Les rumeurs n’en finissent plus d’enfler. Ce qui n’était au départ qu’une hypothèse marginale, lancée il y a quelques mois par Jean-Charles Lajoie, commence à prendre des allures de réalité redoutée.
Le CF Montréal pourrait bel et bien prendre le chemin de Détroit. Et cette fois, les signaux sont trop nombreux pour être ignorés.
La dernière étincelle? Une entrevue en italien de Joey Saputo, diffusée et traduite par Tony Marinaro lors de son émission à BPM Sports.
Un entretien lourd de sens, dans lequel le propriétaire du club ne cache plus son détachement, sa lassitude… et sa douleur.
Et grâce au journaliste Maxime Truman, qui a relayé les plus importantes citations du "big boss" du CF Montréal sur Danslescoulisses.com, nous sommes certains d'une chose. C'est bientôt la fin pour l'équipe professionnelle du Québec.
« Je vois une grande différence entre où était le club avant et où est le club maintenant. Ça me brise le cœur. »
Cette déclaration, poignante, résonne avec force à Montréal, alors que le club vient tout juste de congédier son 11e entraîneur en 13 saisons.
L’instabilité est devenue chronique, la confusion règne, et les partisans s’épuisent à attendre un projet structuré. Saputo, lui, semble résigné.
« J’ai perdu la passion de travailler à l’intérieur de ce club-là. »
Un aveu brutal qui fait peur. L’homme d’affaires admet avoir commis une « erreur grandiose » en se retirant de la présidence du club.
Mais plutôt que d’exprimer une volonté ferme de revenir, il compare désormais les deux réalités qui régissent sa vie : Bologne, où il est aimé, consulté, respecté… et Montréal, où il se dit critiqué, incompris et repoussé.
« À Bologne, on me laisse travailler. À Montréal, je suis vu comme celui qui met trop son nez dans la cuisine. »
Cette fracture entre ses deux identités sportives illustre parfaitement la distance émotionnelle qu’il a creusée avec le CF Montréal. Et cette distance, combinée aux difficultés structurelles du club, alimente les pires scénarios.
Dans son balado, Tony Marinaro a résumé sans détour ce que tout le monde redoute : Joey Saputo n’a plus la flamme.
Il perd 20 millions de dollars annuellement avec le CF Montréal, se dit limité par un petit marché, par des billets qu’il faut vendre à bas prix, et par un manque d’appréciation du public.
« Ce qu’on fait à Montréal n’est pas apprécié. »
Cette phrase, traduite mot pour mot de l’italien par Marinaro, fait froid dans le dos. Parce qu’elle rejoint exactement la trame que Jean-Charles Lajoie expose depuis des mois : celle d’un propriétaire en retrait, d’une ligue qui regarde ailleurs, et d’un club qui pourrait être vendu à des intérêts américains, plus précisément à Détroit.
Et ce scénario ne tient plus uniquement de la spéculation.
Détroit est une ville en pleine renaissance économique, courtisée par la MLS depuis des années. Deux groupes puissants — la famille Ilitch et le milliardaire Dan Gilbert — veulent une franchise.
Oui, Détroit s’organise. La ville a retrouvé un souffle économique inédit grâce à des investissements massifs dans le centre-ville. Ces deux géants financiers se disputent déjà l’espace sportif :
La famille Ilitch, à la tête des Red Wings et des Tigers,
Et Dan Gilbert, le milliardaire fondateur de Rocket Mortgage, qui posède les Cavaliers de Cleveland dans la NBA et une grande partie du centre-ville de Détroit, à travers sa société d’investissement immobilier Bedrock Detroit
Il a investi des milliards de dollars dans la revitalisation de Détroit, notamment dans des tours de bureaux, des complexes résidentiels et des infrastructures commerciales.
Le Ford Field est prêt. Le domicile des Lions dans la NFL serait facilement modifiable pour un stade de soccer. Les infrastructures sont là. L’argent aussi. Ce qu’il manque? Une équipe.
Et pendant que Montréal patauge avec un stade non chauffé, une pelouse inadéquate pour l’hiver, un propriétaire désabusé et un marché corporatif limité, Détroit fait briller ses tours de verre et ses ambitions.
Il est permis de croire que la MLS elle-même commence à perdre patience. Le nouveau calendrier hivernal, aligné sur les ligues européennes, accentue les failles montréalaises. Il faudra chauffer le terrain, rénover le stade ou… changer de ville.
