C’était un moment de radio comme on en vit rarement.
Un choc en direct. Un retour brutal au réalisme dans une mer d’illusions. Un auditeur passionné, plein d’espoir, venait tout juste de téléphoner au 98.5, dans l’émission
Les amateurs de sports, animée ce soir-là par Louis-Jean, pour s’exprimer avec émotion sur Patrik Laine.
Le contexte? Le Canadien venait de remporter un match important, avec, encore une fois, un but de Laine en avantage numérique.
Ce n’était pas la première fois qu’il faisait la différence avec son tir foudroyant du cercle droit. L’auditeur, sincère, croyait y voir les signes d’un retour, voire d’un attachement qui se créait entre Laine et Montréal.
Avec conviction, il a affirmé que le CH devait re-signer le Finlandais à la fin de son contrat actuel, qui expire à l’été 2026.
Mais il n’a pas reçu l’écoute qu’il espérait.
Louis-Jean n’a pas hésité une seule seconde. Il a coupé court à la ferveur du partisan avec une déclaration brutale, sèche, sans détour :
« Honnêtement, il n’y a aucune chance que Laine signe un autre contrat avec le Canadien. Il est trop lent, trop unidimensionnel. Il ne cadre pas avec la direction de cette équipe. »
Le choc était total. L’auditeur a tenté de rebondir, de défendre son point de vue, mais la glace venait d’être brisée. Ce qu’il croyait être un appel de passion s’est transformé en leçon froide de réalité.
C’était une de ces soirées où les émotions sont à fleur de peau, où les partisans appellent au 98.5 avec la voix pleine d’espoir, de passion, parfois de naïveté.
Louis-Jean n’a pas voulu rêver.
« Il est trop lent, trop unidimensionnel. Il ne correspond pas à ce que cette équipe veut bâtir. »
Aucune nuance. Zéro espoir.
Et dans le silence radio qui a suivi, on pouvait presque entendre le cœur de l’auditeur se briser en direct.
Mais qu’est-ce qui a mené Louis-Jean à être aussi catégorique? Pourquoi un analyste habituellement nuancé et bienveillant a-t-il été aussi tranchant à propos de Laine?
Pour le comprendre, il faut revenir en arrière. L’histoire de Patrik Laine ne commence pas à Montréal. Elle commence à Winnipeg, avec une étiquette qui lui colle encore à la peau : celle du joueur talentueux, mais instable.
Repêché au 2e rang en 2016, juste derrière Auston Matthews, Patrik Laine était vu comme un des futurs visages de la LNH.
Son tir exceptionnel, sa taille, sa production immédiate — 36 buts à 18 ans — ont rapidement captivé la ligue. Mais très vite, des tensions sont apparues à Winnipeg.
Son isolement dans le vestiaire, son obsession pour les jeux vidéo, ses relations glaciales avec Mark Scheifele et d’autres vétérans ont été largement documentées.
L’anecdote selon laquelle Laine achetaient des télévisions dans chaque ville sur la route pour pouvoir jouer à Fortnite a circulé pendant des années, bien qu’il l’ait niée au balado Spittin’ Chiclets.
Et pourtant, dans une entrevue poignante au média finlandais Helsingin Sanomat, quelques semaines plus tard, il a finalement avoué que les jeux vidéo avaient été pour lui un refuge, une forme d’échappatoire à la solitude et à l’intimidation qu’il subissait dans le vestiaire.
Ce double discours a semé le doute sur sa stabilité émotionnelle et sa transparence.
Après son échange à Columbus, les choses ne se sont pas arrangées. Un passage tendu avec John Tortorella, qui l’a carrément laissé sur le banc pour avoir mal parlé à un adjoint, une production inégale, et surtout, une descente aux enfers mentale qui l’a mené à entrer dans le programme d’aide de la LNH/NHLPA en janvier 2024.
À son retour, Laine semblait vouloir renaître. Il a vendu sa McLaren, pris sa foi au sérieux, lancé une fondation pour la santé mentale, et recommencé à sourire.
