Hier soir était... spécial...
Ce genre de moment où l’histoire s’écrit sous nos yeux, et où il suffit d’avoir un minimum de flair journalistique pour savoir quoi raconter.
Hier soir, au Centre Bell, cette histoire portait un nom : Xhekaj. Deux frères, enfin réunis sous le même uniforme, dans un match qui restera comme l’un des moments les plus émouvants du camp d’entraînement 2025.
Et pourtant, au lieu de célébrer ce récit familial, ce récit sportif, ce récit profondément montréalais… une partie des médias francophones a choisi l’angle le plus mesquin, le plus réducteur, le plus honteux.
À l’Antichambre, Stéphane Leroux et compagnie n’ont parlé que d’une punition de quatre minutes. Une pénalité de 4 minutes pour rudesse, prise par Arber Xhekaj en fin de 2e période pour s’être fait justice lui-même. Un geste banal dans le contexte d’un match préparatoire où tout brassait déjà.
Leroux a résumé l’événement à un pointage absurde : « 1 pour Jayden Struble, 0 pour Arber Xhekaj. » Comme si une soirée historique, émotive, familiale, se réduisait à une note sèche, sortie d’un bulletin scolaire malhonnête. Ce n’était pas de l’analyse, c’était du règlement de compte.
Le reste? Le but de Florian, le but d’Arber, le combat courageux du cadet contre Nicolas Deslauriers, les larmes de leur mère dans les gradins, l’écho d’une famille entière qui a tout sacrifié pour en arriver là? Rien. Silence radio.
Une honte publique. Un procès absurde. Et un symptôme d’un malaise plus profond : la volonté persistante de certains médias québécois de descendre Arber Xhekaj, coûte que coûte.
Reprenons pourtant les faits. Ce match contre les Flyers de Philadelphie n’était pas censé être autre chose qu’une formalité de pré-saison. Mais il est rapidement devenu un moment de grâce.
D’abord, Florian Xhekaj, le petit frère, a inscrit un but en première période. La caméra a capté l’image la plus belle de la soirée : Simona Xhekaj, la mère des deux colosses, essuyant ses larmes dans les gradins du Centre Bell.
Partie d’Hamilton au petit matin, elle avait roulé près de 600 kilomètres pour surprendre ses fils. Une apparition inattendue, émotive, qui a bouleversé la fratrie.
« Je suis sorti de ma chambre et j’ai vu ma mère qui était là… c’était un moment tellement spécial », a raconté Florian, encore secoué.
Puis est venue la séquence que tout le monde attendait : Florian Xhekaj, à peine 21 ans, jetant les gants devant Nicolas Deslauriers, l’un des vétérans les plus redoutés du circuit.
Le combat fut bref, intense, respectueux. À la fin, les deux se sont retrouvés au banc des punitions. Florian a raconté :
« Il m’a dit qu’il avait une tonne de respect pour moi, que ça prenait beaucoup de cran pour faire ça. On a échangé quelques blagues. »
Un baptême de feu parfait. Une passe d’armes entre bagarreurs qui, dans la LNH, équivaut à une intronisation.
Et comme si ce n’était pas assez, Arber lui-même a marqué dans un filet désert en fin de match, scellant une soirée familiale d’anthologie.
Deux frères. Deux buts. Un combat marquant. Une mère en larmes. Un père, cloué à Hamilton, furieux d’avoir raté la soirée de sa vie. Une histoire en or.
La beauté de la soirée, c’est aussi la fierté dans les mots. Arber, d’habitude si rugueux, s’est laissé aller à la tendresse :
« Florian a volé le spectacle, ce soir. J’ai eu peur pendant un instant, mais je dois réaliser qu’il est rendu un homme. Ce n’est plus mon petit frère. »
Et Florian, lui, n’a pas cherché à vivre dans l’ombre.
« J’ai eu peur pendant un instant, mais je dois réaliser qu’il est rendu un homme. Il a mon gabarit. Ce n’est plus mon petit frère. » rajoute l'aîné.
Voilà des citations qui racontent un moment rare. Une fraternité mise en scène dans la plus grande patinoire du Québec. Une soirée qui, en toute logique, aurait dû faire la une des bulletins sportifs.
Et pourtant… à RDS, à l’Antichambre, le sujet principal de la soirée n’a pas été Florian, ni la famille, ni l’émotion, ni le doublé historique. Le sujet a été Arber. Et sa punition.