Joey Saputo ne l’a pas dit clairement. Mais tout dans ses mots, son ton, sa posture, indique qu’il songe à tourner la page. Et le journaliste Maxime Truman a laissé tomber cette phrase, lourde de menaces :
« Si les partisans n’acceptent pas la stratégie du club, ce sera bye-bye. »
Bye-bye. Le mot a été prononcé. Et dans la bouche d’un journaliste qui suit l'équipe jour après jour, ce n’est pas un lapsus. C’est peut-être un adieu en préparation.
Les plus cyniques diront que les médias exagèrent. Que Marinaro dramatise. Que les journalistes cherchent le clic facile. Mais quand toutes les pièces s’alignent… on ne parle plus de théorie du complot. On parle de préparation du terrain.
Et à ce stade-ci, plus personne ne pourra dire qu’il ne savait pas.
Montréal représente une porte d’entrée « facile » pour ces investisseurs prêts à tout racheter.
Le CF Montréal est le seul club nordique de la MLS à ne pas avoir de terrain chauffé. Un choix économique fait il y a plus d’une décennie, mais qui pourrait aujourd’hui coûter entre 10 et 15 millions pour être corrigé.
Le nouveau calendrier hivernal de la MLS accentue encore cette pression.
Pire encore : le club n’est même pas propriétaire du terrain sur lequel est bâti le Stade Saputo. Cela réduit drastiquement sa capacité à rénover, à investir, à s’enraciner durablement.
Tous ces éléments réunis composent un portrait de plus en plus sombre : un club isolé, économiquement fragile, avec un propriétaire qui regarde ailleurs.
Et pendant ce temps, les fils Saputo tentent de sauver le navire
Luca et Simone Saputo, les jeunes héritiers, occupent désormais des postes stratégiques dans l’organigramme. Ils multiplient les décisions sportives, travaillent étroitement avec le FC Bologne, et affirment haut et fort que leur avenir est ici, à Montréal.
Mais peuvent-ils véritablement renverser la vapeur? Peuvent-ils rassurer une base partisane de plus en plus cynique, échaudée par les années de promesses non tenues?
Rien n’est moins sûr. D’autant plus que Joey Saputo a été clair : il ne sortira pas le chéquier pour engager des vedettes, préférant développer les jeunes et minimiser les pertes.
« Si les partisans n’acceptent pas la stratégie du club, ce sera bye-bye. »
Une phrase presque anodine, mais qui, dans le contexte actuel, prend des allures de prélude à une vente. Difficile de croire qu’un homme d’affaires aussi aguerri que Joey Saputo ne sait pas exactement ce qu’il dit lorsqu’il prononce ces mots.
Difficile aussi de ne pas faire le parallèle avec les derniers mois des Expos ou des Nordiques.
La prophétie de Lajoie… en train de se réaliser?
L'animateur de TVA Sports avait averti :
« J’ai vu de proche les Expos être dépecés avant d’être transférés. J’ai vu d’encore plus proche les Nordiques être dépecés avant d’être vendus, puis déménagés. »
Aujourd’hui, ses propos ne font plus rire. Ils inquiètent. Ils résonnent. Parce que les pièces du casse-tête s’imbriquent. Parce que les signaux d’alerte ne sont plus subtils.
Lajoie a même écrit, dans un tweet qui fait désormais office de balise dans ce dossier :
« Faut être niais pour penser que le Patron va dire que l’équipe est sur la voie de la perdition afin d’être liquidée à des intérêt$ U$ une foi$ le$ expansion$ terminée$. »
Il y a quelques mois, c’était de la provocation. Aujourd’hui, c’est peut-être la réalité.
Le CF Montréal est à la croisée des chemins. Soit le club se réinvente, s’ancre solidement dans le tissu montréalais, et redonne confiance à ses partisans… soit il continue de flotter dans une zone grise, jusqu’à ce qu’un appel venu du Michigan scelle son destin.
Joey Saputo a désormais une décision à prendre : revenir et réparer son erreur… ou vendre et refermer définitivement le chapitre montréalais.
Et les partisans, eux aussi, devront se positionner. Vont-ils tendre la main une dernière fois à un homme qui, malgré ses erreurs, a bâti quelque chose d’unique?
Ou vont-ils abandonner un projet encore fragile, et laisser la rumeur devenir réalité?
Parce qu’une chose est certaine : si le CF Montréal part… il ne reviendra jamais.