À peine repêché au 4e rang par le Mammoth de l’Utah, Caleb Desnoyers avait le vent dans les voiles.
Un joueur complet, intelligent, créatif, au gabarit idéal, sorti tout droit d’une saison de rêve avec les Wildcats de Moncton : 84 points en 56 matchs, +51, champion de la LHJMQ, MVP des séries, meilleur espoir pro, personnalité de l’année, première équipe d’étoiles…
Bref, la totale. Le genre de CV que tu cadres et que tu montres à tes enfants quand ils te demandent pourquoi tu mérites ton contrat d’entrée dans la LNH.
Sauf que voilà, le destin ... cette maudite bibitte invisible qui s’invite toujours quand tu t’y attends le moins ... vient de frapper.
Poignet en vrac. Chirurgie. Trois mois sur la touche. Une saison qui commencera en novembre… peut-être.
Dans le monde du hockey, le timing, c’est tout.
Rater un camp d’entraînement, c’est bien plus que rater trois semaines de patinage en rond.
C’est rater l’occasion de t’asseoir dans la chambre avec les gros noms, de montrer au coach que tu n’es pas intimidé, de t’imposer dans les drills comme si ta place était déjà assurée.
C’est aussi rater le moment où les yeux sont braqués sur toi, où la direction veut voir si elle a misé sur le bon cheval.
Dans le cas de Desnoyers, ce cheval-là va rester dans l’écurie jusqu’en novembre.
Et c’est là que ça devient dangereux.
Parce que dans le sport pro, personne n’attend après toi. Les autres jeunes vont prendre la glace, vont impressionner, et pendant que tu fais de la physiothérapie, la liste des gars qui veulent ta place s’allonge.
Mais ici, on parle d’un joueur qui a déjà traîné cette blessure toute l’année dernière.
Deux poignets amochés, rien que ça, et malgré tout, il a mené sa ligue en séries.
Tu veux parler de dureté mentale? On est en plein dedans.
Desnoyers n’a pas juste le talent, il a la tête.
Et souvent, c’est ce qui fait la différence entre ceux qui survivent et ceux qui disparaissent dans les abysses de la LAH.
On pourrait se dire que ce n’est pas dramatique, que de toute façon, il allait retourner à Moncton pour dominer une autre saison junior.
Mais c’est faux. Chaque journée qu’il passe à regarder les autres jouer, c’est une journée de moins à assimiler le rythme, à comprendre les systèmes, à s’adapter au calibre LNH.
Les Logan Cooley, déjà en place à Utah, vont continuer de progresser, d’accumuler les points, de solidifier leur statut.
Quand Desnoyers débarquera enfin, il ne sera plus le nouveau jouet qu’on a hâte de voir, mais « le jeune qui revient de blessure »… et crois-moi, l’étiquette colle.
Ce qui rend l’histoire encore plus cruelle, c’est que le kid représente quelque chose de rare : un Québécois repêché dans le top 5 depuis Alexis Lafrenière.
C’est un événement. Dans une époque où on compte les joueurs québécois sur les doigts d’une main dans la LNH, Desnoyers, c’est une bouffée d’air frais, une fierté nationale en devenir.
Il a cette aura, cette prestance qui fait que tu le regardes et tu te dis : « Oui, lui, il peut nous faire vibrer pendant 15 ans ». Et là, dès sa première étape vers ce rêve-là, il doit reculer de trois cases.
La bonne nouvelle, c’est que Desnoyers n’est pas du genre à se lamenter.
Son parcours prouve qu’il sait encaisser les coups.
Jouer avec deux poignets bousillés pendant presque une saison entière, ça forge un mental.
On ne gagne pas un championnat et un titre de MVP des séries en LHJMQ par hasard, surtout pas en distribuant 21 passes décisives en 19 matchs comme s’il avait des yeux derrière la tête.
Ce genre de vision de jeu, ça ne disparaît pas à cause de trois mois de rééducation.
Mais la LNH est cruelle. Les partisans ont la mémoire courte. Les dirigeants encore plus.
Si Desnoyers ne revient pas prêt, affamé, et capable de marquer les esprits dès son premier match, il pourrait passer l’année à courir après une opportunité qui lui filait tout droit dans les mains cet été.
Et c’est là que le mot « timing » devient une arme à double tranchant. Un bon timing peut te lancer une carrière, un mauvais timing peut t’envoyer dans l’oubli.
Pour les Mammoths, cette blessure change aussi la donne.
Leur plan initial était clair : laisser Desnoyers se rôder un peu, puis le voir pointer le bout de son nez en fin de saison, histoire de goûter à la grande ligue avant de prendre son envol en 2026-2027.
Maintenant? Ce plan pourrait glisser vers un développement plus long, et dans un marché aussi récent et fragile que celui d’Utah, on sait que la patience n’est pas toujours la vertu principale.
Et pourtant, c’est peut-être ce coup du destin qui va faire de lui un joueur encore plus redoutable. Les grands noms de l’histoire du hockey sont souvent passés par une épreuve majeure.
Un genou en vrac, une saison perdue, un échec humiliant… et au bout de ça, une rage de vaincre impossible à éteindre.
Si Desnoyers utilise ce temps pour revenir plus fort, plus affûté, et plus déterminé que jamais, il pourrait transformer ce retard en carburant.
En attendant, il va devoir regarder les matchs depuis les gradins, avec cette frustration silencieuse que seuls les joueurs blessés connaissent.
Observer ses coéquipiers bâtir une chimie sans lui, entendre les échos de l’aréna au loin, sentir l’odeur de la glace sans pouvoir y mettre les patins… Ça ronge. Mais ça construit aussi un mental de champion.
Alors oui, aujourd’hui, le ciel tombe sur Caleb Desnoyers.
Mais parfois, c’est sous un ciel lourd que se forgent les plus grandes légendes.
S’il garde le cap, s’il prend chaque séance de rééducation comme un shift en séries, il pourrait revenir en novembre prêt à tout renverser.
Et là, on ne parlera plus de la blessure de Desnoyers… on parlera du moment où le destin a frappé, et où il a répondu avec un sourire en coin et une saison de feu.
À suivre ...