’autre, pour le coincer. Et dans ce contexte précis, avec un entraîneur déjà sur les nerfs, déjà en conflit ouvert avec le journaliste et certains médias, c’est franchement irresponsable.
On reproche souvent à Martin St-Louis d’être bête, condescendant et fermé. On le voit couper McGuire, rejeter Lorange ou les regarder de haut avec un ton insupportable.
Mais ce matin, la dynamique était différente. St-Louis a lancé un « Juste les mathématiques ». Sec, oui. Mais c’est Lorange qui a décidé de monter d’un cran avec son « chapeau ». C’est lui qui a transformé une tension en duel d’ego.
Dans tout ça, il y a une grande femme… qui est toujours omniprésente : Chantal Machabée. On le sait, elle joue un rôle crucial pour calmer le jeu entre Martin St-Louis et les médias depuis son arrivée. Elle coupe des points de presse avant que ça dérape. Elle recadre. Elle protège.
On peut facilement imaginer la consigne : ne tombe pas dans le panneau, ne réplique plus, laisse-les parler.
Ce matin, c’est exactement ce qu’on a vu. St-Louis aurait pu ridiculiser la remarque du chapeau. Il aurait pu dire :
« Tu veux-tu faire ma job ? », ou « Tu sais comment ça marche, toi, la gestion d’un vestiaire ? ».
Il a choisi de ne pas le faire. Pas par amour des journalistes. Par discipline. Parce qu’on lui a probablement répété cent fois qu’il n’avait rien à gagner à se laisser entraîner dans ce terrain-là.
Et c’est là que le malaise devient encore plus violent : le coach se retient, et c’est le journaliste qui force la note.
Au milieu de cette altercation, il y a deux joueurs : Adam Engström et Arber Xhekaj.
Engström, jeune défenseur suédois de 22 ans, arrive de Laval avec des rapports « tout du positif », comme l’a souligné St-Louis :
« Le rapport, c’est tout du positif. L’impression qu’il a laissée au camp, son début de saison à Laval. Tout le positif. Je pense qu’il mérite un match. »
On parle d’un gars qui patine bien, qui voit le jeu, qui a dominé en AHL. Qu’on lui donne son premier match, c’est logique.
Que Xhekaj sorte, ce n’est pas un scandale non plus. Il joue peu, son différentiel est mauvais (-4), il ne fait plus peur à personne, il a obtenu une maigre passe en 20 matchs . C’est même la décision la plus rationnelle si on veut tester Engström sans chambouler tout le monde.
Poser la question, c’était nécessaire. Mais insinué que le coach a « pigé un nom dans un chapeau », c’est faire croire qu’il n’y a aucune réflexion derrière. C’est caricaturer pour provoquer. Et là, oui, Lorange a dépassé les bornes.
Les relations entre Martin St-Louis et les journalistes montréalais sont déjà sur le fil du rasoir. On le sait, il est à fleur de peau. Il protège ses joueurs, parfois au point de nier des évidences. Oui, il est souvent bête comme ses pieds..
Mais il faut être honnête : ce matin, la séquence avec Simon-Olivier Lorange était différente.
St-Louis a été bref, défensif, mais il a fini par répondre.
Lorange, lui, a choisi d'humilier le coach.
Dans un marché où tout le monde accuse l’entraîneur de manquer de respect aux médias, cette fois, c’est un journaliste qui a manqué de respect à la fonction de coach. Et il est très chanceux que St-Louis, pour une fois, ait avalé sa réplique au lieu de la lui renvoyer en pleine figure.
Le malaise est réel. L'électricité est dans l'air. Et plus que jamais, on comprend que le problème n’est pas à sens unique.
Entre Martin St-Louis et certains journalistes, on n’est plus dans le questionnement légitime. On est dans une guerre d’ego.
Et aujourd'hui, dans ce duel-là, ce n’est pas l’entraîneur qui a eu l’air le plus petit.