Stéphane Leroux, notamment, a été cinglant. Quatre minutes de pénalité, dans un match préparatoire, sont devenues l’objet d’un procès public.
On a parlé de « manque de discipline », de « geste inutile », de « danger pour son poste dans l’alignement ». On a, littéralement, transformé une soirée de triomphe en procès médiatique.
C’est incompréhensible.
Qu’on critique un joueur après une contre-performance en saison régulière, d’accord. Mais transformer un moment aussi émouvant en campagne de salissage? C’est un manque de respect non seulement pour Arber, mais pour toute la famille Xhekaj.
Et le plus ironique, c’est que ce même Arber venait de marquer. Il avait trouvé le moyen, lui aussi, de laisser son empreinte sur le match. Mais ça, visiblement, ne valait pas un segment de télé.
Soyons clairs : ce n’est pas un incident isolé. Depuis ses débuts, Arber Xhekaj subit un traitement particulier de la part de plusieurs médias francophones.
On lui reproche tout : ses pénalités, ses mises en échec trop dures, son surnom de « Shérif »… comme si on cherchait constamment à minimiser son apport.
Hier soir en était la preuve parfaite. Alors que les médias anglophones, eux, soulignaient la belle histoire des frères, ici on a choisi de pointer du doigt une pénalité mineure. C’est un biais évident, un parti pris qui en dit long.
Et il faut le dire franchement : Arber Xhekaj est devenu la cible facile de certains analystes. Comme si son style ne cadrait pas dans le discours qu’ils veulent imposer.
Ce qui rend la chose encore plus absurde, c’est que même Martin St-Louis n’a pas condamné son joueur.L’entraîneur-chef a été clair : il veut de la robustesse, mais intelligente.
« C’est pas de courailler partout comme des poules pas de tête. Mais quand c’est ton tour, il faut amener de la robustesse. »
Un message nuancé, qui montre bien que St-Louis n’a pas perdu confiance en Xhekaj. Il veut canaliser son énergie, pas l’éteindre. Et c’est exactement ce que le match d’hier illustrait : Arber est encore perfectible, mais il a marqué, il a assumé son rôle, et il a vu son frère briller.
Pour l’entraîneur, c’est une soirée positive. Pour les médias anglophones aussi. Mais pour l’Antichambre? Non. On préfère l’angle négatif.
Ce qui dérange le plus, c’est l’hypocrisie. On a présenté Arber comme un problème, comme un danger pour son équipe. Mais dans les faits, hier soir a montré l’inverse.
Qui était sur la glace en fin de match, protégé par Martin St-Louis, avec un rôle de confiance? Arber. Pas Jayden Struble.
Qui a marqué dans un filet désert, geste souvent réservé aux joueurs à qui on confie le dernier mot d’un match? Arber. Pas Struble.
Le message est cinglant : St-Louis fait confiance à Xhekaj. Il l’a prouvé par son utilisation. Il l’a prouvé en finissant le match avec lui. Et il l’a prouvé en répétant qu’il aimait ce que son joueur apporte.
Au final, ce que l’Antichambre a servi hier soir, ce n’était pas de l’analyse. C’était une caricature. C’était un tribunal improvisé qui a fait abstraction de l’histoire, de l’émotion, de la performance, pour ne retenir qu’un détail insignifiant.
Pendant ce temps, une mère quittait Montréal à 5h du matin pour retourner travailler, après avoir vu ses deux fils réaliser leur rêve sous le même chandail.
« Mes parents ont tout sacrifié pour mon frère et moi dans leur vie. Ils ont dormi dans l’auto, ils nous ont voyagé à Toronto pour tous les entraînements et les tournois. Ils ont investi chaque sou qu’ils avaient dans Florian et moi. » affirme Arber émotif.
Pendant ce temps, un père rageait devant son téléviseur à Hamilton d’avoir manqué une soirée historique. Pendant ce temps, deux frères s’enlaçaient après avoir marqué tous les deux.
« Mon père est probablement tellement fâché d’avoir raté le match surtout qu’il [Arber] est un défenseur défensif et qu’il ne marque pas souvent. On a marqué tous les deux, il est probablement assez contrarié. » affirme Florian en riant.
C’est ça, la vraie histoire. C’est ça, ce qu’il fallait raconter.
Et c’est précisément ce que les médias francophones ont raté. Une fois de plus.