Et à Montréal, il a trouvé un peu de lumière. En avantage numérique, il a été redoutable, marquant presque tous ses buts dans cette situation. Mais à 5 contre 5, il est invisible. Lent, souvent désengagé, absent mentalement.
Et c’est ce contraste, entre un joueur qui produit en avantage numérique mais qui n’apporte rien d’autre, qui nourrit la frustration de plusieurs observateurs, dont Louis-Jean.
Louis-Jean, habituellement modéré, ne s’attaque que rarement à des joueurs sur des questions de caractère. Mais dans le cas de Laine, il semble avoir atteint sa limite.
Le fait que Laine évite systématiquement les médias après les matchs, qu’il ait été protégé à répétition par Chantal Machabée, et qu’il ait souvent l’air déconnecté sur le banc, a sans doute contribué à nourrir l’opinion du commentateur.
De plus, l’attitude de Laine avant son retour à Columbus, où il a critiqué son ancienne organisation pour sa « culture perdante » avant d’être blessé sur des coups clairement ciblés par ses anciens coéquipiers, a démontré à quel point le joueur n’a pas peur de dire ce qu’il pense, même si cela peut lui nuire.
À cela s’ajoute le fait qu’à Montréal, il refuse manifestement de jouer sur un autre trio que le deuxième, alors même que Martin St-Louis préfère garder Slafkovsky sur la première ligne, ce qui crée une tension constante dans la gestion de ses minutes.
Et le malaise ne fait que s’amplifier. Les médias de Columbus et de Winnipeg regardent ce qui se passe à Montréal et préviennent : quand Laine perd contact, quand son regard se perd dans les brumes, c’est le début d’un isolement progressif. Un repli sur soi, comme il l’a vécu dans les deux autres villes.
La dernière anecdote révélée par Maxime Truman, où Laine est vu seul dans l’avion du Canadien, regardant par le hublot pendant que tous les autres joueurs jouent aux cartes et rient ensemble, illustre parfaitement cette réalité. Ce n’est pas de l’arrogance. C’est de la solitude. C’est un joueur qui ne sait pas comment s’intégrer.
Et c’est là que la déclaration de Louis-Jean prend tout son sens. Ce n’était pas une attaque gratuite. C’était un constat brutal, basé sur tout ce que Laine n’arrive pas à régler depuis bientôt huit ans.
La réalité, c’est que Laine est un joueur de séquences. Quand il est dans une bonne passe, il peut faire gagner un match à lui seul.
Mais dans les autres situations — en transition, en échec avant, en repli défensif — il est un poids mort.
Et dans une LNH de plus en plus rapide, où les équipes misent sur la versatilité, il devient difficile de justifier un salaire de près de 9 millions pour un joueur qui ne joue qu’en avantage numérique.
Louis-Jean, en affirmant qu’il n’y a aucune chance que le CH lui offre un nouveau contrat, ne fait que dire à voix haute ce que plusieurs dans l’organisation pensent tout bas.
La direction du Canadien aime les jeunes disciplinés, coachables, stables. Laine ne correspond pas à ce moule, même si son tir est une arme fatale.
L’auditeur du 98.5 ne méritait peut-être pas une réponse aussi abrupte. Mais Louis-Jean a posé un diagnostic lucide, sans anesthésie.
Et ce moment de radio, aussi froid qu’il ait été, a révélé la fracture entre ceux qui croient encore au miracle Laine… et ceux qui ont déjà tourné la page.
Le temps passe, et Patrik Laine, malgré toute sa bonne volonté, reste un mystère. Un joueur au talent immense, mais à la trajectoire hachurée de silences, de contradictions, de déceptions.
Peut-être que Montréal est son dernier arrêt. Peut-être que non. Mais une chose est claire : s’il veut faire mentir Louis-Jean, il va falloir plus que des buts en avantage numérique. Il va falloir qu’il se reconnecte… avec lui-même.