Kent Hughes croyait savoir dans quoi il s’embarquait.
Faire des échanges, gérer une masse salariale, reconstruire une équipe.
Mais ce qu’il n’avait pas prévu, c’est que le job de DG du Canadien, c’est d’abord un marathon psychologique.
Le vrai choc, il l’a raconté à Renaud Lavoie.
Hughes a admis qu’il avait sous-estimé la charge humaine du poste : les employés, les recruteurs, les adjoints, les égos, les états d’âme.
Alors, il a fait ce que n’importe quel gestionnaire débordé aurait fait : il est allé voir son patron, Jeff Gorton, pour lui proposer d’engager un bras droit, un « Chief Operating Officer ».
Gorton a éclaté de rire.
Un rire sec, sans pitié, typiquement new-yorkais.
« On se fait payer beaucoup d’argent pour déléguer ces responsabilités-là à quelqu’un d’autre », lui a-t-il lancé.
Autrement dit : assume ton trône, mon gars.
C’est là que la relation Gorton–Hughes a pris une autre dimension.
Le mentor venait d’envoyer un message clair : à Montréal, tu ne délègues pas la pression, tu l’apprends.
C’est le prix à payer pour diriger un club mythique, où chaque mot devient un titre, et chaque erreur, une manchette.
Depuis ce jour-là, Hughes a arrêté d’être un agent de joueurs qui gère des contrats.
Il est devenu un bâtisseur qui gère des hommes.
Et c’est exactement ce que Gorton voulait.
Parce que le vrai leadership, ça ne se mesure pas en points au classement.
Ça se mesure en résistance.
Et dans ce vestiaire administratif où chaque décision pèse des tonnes, Gorton savait qu’il devait laisser son protégé plier un peu avant d’apprendre à ne plus casser.
Trois ans plus tard, le duo respire la cohérence.
Pas de panique, pas de phrases creuses, pas de “retool” improvisé.
Juste un plan, vivant, flexible, qui avance lentement mais sûrement.
« C’est un emploi où tu réagis », a dit Hughes.
« Il faut être flexible pour réagir aux choses. »
Des mots simples, mais qui en disent long.
Ce qui frappe aujourd’hui, c’est le calme du bonhomme.
Son visage ne trahit plus la fatigue des débuts.
On sent un DG qui sait exactement pourquoi il dit non, et surtout, quand dire oui.
Il a tenu bon, même quand les fans criaient pour des signatures spectaculaires.
Il a laissé passer les feux d’artifice pour miser sur la charpente.
Et pendant que d’autres équipes font du bruit, Hughes et Gorton préparent le moment où Montréal redeviendra bruyant… pour les bonnes raisons.
« Il n’y a pas une meilleure chose qu’essayer de gagner ensemble », a soufflé Hughes.
Une phrase sans effet de manche, mais chargée d’un rare réalisme.
Parce qu’à Montréal, on n’a pas besoin d’un Chief Operating Officer.
On a besoin d’un chef.
Et ce chef-là apprend vite.
Haha