Kent Hughes monte au front pour défendre Montembeault alors que la famille du Québécois est ébranlée
Ce qui devait être une transition progressive vers un nouveau tandem de gardiens à Montréal est devenu un déchirement public.
En l’espace de quelques jours, Samuel Montembeault est passé du statut de sauveur québécois à celui de cible facile des réseaux sociaux, des tribunes radiophoniques et de la toile au grand complet.
Et dans cette tempête, une voix inattendue s’est levée pour ramener un peu d’humanité dans le débat : celle de Kent Hughes, directeur général du Canadien.
Alors que les critiques pleuvent sur Montembeault, que les rumeurs d’échange le poussent déjà vers la sortie, et que son statut de gardien numéro un s’effrite à vue d’œil, Hughes a pris publiquement la défense de son joueur, dans une entrevue accordée au Journal de Montréal, où il n’a pas mâché ses mots :
« Je ne suis pas inquiet pour Sam. Depuis que je suis arrivé à Montréal, il a toujours été un gardien constant. »
Le timing n’aide en rien le dossier. Jakub Dobeš brille, empilant les victoires, pendant que Montembeault, lui, trébuche dès le départ.
Une situation que Hughes qualifie de normale, mais qui est d’autant plus cruelle pour le gardien de 28 ans :
« Il n’y a pas un gardien dans cette ligue qui ne connaît pas une séquence plus difficile un moment donné. Le problème pour Sam, c’est qu’elle arrive en partant. Quand ça arrive au milieu d’une saison, ça paraît moins. »
C’est là toute l’injustice du poste de gardien à Montréal : on n’a jamais le droit à l’erreur, surtout lorsqu’on est Québécois.
Les attentes sont démesurées, la patience est inexistante. Il suffit d’un mauvais départ, même après une saison solide et un rôle clé dans la qualification en séries, pour que la meute réclame un changement. Et ce changement est souvent brutal.
Ce qui frappe, au-delà de la décision tactique de Martin St-Louis, c’est la violence des réactions envers Montembeault.
Sur les réseaux sociaux, des commentaires méprisants, humiliants, parfois même cruels, ont visé le gardien… et atteint sa famille. Les gens oublient trop facilement que derrière le masque se cache un être humain, un fils, un conjoint.
C’est d’ailleurs ce qui a incité Kent Hughes à sortir du silence, visiblement troublé par l’ampleur de l’acharnement. Son message est clair : Montembeault ne mérite pas ce traitement.
« Chaque fois qu’il joue un match qu’il ne trouve pas à la hauteur de ses attentes, il se présente devant les médias et il en prend le blâme. Quand tu agis comme ça, et que tu ne cherches pas d’excuses, tu finis toujours par retrouver tes moyens. »
Et c’est vrai. Montembeault n’a jamais esquivé une question. Même dans ses pires soirées, il affronte la presse avec dignité.
Après la défaite contre les Rangers, il avait levé la main, reconnaissant que son but accordé à Alexis Lafrenière était « une balle curve » qui avait changé de direction… mais qu’il se devait de l’arrêter.
« Je suis tellement faible sur ce jeu-là », avait-il avoué, sans filtre. C’est cette honnêteté qui force le respect, et c’est cette franchise que Hughes veut protéger à tout prix.
Une attaque contre l’identité québécoise?
Plusieurs observateurs commencent à dénoncer une dynamique sournoise dans cette controverse. Si Samuel Montembeault ne venait pas de Bécancour, est-ce que l’acharnement serait le même?
Si son accent n’était pas aussi familier, si sa mère, Manon Royer, n’avait pas exprimé son indignation devant l’ingratitude des partisans à son égard sur les ondes du 98,5 FM, est-ce qu’on parlerait de lui avec autant de mépris?
Le malaise est là, et Kent Hughes le ressent. Lui qui a grandi au Québec, lui qui comprend le poids de l’identité dans le sport montréalais, refuse de sacrifier un joueur qui a toujours livré la marchandise.
Il rappelle d’ailleurs que l’an dernier, selon MoneyPuck, Montembeault se classait 7e dans la LNH pour les buts sauvés par 60 minutes, parmi les gardiens ayant disputé au moins 30 matchs.
« La présence du Canadien en séries, c’est aussi un peu grâce à lui », rappelle Hughes. Et il a raison. Sans Montembeault, le CH ne se qualifie pas. Sans Montembeault, la remontée printanière de 2025 n’existe pas. Et pourtant, c’est lui qu’on pousse vers la porte, sans ménagement, à peine six matchs plus tard.
En prenant publiquement position, Kent Hughes ne fait pas seulement un geste stratégique pour protéger un actif. Il pose un geste profondément humain.
Il refuse de laisser l’opinion publique écraser un joueur fragile, honnête et dévoué. Il veut aussi éviter de créer une fracture dans le vestiaire, alors que le CH connaît un excellent début de saison.
Il sait que la pression est énorme, que les jeunes comme Lane Hutson, Zachary Bolduc et Ivan Demidov attirent les projecteurs, et que les fans veulent du sang neuf à chaque position. Mais il refuse de brûler Montembeault. Pas comme ça.
« Avec l’expérience qu’il a acquise, le travail qu’il effectue avec Éric Raymond, et avec l’équipe qu’il a devant lui, il n’y a pas de raison qu’il n’y parvienne pas encore une fois », conclut Hughes.
Mais même les plus beaux mots ne changeront pas la dynamique sur la glace. Mercredi soir, Dobeš a obtenu le filet contre Calgary, l’équipe la plus faible de la LNH.
Montembeault, lui, hérite d’Edmonton jeudi, contre McDavid et Draisaitl, sans repos, dans un back-to-back conçu pour l’écraser. Il faut être aveugle pour ne pas voir la hiérarchie : Dobeš est maintenant le numéro un.
Et si Montembeault échoue contre les Oilers, son sort sera peut-être scellé. Vancouver attend samedi, et il est clair que le CH préférera donner ce match à son nouveau protégé.
Tout indique qu’on prépare le terrain pour un échange de Montembeault, peut-être vers Edmonton, qui cherche un gardien désespérément. Et Kent Hughes le sait.
Mais en attendant, il le protège. Il le défend. Il le traite comme un homme, pas comme un pion. Et à Montréal, dans une ville où la passion dévore ses héros plus vite qu’elle ne les célèbre, c’est peut-être ça, le plus beau geste de leadership qu’on pouvait espérer.
