Michael Hage n’a rien oublié.
Pas l’appel qui n’est jamais venu.
Pas l’invitation qui s’est envolée sans explication.
Pas le silence assourdissant de Hockey Canada, alors qu’il méritait plus que quiconque une chance de prouver sa valeur.
En 2024, alors que l’équipe canadienne formait son noyau pour le Championnat mondial junior, il a été écarté sans justification.
Il ne faisait pas partie du groupe d’évaluation. Il ne faisait pas partie des discussions. Il n’était même pas sur le radar.
Une décision incompréhensible, surtout pour un joueur aussi dominant, aussi talentueux, aussi déterminé.
Et tout le monde le savait, ce rejet a laissé des marques profondes.
Mais Hage a transformé cette humiliation en carburant. Il a entamé sa première saison dans la NCAA avec un objectif clair : forcer le respect.
Avec l’Université du Michigan, il a récolté 34 points, dont 14 buts, en 33 matchs. Une production qui le plaçait parmi les meilleurs jeunes centres canadiens de sa génération, toutes ligues confondues.
Mais malgré ses performances, Hockey Canada continuait de regarder ailleurs.
Ce n’était pas une question de talent. C’était une question de parcours.
Hage n’avait pas suivi le tracé habituel. Il n’était pas un produit de la CHL. Il avait osé prendre une autre voie.
Et dans l’écosystème figé de Hockey Canada, ce genre de choix ne se pardonne pas facilement.
Encore aujourd’hui, le programme semble animé par un réflexe conservateur, où les joueurs universitaires américains sont vus comme des étrangers à apprivoiser, et non comme des atouts à intégrer.
Le pire dans tout ça, c’est que Hage ne représentait pas seulement un choix logique. Il représentait une correction nécessaire.
Il représentait l’antidote parfait à un mal qui ronge le programme canadien depuis deux ans : la peur de miser sur le talent.
Depuis deux tournois, le Canada tombe en quart de finale. Deux fois contre les Tchèques. Deux fois après avoir assemblé une équipe équilibrée, structurée, mais sans audace.
Le mot d’ordre semblait être sécurité. On préférait les joueurs de soutien, les gars de quatrième trio capables de tuer des punitions, de bloquer des tirs, d’amener de la robustesse.
On construisait des équipes pour survivre au chaos, pas pour dominer l’adversaire.
Et le résultat a été le même : l’échec.
Pendant que les autres pays empilaient les joueurs explosifs et faisaient confiance à leur instinct offensif, Hockey Canada continuait de bâtir son alignement comme s’il préparait une série contre les Bruins.
Il fallait de la structure, du sable dans l’engrenage, des gars fiables.
Mais on a oublié ce qui fait vraiment gagner un tournoi de deux semaines : les joueurs capables de changer le cours d’un match à eux seuls.
C’est exactement ce qu’est Michael Hage.
Un centre rapide, intelligent, intense, qui crée de l’offensive sans se trahir défensivement. Un joueur de premier plan. Pas un soldat de fond de banc. Pas un rouage anonyme.
Un leader en devenir, capable d’amener ses coéquipiers à un autre niveau.
Et pourtant, ce n’est qu’en 2025 qu’il a finalement été invité à la vitrine estivale d’Équipe Canada junior. Tardivement. Presque à contrecœur. Comme s’il fallait absolument le tester, sans vraiment croire en lui.
Une erreur que Hage n’avait pas l’intention de laisser passer.
Il est arrivé avec le feu dans les yeux. Ce n’était pas un joueur heureux d’être là. C’était un joueur en mission.
Parce que chaque présence sur la glace est pour lui un rappel. Un rappel de 2024. Un rappel du camp raté, de l’appel manqué, du mépris silencieux.
Mais c’est aussi un rappel de tout ce qu’il a traversé pour en arriver là.
Hage n’a pas été épargné. Une blessure à l’épaule qui aurait pu ruiner sa progression. La perte de son père, à un âge où le hockey est encore un rêve fragile. Le deuil, la pression, les attentes. Il aurait pu s’effondrer. Il a choisi de résister.
Aujourd’hui, il veut tout renverser. Il veut forcer la main à ceux qui l’ont ignoré. Il veut s’imposer comme une évidence.
Et surtout, il veut s’assurer qu’un joueur comme lui ne sera plus jamais oublié.
Le programme canadien est à un point tournant. Il ne peut plus se permettre une autre humiliation.
Et pour éviter un troisième désastre, il devra repenser sa philosophie. Oser davantage. Miser sur le talent pur, pas seulement sur le profil parfait.
L’époque des alignements prudents est révolue. Les autres nations ont compris que le hockey moderne appartient aux créateurs, pas aux suiveurs.
Michael Hage, c’est le symbole de cette transition. Il incarne la nouvelle vague. Il est le joueur que le Canada a trop longtemps rejeté, et dont il a cruellement besoin maintenant.
Et pour les partisans du Canadien, cette histoire résonne doublement.
Parce que ce n’est pas seulement Hockey Canada qui devra apprendre à lui faire confiance. C’est aussi à Montréal qu’il devra bientôt prouver qu’il peut devenir le deuxième centre tant recherché.
Celui qui suivra Suzuki. Celui qu’on enverra dans les moments critiques, quand le match est en jeu, et que la foule retient son souffle.
Hughes l’a repêché au 21e rang, non pas pour offrir une belle histoire émotive à la famille Hage, mais parce qu’il voyait en lui une pièce centrale du futur du club.
Et jusqu’à présent, tout donne raison au directeur général du CH.
Mais avant d’atteindre le Centre Bell, Hage veut régler ses comptes avec Équipe Canada.
Et cette fois, il ne se contentera pas d’un rôle secondaire.
Il veut un rôle de premier plan.
Et il veut marquer l'imaginaire.