Il y a des soirs où la vérité ne sort pas des coulisses ni des rumeurs.
Elle sort directement de la glace.
Et ce soir, au Centre Bell, la glace a envoyé un message brutal : ceux qu’on croyait finis, oubliés, condamnés… ce sont eux qui ont levé la main. Et celui qu’on voyait déjà en avance, celui qu’on présentait comme la révélation… a tout perdu.
Le contraste est saisissant. Owen Beck, Filip Mesar et Sean Farrell, trois joueurs étiquetés comme des espoirs sans avenir, ont formé le trio le plus constant du Canadien.
Pendant ce temps, Oliver Kapanen, placé dans une chaise de rêve avec Demidov et Laine, a échoué son audition.
Beck, d’abord. Invisible depuis le début du camp, utilisé comme monnaie d’échange dans presque toutes les rumeurs, il a montré ce soir la version de lui qu’on attendait depuis deux ans.
Combattif, intense, direct. Son but, marqué en fonçant au filet n’avait rien de spectaculaire… mais il avait tout du but qui change la perception.
Deux poussées, le nez dans l’enclave, et la rondelle finit derrière le gardien. Un but d’acharnement. Un but de joueur qui refuse de disparaître.
À ses côtés, Filip Mesar. Enterré publiquement comme un flop, décrit comme un choix gaspillé du repêchage 2022, comparé à un fantôme de Laval… ce soir, il a rappelé qu’il savait encore jouer au hockey.
Rien de flamboyant, mais de l’énergie, du rythme, des séquences utiles. Pour un joueur qu’on disait déjà condamné à retourner en Europe, c’était une claque à tous ceux qui l’avaient rayé.
Et Sean Farrell, le troisième mal-aimé, a complété le tableau. Lui qui venait de signer un contrat à deux volets, perçu comme un « dernier avertissement », a joué comme un gars qui ne voulait pas entendre le mot Europe dans sa carrière.
Vision, constance, implication sur 200 pieds. Pas une étoile, mais un joueur qui, ce soir, a prouvé qu’il pouvait rendre un trio efficace.
Trois joueurs critiqués, méprisés, souvent oubliés. Trois joueurs qui ont formé le trio le plus inspiré du Canadien.
Et puis, à l’autre extrême, Oliver Kapanen.
Il devait profiter de l’opportunité de sa vie. On l’avait placé avec Demidov et Laine, deux talents offensifs capables de transformer n’importe quel partenaire en joueur productif.
Mais la marche était trop haute. Demidov pense deux jeux à l’avance. Laine dégaine dès qu’il voit une ouverture. Kapanen, lui, arrivait toujours une seconde trop tard.
Lent dans ses décisions, hésitant dans ses relances, incapable d’imposer son tempo. Ce qui devait être une audition de rêve s’est transformé en vitrine qui expose ses limites. Et dans une organisation où son nom circule déjà dans toutes les rumeurs, c’est catastrophique.
Parce que pour les recruteurs adverses, la question n’est plus « qu’est-ce qu’il peut devenir? », mais « pourquoi ne suit-il pas le rythme avec des joueurs élites? ».
Kent Hughes n’est pas naïf. Il sait que la valeur d’un joueur fluctue vite. Il sait aussi que des soirs comme celui-ci peuvent suffire à changer la perception dans toute la ligue.
Kapanen n’a pas fait grimper sa cote. Au contraire, il vient de montrer en direct qu’il n’était pas prêt à aider le Canadien à court terme. Et ça, ça peut transformer un « joueur d’avenir » en simple monnaie d’échange.
La scène est claire, mais cruelle. D’un côté, Beck qui se battait comme si sa carrière dépendait de chaque présence. Mesar qui s’accrochait à la moindre possession. Farrell qui jouait comme si chaque présence était son audition finale. De l’autre, Kapanen qui se noyait dans un rôle trop grand pour lui.
Et c’est ça le camp d’entraînement : un théâtre où les perceptions se construisent en un match, où une soirée peut relancer trois carrières et en plomber une autre.
On ne doit pas s’emballer trop vite. Beck ne devient pas intouchable parce qu’il a marqué un but. Mesar n’est pas redevenu un choix de première ronde sûr de lui en une soirée. Farrell n’a pas effacé toutes ses incertitudes.
Mais ils ont fait une chose essentielle : ils ont forcé la discussion. Ils ont rappelé qu’ils existent. Ils ont prouvé que les verdicts définitifs lancés en mai, en juin ou en juillet, peuvent s’écrouler en une seule performance.
Et à l’inverse, Kapanen a perdu plus qu’un match. Il a perdu une partie de sa crédibilité. Ce qu’il n’a pas démontré ce soir, personne ne le lui inventera.
Et dans un contexte où les rumeurs de transaction entourent déjà son nom, ce genre de prestation peut l’envoyer plus vite qu’il ne le croit dans un « package deal ».
Le hockey est cruel parce qu’il ne laisse pas de marge. Beck, Mesar et Farrell n’avaient rien à perdre, alors ils ont tout donné.
Kapanen avait tout à prouver, et il n’a rien montré.
Résultat : le trio des mal-aimés a redonné espoir.
Et Kapanen, lui, a tout perdu.