Pierre-Luc Dubois entame sa série contre le Canadien de Montréal dans une posture aussi inconfortable que délicate : il veut à tout prix être aimé d’un public qui ne lui pardonnera rien.
Depuis une semaine, l’attaquant québécois des Capitals de Washington multiplie les efforts de relations publiques.
Il parle à TVA Sports, donne des entrevues à La Presse, se laisse surnommer "Lulu" par les enfants de David Savard, et prend bien soin de rappeler, avec émotion, que Savard l’a hébergé à ses débuts dans la LNH.
Il vante sa grandeur d’âme, parle de ses souvenirs, évoque l’honneur qu’il ressent de l’affronter, et dit même qu’il va s’ennuyer de lui sur la glace.
Mais cette sensibilité soudaine, cette volonté de rentrer dans le cœur du Québec en passant par celui de David Savard, ne trompe personne. C’est un exercice stratégique. Un exercice de sauvetage.
Car Pierre-Luc Dubois sait ce qui s’en vient. Il sait que vendredi prochain, quand la série entre Montréal et Washington reviendra au Centre Bell, il va se faire huer.
Massivement. Instinctivement. Il le sait parce qu’il a lu tous les articles. Ceux qui le qualifiaient d’indésirable. Ceux qui disaient qu’il n’était pas un vrai joueur d’impact.
Le Centre Bell ne lui a jamais pardonné ce flirt orchestré par son agent Pat Brisson, ce grand requin des coulisses, perçu dans les cercles du hockey comme un requin qui a faim.
Lorsque Dubois a semblé vouloir Montréal, Brisson a laissé entendre que 15 à 20 équipes étaient sur les rangs, amplifiant l’intérêt, manipulant la perception, et donnant l’impression que le CH n’était qu’un levier de négociation de plus.
Plus encore, son passage au 98,5 FM avec Mario Langlois a révolté bien des gens : pas un mot d’humilité, aucun aveu sur les performances décevantes de son client, seulement cette arrogance calculée qui affirme que l’important, c’est que le contrat de 68 millions soit signé.
Dans un marché aussi émotif que Montréal, ce mépris apparent pour la responsabilité sportive et la fierté locale est gravé dans la mémoire collective.
Résultat : c’est un feu de ressentiment qui attend Dubois au Centre Bell, nourri autant par ses choix que par les stratégies froides et lucratives de son clan.
Ceux qui dénonçaient sa tendance à disparaître dans les moments importants. Il les connaît tous. Et surtout, il sait que le peuple du Centre Bell n’a pas oublié la saga qui l’a entouré.
Le flirt avec le Canadien. L’impression qu’il a utilisé le CH pour faire monter les enchères afin de "cash in" à Los Angeles.
Et le fait que, même une fois disponible via transaction, Montréal a préféré dire non. C’est une blessure pour Dubois. Une blessure qui s’est transformée en quête de validation.
Il veut être aimé. Il veut être compris. Il veut qu’on lui tende la main. Mais Montréal n’a pas de poignée dans le dos. Ce n’est pas un marché naïf.
C’est un marché qui a de la mémoire. Et surtout, c’est un marché qui a vu Pierre-Luc Dubois échouer. Dans la bulle, avec Winnipeg, il avait disparu. Il avait choqué. Il était devenu un fantôme. Et cette série contre Montréal en 2021, même devant 3000 spectateurs, reste un souvenir amer.
Aujourd’hui, il essaie de réécrire ce chapitre. Mais le problème, c’est que tout son discours semble "fake". Il parle à travers les médias comme on parle dans une cour d’école : en espérant que la popularité revienne par l’effet du charme.
Et dans tout ça, les médias embarquent. Renaud Lavoie est tendre. Guillaume Lefrançois lui accorde un papier humain. David Savard parle de lui comme d’un frère.
Tout est là pour créer un arc de rédemption. Le problème, c’est que le public ne suit pas. Parce que la foule montréalaise ne pardonne pas sur commande. Elle pardonne à ceux qui se battent. Pas à ceux qui veulent faire oublier leur passé à coups de souvenirs attendrissants.
Dubois n’est pas bête. Il sent le vent tourner. Il a vu ce que la vague populaire peut faire à un joueur. Il a vu l’amour donné à Suzuki, à Slafkovsky, à des gars qui ont tout donné.
Et il veut s’insérer dans ce récit. Il veut se repositionner. Montrer qu’il a changé. Mais au Centre Bell, c’est le terrain qui décide.
Et vendredi soir, ce sera brutal. Ce sera froid. Ce sera sans filtre. Parce que pour les partisans du Canadien, Pierre-Luc Dubois n’est pas un frère. Il est un Québécois qui a dit non. Un joueur qu’ils ont voulu aimer, mais qui a préféré fuir.
Et même si aujourd’hui, il tente de recoller les morceaux, il est trop tard. Le Centre Bell, c’est un juge impitoyable. Et ce juge attend Dubois de pied ferme.
Avec des huées. Avec des pancartes. Avec des souvenirs. Il n’est pas question ici de détester gratuitement. Il est question de tenir quelqu’un responsable de ses propres choix. Et Dubois, malgré tout son charme actuel, va devoir en vivre les conséquences.
Ce vendredi, au moment où il sautera sur la glace, ce ne sera pas Lulu que les gens verront. Ce sera le joueur qu’ils n’ont jamais pu avoir.
Celui qui, à leurs yeux, a choisi l’argent, les palmiers, et la fuite. Et cette perception-là, il ne pourra pas la déconstruire avec une entrevue ou un câlin à David Savard.
Il devra le faire sur la glace. Mais d’ici là, qu’il se prépare : la pluie de huées qui s’en vient, elle n’est pas personnelle. Elle est historique.