Inquiétude à Cogeco: Martin St-Louis annonce sa chute

Inquiétude à Cogeco: Martin St-Louis annonce sa chute

Par David Garel le 2025-12-11

Il y a dans l’air montréalais une forme d’épuisement collectif, une sensation diffuse mais lourde que deux institutions qui ont longtemps structuré l’imaginaire public: le Canadien de Montréal et le 98,5 FM sont en train de s’effondrer sous nos yeux, chacune selon des dynamiques différentes mais étrangement similaires.

Comme si la ville assistait, impuissante, à la fin lente mais inévitable de deux empires qui n’ont pas vu venir leur propre déclin et qui se retrouvent aujourd’hui ballottés par des forces qu’ils ne contrôlent plus, pendant que leurs adversaires, plus affamés, plus structurés, avancent tranquillement dans les trous qu’ils ont eux-mêmes laissées se creuser.

Ce qui frappe le plus, autant dans la chute du CH que dans celle du 98,5, c’est la façon dont ces organisations ont voulu croire que leur prestige d’hier les protégerait indéfiniment, alors que les signaux de détresse s’accumulaient déjà.

D'un côté, un système défensif bricolé qui craque de partout, un entraîneur qui perd la confiance de son vestiaire, des humiliations à répétition à domicile, une incapacité chronique à affronter l’adversité.

De l’autre, une matinale qui n’a jamais réussi à faire oublier la domination incroyable de Paul Arcand, un animateur parachuté trop rapidement dans un rôle qu’il n’a jamais habité avec la profondeur ou la spontanéité qu’exige la première station parlée du Québec (Patrick Lagacé), un public qui décroche semaine après semaine, et, plus récemment, les cotes d’écoute qui confirment que la chute n’est plus un simple ralentissement mais un renversement de tendance historique.

ICI Première domine désormais le marché avec 22,4 % de parts d’écoute (+5,2 points en un an), pendant que le 98,5 FM s’effondre à 15,9 % (-2,9), une chute vertigineuse pour une station qui, il n’y a pas si longtemps, régnait sans partage sur les matinales.

La débâcle apparaît encore plus brutale lorsqu’on détaille les performances individuelles : Patrick Masbourian pulvérise les records avec 74 200 auditeurs à la minute, une hausse fulgurante de 24 000 auditeurs en un an, tandis que Patrick Lagacé perd 10 500 auditeurs et glisse au septième rang avec 55 500 auditeurs à la minute.

Il devient alors presque impossible de ne pas tracer un parallèle entre Martin St-Louis et Patrick Lagacé, deux hommes qui, pour des raisons différentes, portent aujourd’hui la symbolique du malaise de leurs institutions respectives.

L’un persiste à défendre un système qui ne fonctionne plus, multiplie les explications techniques alors que son équipe s’effondre au Centre Bell, accuse les joueurs d’attitude plutôt que de se remettre en question, et s’enferme dans une vision rigide de son propre hockey.

L’autre, malgré des efforts sincères, n’a jamais su incarner la voix rassembleuse que Montréal attend d’une grande matinale, et se retrouve aujourd’hui relégué derrière Patrick Masbourian, qui connaît la meilleure performance de sa carrière, et même derrière certaines émissions du week-end d’ICI Première, ce qui aurait été impensable il y a seulement deux ans.

Pendant que St-Louis perd progressivement l’adhésion de ses joueurs, Lagacé perd celle de son public; pendant que le CH accumule les dégelées humiliantes (5-1, 7-0, 8-4, 7-2, 6-1), le 98,5 accumule les pertes d’audience.

Pendant que les spectateurs demandent le congédiement de l’entraîneur, des auditeurs, par milliers, désertent la station qui avait longtemps été l’indétrônable numéro un des ondes québécoises; et dans les deux cas, la même question revient hanter les dirigeants : comment un empire peut-il tomber aussi vite lorsqu’il refuse de reconnaître que son modèle est passé date, que sa culture interne s’est figée, que sa façon de fonctionner ne correspond plus à ce que Montréal désire aujourd’hui?

Le plus triste et toxique dans tout ça, c'est que le CH refuse de changer les choses, par orgueil. Alors que St-Louis trouve toutes les excuses du monde pour protéger son système de pauvre, le 98,5 FM nous prend pour des imbéciles:

« C’est sûr qu’on est habitué au 98,5 d’être numéro 1. Mais la déception a duré trois secondes, car on s’y attendait », clame le vice-président des stations de radio parlées de Cogeco Média, Éric Trottier.

