Lettre d'excuse du CF Montréal: les partisans sont révoltés

Lettre d'excuse du CF Montréal: les partisans sont révoltés

Par Nicolas Pérusse le 2025-07-23

Alors que les rumeurs de déménagement planent comme un orage noir au-dessus de Montréal, le CF Montréal tente une dernière manœuvre pour rassurer ses partisans.

Une lettre ouverte. Une confession. Un aveu d’échec.

L’organisation admet ses torts, reconnaît sa déroute, et annonce ce qu’elle appelle une “reconstruction”.

Mais derrière ces mots choisis avec soin, il y a surtout une tentative désespérée de retenir une base partisane qui s’effrite… et de faire croire que le club a encore un avenir ici, au Québec.

C’est une opération de sauvetage. Pas sur le terrain, mais dans les cœurs.

Le timing ne ment pas. Quelques jours après une nouvelle défaite à domicile, une autre humiliation publique, une autre soirée où les sièges vides du Stade Saputo ont mieux résonné que les cris de joie, le club publie une lettre officielle.

Gabriel Gervais, Luca et Simone Saputo signent une missive pleine de bonnes intentions. Ils parlent de fierté, d’ambition, de nouveau chapitre.

Mais la réalité est brutale.

Montréal est bon dernier au classement de la MLS. Trois victoires en 24 matchs. Une seule à domicile. Une équipe méconnaissable, sans vedettes, sans identité.

Et surtout : sans direction claire.

Dans un autre sport, cette lettre aurait peut-être été bien reçue. Mais au soccer, à Montréal, en 2025, elle sonne comme un dernier appel au secours.

Le CF Montréal est une organisation malade. Une équipe en état de fuite lente, rongée par l’instabilité, la confusion, et l’abandon progressif d’un propriétaire qui a déjà un pied à Bologne.

Car c’est bien là que tout commence : Joey Saputo n’est plus là.

Physiquement, émotionnellement, financièrement. Il investit dans son club italien, qui vient de gagner la Coupe d’Italie. Il y est célébré. Écouté. Adulé. À Montréal, il est perçu comme un obstacle et il le sait.

« J’ai perdu la passion de travailler dans ce club-là », a-t-il confié en entrevue. Un aveu qui aurait dû déclencher un séisme. Mais ici, à force de désillusion, plus rien ne surprend.

La lettre de reconstruction tombe donc à plat pour plusieurs partisans. Les commentaires sont éloquents : “Le rebuild du rebuild commence.” “Club école de la MLS.” “Il faudrait un propriétaire qui fasse l’effort d’être présent.” “Saputo n’en a plus rien à foutre.”

Des réactions acerbes, mais révélatrices d’une vérité implacable : la grogne est installée. Le lien est brisé.

Et dans cette mer d’indifférence naissante, les signaux d’alarme s’accumulent.

D’abord, les résultats.

Le club est au fond du baril, sportivement. Mais ce n’est pas tout. La masse salariale est l’une des plus basses de la ligue. L’équipe vend ses meilleurs jeunes… pour réinvestir l’argent ailleurs. À Bologne. Pas à Montréal.

Même la promesse de miser sur la jeunesse ne suffit plus à séduire. Parce que dans le soccer, une reconstruction sans argent, c’est une illusion.

Ce n’est pas comme au hockey. Il n’y a pas de Connor Bedard à repêcher. Il n’y a pas de repêchage qui te remet sur les rails en deux ans. Il faut investir. Chercher, négocier, signer. Et pour ça, il faut un portefeuille… et un minimum d’ambition.

Ce que les fans voient, c’est une équipe qui vend, mais qui ne rachète pas. Qui forme, mais qui ne garde pas. Qui promet, mais qui n’agit pas.

La lettre du club parle de “gestes concrets” dans les prochaines fenêtres de transferts. Mais les mêmes mots avaient été prononcés en mai, par Gabriel Gervais.

