Il avait enfin trouvé son rythme. Il riait plus souvent, patinait avec confiance, provoquait les défenseurs, bousculait les vétérans sans demander pardon.
Son tour du chapeau contre les Flyers avait déclenché une vague d’optimisme rarement vue.
On commençait à murmurer que Slafkovsky, le premier choix controversé de 2022, était en train de tenir sa promesse. Celle d’être non seulement un bon joueur… mais un joueur d’impact.
Un power forward capable de renverser le cours d’un match.
Mais cette saison-là, aussi encourageante soit-elle, est déjà vieille.
C’est terminé. Le sourire, les passes vives, les séquences de sept matchs avec un point… tout ça n’a plus aucune valeur.
Parce que cette année, Slafkovsky change de catégorie. Il n’est plus un projet. Il n’est plus une promesse. Il est un joueur à 10 millions.
Et à Montréal, 10 millions, ça vient avec des attentes.
Beaucoup d'attente.
Le plus troublant dans cette histoire, ce n’est même pas le montant. C’est le timing.
Slafkovsky n’a que 21 ans. Il vient de signer l’un des contrats les plus lucratifs de l’histoire du club pour un joueur de son âge, avant même d’avoir livré une saison de 60 points.
Le contrat commence maintenant et avec lui, la sentence.
À partir d’aujourd’hui, chaque match devient un verdict.
Le pire? Ce timing coïncide avec un parallèle qui le hante depuis le début : Mikko Rantanen.
Quand le Canadien l’a repêché, c’était la comparaison numéro un. Même gabarit. Même style de jeu. Même combinaison de puissance et d’intelligence.
On rêvait de voir Slafkovsky devenir le prochain Rantanen, mais lui, dans une entrevue récente, a coupé court : « Je ne veux pas être le prochain Mikko Rantanen. Je veux être moi-même. »
C’est noble. Et c’est sincère. Mais c’est aussi naïf.
Parce que cette saison, qu’il le veuille ou non, la comparaison va revenir en pleine figure. C’est l’année charnière.
C’est exactement à ce moment-là dans sa carrière que Mikko Rantanen a explosé, passant de jeune talent à superstar.
À 21 ans, dans sa troisième saison, Rantanen a récolté 84 points en 81 matchs. Il est devenu, en un claquement de doigts, l’un des meilleurs ailiers droits de la ligue.
Et Slafkovsky?
Il commence cette saison avec un contrat égal au salaire de Connor McDavid. Dix millions nets. Zéro point au compteur. Une place fragile sur le premier trio et un nuage noir au-dessus de la tête.
Parce que même si sa progression a été réelle: 50 points, plusieurs séquences dominantes, une chimie naissante avec ses partenaires de trio, ça reste insuffisant à Montréal.
Le CH a vu partir des joueurs qui produisaient plus. Il a aussi vu des contrats mal vieillir. Et Slaf n’a pas la patience du public avec lui.
Dans cette ville, quand tu gagnes plus que Suzuki, plus que Caufield, plus que Laine, plus que tous les autres sauf Dobson, tu n’as plus droit aux excuses. Tu dois performer. Tout de suite.
Et ce n’est pas seulement une question d’argent. C’est une question de perception.
Slafkovsky n’est même pas assuré de jouer sur la première unité d’avantage numérique. Suzuki, Caufield, Demidov, Hutson et Dobson semblent s’y être installés pour de bon.
Certains évoquent même Laine ou Bolduc comme des options plus naturelles. Alors quoi? Slafkovsky va-t-il vraiment gagner 10 millions pour jouer le rôle de "bumper" sur la deuxième vague?
L’argument du gabarit ne suffit plus. On ne paie pas un joueur pour “cacher le gardien” avec son corps. On paie un joueur 10 millions pour changer le cours d’un match.
Et si Slafkovsky ne produit pas, la réaction sera immédiate. Les médias. Les partisans. Les anciens. Tous vont sortir la même phrase : « Il est surpayé. »
Et cette phrase-là, à Montréal, elle colle à la peau comme une malédiction.
Le pire, c’est que même dans son vestiaire, des doutes peuvent germer.
Quand Suzuki gagne moins. Quand Caufield marque plus. Quand Laine, malgré tout, reste un sniper reconnu. Quand Dobson devient une machine offensive sur l’avantage numérique… Slaf va devoir se justifier.
Pas avec des mots. Avec des chiffres. Et vite.
L’ironie, c’est que l’équipe avait raison d’y croire. Slafkovsky est une bête physique. Même Mikko Rantanen, dans une séquence en fin de saison dernière, a été ébranlé par sa puissance en bataille un contre un. Elliotte Friedman a résumé ce que tout le monde pensait lors du tournoi estival : « Il a l’air d’une bête. Une véritable bête. »
Mais les bêtes ne survivent pas à Montréal si elles n’apprennent pas à dominer.
En ce moment, plusieurs voient même Demidov prendre la place de Slafkovsky à droite du premier trio, aux côtés de Suzuki et Caufield.
Et si Slaf est déplacé… ce sera encore vu comme une rétrogradation. Une autre preuve qu’il n’est pas “prêt”. Une autre excuse pour rappeler son contrat.
Et pour ressasser le spectre de Rantanen.
Et ça, c’est le pire cauchemar de Juraj Slafkovsky. Passer l’année à fuir une comparaison… tout en la vivant à chaque présence.
Il a voulu être son propre joueur. Il l’a dit haut et fort. Mais à Montréal, à 10 millions par saison, tu n’as pas le luxe d’être “toi-même”. Tu dois être bon. Très bon. Tout le temps.
Et si Ken Hughes s’est trompé? Si ce contrat était trop hâtif? Si l'ancien premier choix au total s’écroule sous la pression?
Le prix sera lourd. Pour lui. Pour l’équipe. Pour tout le plan.
Parce qu’à Montréal, on n’évalue pas seulement le talent. On évalue le rendement. Et on le compare. À Rantanen. À McDavid. À Suzuki. À tout ce qui bouge.
Slaf n’a pas besoin d’être Mikko Rantanen.
Il doit être la meilleur version de lui-même.
Et il doit l’être maintenant.
Sinon, les comparaisons avec tous les premiers choix qui n'ont pas sû répondu aux attentes...
Vont lui faire regretter l'époque où on le comparait avec les plus grands...