Il y a des entrevues qui glissent comme de l’eau sur le dos d’un canard. Et il y en a d’autres qui laissent un goût amer, une tension dans l’air, un malaise difficile à déloger.
Celle que Martin St-Louis a accordée au balado "Missin Curfewentre" dans la deuxième catégorie. Entendre l’entraîneur-chef du Canadien de Montréal vanter les qualités d’Arber Xhekaj, qu’il appelle avec un enthousiasme soudain un joueur au « gros potentiel », a choqué bien des partisans.
Pourquoi ? Parce que cette sortie estivale pue l’hypocrisie.
Depuis plus d’un an, tout le monde voit ce qui se trame : une guerre froide, parfois chaude, entre St-Louis et Xhekaj.
Une relation toxique habilement maquillée devant les caméras, mais qui ne trompe plus personne. Cette saison encore, Xhekaj a été relégué dans les gradins à plusieurs reprises, même lorsque ses coéquipiers se faisaient brasser comme des plumes face aux Capitals. Et pendant ce temps, celui qu’on surnommait jadis le Shérif voyait son statut s’effriter.
On ne peut pas parler de ce malaise sans revenir sur l’altercation explosive, filmée mais censurée, entre St-Louis et Xhekaj pendant le tournage de la série-documentaire sur Crave.
Une scène qui montrait un entraîneur en perte de contrôle, engueulant comme du poisson pourri le seul joueur du Canadien capable d’imposer la peur physiquement. Une scène coupée, bien entendu, à la demande du département des communications du CH. Trop humiliant. Trop révélateur.
Georges Laraque, mentor d’Arber, avait sonné l’alarme. Il avait décrit en ondes comment Xhekaj, après s’être fait rabrouer pour avoir été trop agressif, avait cessé de frapper.
Par peur. Par obéissance. Par peur de son coach. C’est là que le mot juste est sorti : on a dénaturé Arber Xhekaj. Et c’est exactement ce que St-Louis a fait. Il l’a vidé de sa substance. De sa raison d’être.
Et comme si cela ne suffisait pas, Martin St-Louis a aussi voulu éliminer le symbole. Quand un journaliste a osé demander si le Shérif était de retour après une solide performance, St-Louis a lancé avec mépris :
« Personne ne l’appelle le Shérif dans notre vestiaire. »
Cette réponse, "cheap" et malsaine, en disait long. Il ne voulait plus entendre ce surnom. Il méprisait ce que Xhekaj représentait : un joueur populaire, adoré des partisans, et surtout, capable d’exister en dehors du système.
Il faut parler aussi du moment le plus révélateur : le lancement du burger « Shérif ». Aucun joueur du CH, aucun membre du personnel, aucun représentant de l’organisation n’a mis les pieds à l’événement. Le message était clair. Le clan St-Louis voulait tuer la marque. Étouffer l’initiative. Humilier Xhekaj à travers le silence.
Et maintenant, entendre Martin St-Louis parler d’Arber comme d’un joyau brut à polir? C’est presque une insulte. Le timing de cette déclaration est troublant.
Martin St-Louis s’est laissé aller à une envolée de compliments sur Arber Xhekaj, affirmant qu’il n’était pas seulement un bagarreur, mais un joueur « avec un sac à outils bien garni ».
Selon lui, Xhekaj a « plusieurs outils dans sa boîte », mais il doit apprendre à choisir les bons, au bon moment.
Ce langage, emprunté aux clichés d’entraîneur paternaliste (du St-Louis tout craché), a fait grincer bien des dents. Parce que ce même entraîneur a passé la saison à l’humilier publiquement et à minimiser son importance.
Ce même entraîneur l’a envoyé dans les estrades alors que l’équipe se faisait brasser. Et aujourd’hui, il nous parle d’un joueur aux mille qualités? Ridicule.
Cette sortie publique et mensongère survient précisément au moment où le Canadien multiplie les démarches pour échanger Xhekaj. Le nom de Nicolas Hague circule avec insistance. Un défenseur gaucher, 6’6, 245 livres, robuste, physique, capable de bloquer des tirs et de jouer en série. Tout ce que Xhekaj devait être. Tout ce qu’on l’a empêché d’être.
L’ironie cruelle, c’est que St-Louis cherche maintenant à vendre Xhekaj aux autres équipes… en vantant des qualités qu’il a lui-même tenté de supprimer. "Le toolbox" d’Arber? On l’a refermé. On l’a enfermé dans un trou. Et quand il a voulu le rouvrir, il s’est retrouvé dans les estrades. Puni. Rabaissé.
Mais le plus gros mensonge, celui que les partisans ne pardonneront jamais, c’est ce moment où St-Louis a tenté d’effacer le surnom « Shérif ».
Ce surnom, c’est le lien qu’il avait avec les partisans. L’effacer, c’était le déraciner. C’était le réduire à un pion anonyme, sans saveur.
Et maintenant, on nous parle d’un coach bienveillant, qui croit en lui, qui le comprend parce qu’il a aussi vécu des débuts difficiles?
C’est lui qui a enfoncé Xhekaj. C’est lui qui l’a renié. Et c’est lui qui, aujourd’hui, tente de maquiller ce reniement en grand récit pédagogique.
L’entrevue a aussi déclenché un feu de forêt sur les réseaux sociaux. Les partisans, qui ne sont pas naïfs, ont vu clair dans cette opération de communication.
Ils ont vu un coach qui tente de réécrire l’histoire à la veille d’un échange. Un coach qui tente de faire oublier qu’il a tout fait pour casser son défenseur. Qu’il a même ridiculisé ceux qui le surnommaient le Shérif, ce même surnom qu’il utilise maintenant comme argument de vente tacite.
On en arrive à ce constat ridicule et sans pitié : Arber Xhekaj est sur le marché. Il est offert en pâture aux équipes comme Vegas.
Et il faut un retour solide pour justifier une telle transaction. C’est là qu’entre en scène l’idée d’un package pour Nicolas Hague. À voir la tournure que prend le discours de St-Louis, tout semble pointer vers une tentative désespérée de sauver la face… avant l’inévitable.
Le Canadien veut passer à autre chose. St-Louis ne veut plus de Xhekaj dans son vestiaire. Et ce n’est pas une déclaration publique sur un podcast qui changera quoi que ce soit. Au contraire. Elle confirme le malaise. Elle amplifie la fracture. Elle expose la duplicité.
On ne peut pas effacer une saison de tensions, de décisions incohérentes, de messages contradictoires, d’humiliations sournoises et de silences coupables par quelques compliments balancés en plein mois de juin. Trop tard. Trop évident. Trop malhabile.
Arber Xhekaj mérite mieux. Et les partisans méritaient mieux qu’un coach qui joue sur les deux tableaux.