Lane Hutson à rabais a fait le bonheur d'une province en entier.
Mais pendant ce temps, les agents sont furieux, la NHLPA humiliée, et Kent Hughes triomphe en silence.
C’est un chef-d’œuvre comptable… et un scandale syndical.
La signature à 8,85 millions par saison de Lane Hutson pour huit ans est saluée par les partisans du Canadien de Montréal comme une victoire éclatante pour Kent Hughes.
Mais dans les coulisses du monde des agents et de la NHLPA, cette entente fait grincer bien des dents. Car si elle arrange le CH à court, moyen et long terme, elle constitue aussi pour plusieurs représentants de joueurs une gifle donnée au visage de toute l’industrie.
Plusieurs croient qu’il aurait pu et dû réclamer bien plus.
Selon les modèles économiques avancés comme ceux de AFP Analytics ou CapWages, sa valeur réelle sur le marché, en tenant compte de sa production anticipée, de son âge et de la structure de la LNH actuelle, serait d’au moins 10,5 à 11,2 M$ par saison sur un contrat de huit ans.
Il a donc laissé près de 20 millions de dollars sur la table. Volontairement.
Pourquoi? Parce qu’il voulait la paix. Parce qu’il est "un bon gars", qui croit au plan du collectif. Parce que Kent Hughes, grand communicateur, a su le convaincre qu’un dollar de moins pour lui, c’était un ailier pour gagner.
Mais dans le monde réel des négociations, ce genre de contrat provoque une onde de choc, parce qu’il tire vers le bas la valeur de référence pour tous les autres jeunes défenseurs offensifs de sa génération.
C’est Martin Leclerc, dans son balado Tellement Hockey sur les ondes de Radio-Canada, qui a mis le doigt sur le bobo : le silence de l'Association des joueurs (NHLPA) dans ce dossier est alarmant.
À la tête de l’Association, Marty Walsh, ancien politicien américain parachuté dans le syndicat avec peu de connaissances du hockey, est vu par plusieurs comme dépassé. Les agents parlent d’un leadership absent, d’un manque de mordant, et d’une structure où les joueurs sont mal représentés.
Dans les années 90 et 2000, jamais un joueur comme Hutson n’aurait signé à ce prix sans que son agent se fasse appeler pour "une discussion" avec le syndicat.
Gilles Lupien, à l’époque, avait déjà abandonné Martin Brodeur parce qu'il voulait signer en dessous de sa valeur. Pat Brisson l’a souvent répété : le marché doit se protéger de lui-même. Sinon, c’est la course au moins-disant.
Or aujourd’hui, rien. Pas un mot. Pas une ligne. Pas même une réaction formelle.
Et pendant ce temps, Kent Hughes, Jeff Gorton et le CH capitalisent sur le silence pour structurer un alignement compétitif… à prix cassé.
Dans le monde des agents, on ne cache plus la colère.
Plusieurs voient dans la signature de Hutson un précédent dangereux. D’abord parce que cela donne à d’autres DG une arme de négociation :
“Tu veux plus que Hutson? Prouve que tu es meilleur.”
Ensuite, parce que le message envoyé aux jeunes joueurs est clair : reste tranquille, signe vite, et ne pense pas à long terme.
Des sources dans l’entourage de CAA, Octagon et même Quartexx confirment que plusieurs appels ont été faits dans les jours qui ont suivi la signature pour tenter de comprendre comment un contrat aussi favorable au club avait été accepté sans opposition.
Sean Coffey a d’ailleurs été écarté des négociations finales, remplacé discrètement par Ryan Barnes et Darren Ferris (patron de Quartexx et ancien partenaire de Kent Hughes), deux vétérans plus aguerris. C’est là que le ton a changé.
Mais le dégât était fait. Car c'est Lane Hutson qui est intervenu pour que le contrat soit signé au plus vite. Ses agents se sont couchés. Le marché, lui, a reçu le signal.
Avec Hutson, le CH vient d’envoyer un message cinglant : pour jouer ici, il faut accepter moins.
Mais ce n’est pas un hasard. Hughes applique une recette connue : celle qu’il a défendue pendant des années comme agent de Patrice Bergeron, maître des contrats à rabais chez les Bruins.
C’est un modèle “Tampa Bay”, où on valorise l’idée de “laisser de l’argent sur la table pour construire un club gagnant”.
Et les résultats sont là : Cole Caufield à 7,85 M$, Juraj Slafkovsky à 7,6 M$, Kaiden Guhle à 5,5 M$, et maintenant Hutson à 8,85 M$. Tous ont signé des ententes en dessous des standards comparables.
Le prochain sur la liste? Zachary Bolduc. Et si l’on se fie aux projections de CapWages, il pourrait être signé à 5,74 M$ à long terme. Une aubaine. Car si Bolduc inscrit 30 buts cette saison, ce contrat deviendra instantanément l’un des plus rentables de la LNH.
Peut-être que Bolduc va toucher 6 M$ par année... mais il va aussi signer à rabais, comme tous les autres.
Et après?
Le grand coup de Kent Hughes ne s’arrête pas à Hutson.
Il prépare déjà les prochaines étapes. Le contrat de Mike Matheson viendra à échéance, et l’objectif serait de le garder… autour de 6 M$. Ce serait presque insultant, vu son rôle, mais logique dans la structure actuelle du CH.
Quant à Ivan Demidov, l’équipe espère répéter le coup Hutson/Caufield/Slafkovsky : le convaincre de s’ancrer à Montréal sans tout rafler sur le marché.
Les Russes aiment énormément le "cash". Parlez-en à Kirill Kaprizov. Demidov imitera-t-il les autres loups de la meute en acceptant beaucoup moins que sa valeur réelle?
Ctte stratégie, aussi brillante soit-elle sur le plan financier, pose une question éthique : est-ce qu’un DG a le droit de demander à ses joueurs d’être “bons soldats” pendant que l’organisation engrange les profits?
Et que fera le vestiaire si un outsider demandera la lune sur le marché des transactions?
Dans le fond, le contrat de Lane Hutson est une victoire pour le CH… mais un échec pour la NHLPA.
Il marque un tournant. Celui où un DG peut imposer une philosophie salariale à l’ensemble de son noyau sans rencontrer de réelle résistance.
Les agents sont en colère. Le syndicat est silencieux. Et Kent Hughes, lui, trace sa route.
Molson end des chandails. Il bâtit une équipe. Il calcule chaque sou. Et il gagne.
Mais à long terme, ce modèle pourrait coûter cher. Car si les meilleurs jeunes joueurs n’obtiennent plus leur pleine valeur, c’est tout le marché qui en souffre. Et surtout : le jour où un joueur décidera de ne pas se laisser faire, le château de cartes pourrait s’effondrer.
En attendant, Matheson et Bolduc sont les prochains. Et s’ils signent à rabais comme les autres, le CH aura réussi ce que peu d’équipes osent faire : contrôler ses coûts… tout en aspirant aux grands honneurs.
Au final, Montréal est devenu l'équipe du peuple... mais l'ennemi numéro un des agents...