À l’époque déjà, il disait qu’il faudrait “deux ou trois fenêtres” pour reconstruire. En langage MLS, ça veut dire trois ans. Peut-être quatre. Qui va attendre?

Et surtout : à quoi bon reconstruire si c’est pour redevenir un club satellite? Si, à chaque saison, les meilleurs partent vers l’Europe, pendant que l’équipe première se noie dans la médiocrité?

Le sentiment d’abandon est aussi symbolique que réel. Il s’exprime dans les gestes, dans les décisions, dans le silence.

Prenons l’exemple Alicia Moffet. Une chanteuse populaire, invitée à se produire au Stade Saputo. Elle refuse de monter sur scène parce qu’elle trouve l’endroit trop “ordinaire”. Parce qu’elle ne veut pas chanter près des hot-dogs et des poutines.

Elle voulait la scène principale, comme Taylor Swift. Elle ment publiquement sur les raisons de son absence. Et que fait le club? Rien. Aucun blâme. Aucun communiqué. Aucun geste pour défendre l’honneur de ses partisans.

Une humiliation, couverte par le silence. Comme si le CF Montréal avait peur de faire du bruit.

Mais la vérité, c’est que le club ne fait plus peur. Il ne dérange plus. Il ne galvanise plus. Et c’est ça, le vrai drame.

Même les rumeurs de déménagement, qui devraient secouer tout le Québec, semblent s’inscrire dans une forme de fatalisme. “Ça commence à ressembler aux Expos”, écrit un internaute. “On ne saura même pas quand c’est arrivé”, dit un autre. “Le club est mort la journée où mon chandail de l’Impact est devenu vintage.”

Et pourtant, les signes sont là. Joey Saputo qui admet ses pertes. Qui dit perdre 20 millions par année. Qui n’a pas de terrain chauffé. Qui ne possède même pas le terrain du stade. Qui se plaint du manque d’appréciation du public.

Et pendant ce temps, à Détroit, deux groupes milliardaires attendent leur tour.

Ce n’est plus une rumeur. C’est une préparation.

Le club est instable. Sportivement. Structurellement. Émotionnellement. Un entraîneur intérimaire. Un vestiaire sans repères. Des jeunes qui doutent. Une base partisane qui se lasse.

Et une ligue qui ne dit rien. Pas un mot du commissaire Don Garber. Aucun soutien clair. Aucun rappel à l’ordre. Montréal est seul. Et elle le sait.

Alors oui, cette lettre est importante. Elle reconnaît l’échec. Elle tente de rebâtir un pont. Mais sans investissement massif, sans changement de culture, elle ne sera qu’un geste symbolique de plus. Une confession dans le vide.

Parce que reconstruire un club de soccer, ce n’est pas comme reconstruire une équipe de hockey. Ce n’est pas un “plan quinquennal” avec des espoirs et de la patience.

C’est un sprint constant, un marché mondial, une guerre de budgets.

Et pour y survivre, il faut des moyens. Des joueurs payés. Des entraîneurs compétents. Des fans écoutés. Et surtout, un propriétaire engagé.

Aujourd’hui, personne n’y croit vraiment.

La reconstruction annoncée ne rassure pas. Elle inquiète.

Parce que derrière chaque mot, chaque promesse, plane l’ombre de Détroit. Une ville prête. Un marché riche. Des infrastructures modernes.

Et une MLS qui cherche à se rapprocher du Midwest.

Et si la lettre de Gervais et des jeunes Saputo était en fait un dernier coup de dés? Une dernière tentative de prouver qu’il reste encore quelque chose à sauver?

Peut-être...

Mais à voir l’état actuel du club, on peut se demander s’il reste encore quelqu’un pour tendre la main.

Le CF Montréal ne mourra peut-être pas dans un communiqué. Il ne partira pas dans un éclat.

Il disparaîtra doucement, dans le silence, pendant qu’on regarde ailleurs.

Et quand on réalisera qu’il est parti… On réalisera que ça prenait davantage qu'une simple reconstruction...