« C’est quelque chose qu’on voyait venir depuis l’année dernière quand QUB est arrivé. On le savait que les auditeurs qui risquaient d’aller voir à QUB, c’était plus ceux qui ont tendance à écouter le 98,5. Avec un troisième joueur, la compétition est plus forte qu’avant. On ne fera pas de folie à cause du sondage d’aujourd’hui. On a énormément confiance à notre équipe d’animateurs et d’animatrices et on continue de bâtir autour de ça», a-t-il trouvé comme excuse.

Une excuse... de perdant...

L’autre parallèle, encore plus cruel, est celui des Patrick, ces Patrick qui incarnent l’élan, la transformation, la modernité, l’énergie que réclame le public.

Patrick Roy, qui transporte les Islanders comme un prophète du hockey moderne, qui s’achemine vers un Jack Adams avec une simplicité et une autorité que le CH n’a pas vues depuis une génération.

Patrick Masbourian, qui, à ICI Première, pulvérise les records d’audience du matin et rassemble autour de lui une communauté d’auditeurs qui ne cesse de croître, au point d’imposer une domination que même Paul Arcand aurait enviée.

Ces Patrick respirent le leadership, la clarté, la cohérence, et chaque jour ils agrandissent l’écart entre ce que le public veut et ce que le CH et le 98,5 FM offrent réellement.

Pendant ce temps, QUB Radio, qui n’existait même pas sur la bande FM avant l'an passé, fait exactement ce que les équipes adverses font au Canadien depuis le début de la saison : elle s’insère discrètement dans les failles structurelles de son adversaire, exploite ses hésitations, utilise son incompétence contre lui, puis s’installe durablement dans un espace que l’autre croyait à jamais lui appartenir.

Que QUB soit passée de station marginale à acteur sérieux, gagnant +3,5 parts de marché en un an, n’est pas seulement un signe d’évolution du marché : c’est le symptôme d’une domination qui s’est éffondrée parce qu’elle croyait être éternelle.

Et dans ce climat, l’autre bombe, peut-être la plus lourde, tombe : le 98,5 FM prévoit une perte nette de 5 millions de dollars pour 2025, et la direction sait déjà que 2026 sera encore pire.

Cela signifie qu’à court terme, Cogeco devra choisir entre deux sacrifices : réformer de fond en comble sa structure ou s’accrocher à un modèle en ruine.

Le contrat radio des Canadiens, renouvelé à prix d’or en 2023 jusqu'à l'été 2026 pour protéger un prestige historique, se transforme donc en boulet commerciale, un fardeau de plus en plus lourd pour une station dont les revenus publicitaires déclinent, dont l’auditoire vieillit, et dont le leadership créatif se dissipe.

Il n’est donc plus absurde d’imaginer un futur où Cogeco perdrait même les droits radio du Canadien de Montréal, permettant à Arsenal Media, leader radiophonique au Québec et nouveai propriétaire de BPM Sports, de proposer à la LNH une offre multiplateforme à la longueur du Québec entier, plus flexible et à plus grande diffusion.

Si l’effondrement du 98,5 se poursuit au rythme actuel, on se demande comment ils vont continuer de payer un million de dollars et plus pour les droits du CH.

C’est là que Montréal voit apparaître un miroir fascinant : deux institutions qui se sont crues invincibles découvrent que l’invincibilité n’existe pas.

Deux hommes, St-Louis et Lagacé, qui se pensaient trop grands pour échouer, affrontent soudain des adversaires qui ne les craignent plus.

Deux leaders en perte de vitesse s’accrochent à de l'arroagance et de la condescendance, qui ne séduisent plus personne.

Deux publics, enfin, réclament la même chose : un changement de ton, un changement d’attitude, un changement de direction.

Et lorsque les Montréalais observent Patrick Roy transformer une équipe moribonde en armée disciplinée, pendant que Masbourian entraîne son auditoire dans un élan irrésistible, ils ne peuvent s’empêcher de regarder, avec un certain désespoir, le duo St-Louis-Lagacé, convaincus que ces deux hommes, pourtant talentueux et sincères, ne sont pas ceux qui porteront Montréal vers la prochaine étape de son récit collectif.

Les cycles s’achèvent, et les institutions qui veulent survivre doivent accepter de se réinventer plutôt que de se protéger derrière des statistiques vieillissantes ou des certitudes qui ne convainquent plus personne.

Tant que le CH continuera de défendre un système qui s’effondre, tant que le 98,5 continuera de prétendre que la fuite de son auditoire n’est qu’un orage passager, tant que les deux continueront d’avancer avec des leaders qui n’inspirent plus, la chute se poursuivra.

Et Montréal, qui n’est jamais tendre avec ceux qu’elle a aimés, finira par réclamer, avec la même impatience que dans les années sombres du Tricolore, une nouvelle voix, un nouveau souffle, un nouveau départ... que ce soit derrière le banc du Canadien ou derrière le micro du matin.