Joe Sakic voit rouge: il refuse les accusations sur le « cash »

Joe Sakic voit rouge: il refuse les accusations sur le « cash »

Par David Garel le 2025-11-30
avalanche joe sakic

Joe Sakic n’est pas du genre à frapper du poing sur la table. Dans toute sa carrière, l’ancien capitaine des Nordiques a toujours été la définition même du calme avec sa classe et ses paroles mesurées.

Mais cette fois, même lui n’a pas réussi à cacher ce qui mijotait derrière son sourire. Il en a assez. Assez des insinuations. Assez des accusations gratuites. Assez de se faire pointer du doigt comme si son hommage aux Nordiques n’était qu’un gigantesque guet-apens commercial destiné à faire cracher leur nostalgie aux Québécois.

Depuis que l’Avalanche a ressorti le chandail bleu des Nordiques pour son 30e anniversaire au Colorado, une minorité bruyante de partisans s’est déchaînée sur les réseaux sociaux.

On accuse Sakic de capitaliser sur la peine d’un peuple, de jouer avec les émotions d’une ville orpheline, d’utiliser Québec comme un argument marketing pour vendre du "merch" (les chandails se vendent comme des petits pains chauds) et remplir les coffres d’une organisation qui ne manque déjà de rien.

Sakic le savait : le chandail allait provoquer des réactions. Il ne s’attendait simplement pas à ce que certains lui prêtent des intentions qu’il juge insultantes.

Quand nous l’avons rencontré à Denver, il n’a pas explosé. Sakic n’explose jamais. Mais derrière ses réponses soigneusement formulées, on entendait un ton qu’on n’entend presque jamais chez lui : de la fermeté.

Et, oui, une pointe de ras-le-bol assumé.

« Ce geste n’a rien à voir avec l’argent », a-t-il dit avec ce calme qui, cette fois, ne masquait plus la frustration. « C’est simplement une question de respect envers où l’on vient. C’est tout. »

Il aurait pu ignorer la polémique. Il aurait pu sourire, passer à la question suivante. Mais cette fois, il a tenu à mettre les choses au clair.

Parce que les Nordiques, ce n’est pas un concept marketing pour lui. C’est sa vie. C’est son ADN. C’est la ville où il a grandi comme joueur et comme homme. Et entendre qu’il exploite commercialement ce passé, pour lui, c’est une gifle.

Et c’est là que Joe Sakic a mis les points sur les i. « On comprend parfaitement la douleur des gens », a-t-il ajouté, presque en regardant droit dans l’âme de ceux qui doutent.

« Et si un jour Québec retrouve son équipe, ce chandail leur appartient. »

Ça, personne ne peut feindre de ne pas comprendre ce que ça veut dire. Sakic n’est pas en train de faire des profits sur le dos d’une ville abandonnée

. Il est en train de protéger quelque chose. De garder la mémoire vivante. De s’assurer que l’histoire des Nordiques ne tombe jamais dans l’oubli. Et surtout, de rappeler que ce chandail, ce bleu, ces fleurs de lys, cette identité, n’a jamais cessé d’appartenir à Québec.

Et c’est précisément parce que le geste est sincère que Sakic s’est permis d’aller plus loin encore. Lorsqu’on l’a confronté à l’idée d’un match de saison régulière au Centre Vidéotron, il n’a pas seulement dit que ce serait possible : il a dit qu’il en rêvait.

Qu’il pousserait pour. Qu’il fallait le faire. Qu’il était « all in ». Ce n’est pas du marketing. Ce n’est pas du calcul. C’est un homme qui veut retourner chez lui, qui veut que son organisation reconnecte avec ses racines, qui veut que les joueurs vivent ce qu’il a vécu à 19 ans dans un marché qui respirait le hockey comme aucun autre.

Ce n’est pas quelqu’un qui regarde combien de chandails bleus se vendent sur Fanatics. C’est quelqu’un qui regarde Québec droit dans le cœur.

Pendant ce temps, évidemment, la machine médiatique s’est emballée. TVA Nouvelles envoie déjà ses caméras dans les centres d’achats pour interroger des gens qui portent encore leur vieux chandail de Sakic ou leur casquette Nordiques 1989.

On se croirait revenu dix ans en arrière, lorsque chaque mention du mot “Nordiques” servait de ballon d’oxygène aux cotes d’écoute de Québecor.

Pendant que l’Avalanche, elle, agit. Pendant que Sakic, lui, se tient debout. Pendant que les Kroenke (proprios de l'Avalanche)  réfléchissent sincèrement à envoyer une partie de leur saison régulière à Québec, un projet que Péladeau n’a jamais été capable d’approcher, trop occupé avec son "Freedom mobile".

Et c’est précisément pour ça que Sakic frappe aussi fort, même subtilement. Parce qu’il sait que les fans du Québec vivent sur une blessure constante.

àParce qu’il sait que cet hommage est un couteau à double tranchant : beau, mais douloureux. Parce qu’il sait que si quelqu’un profite de la nostalgie des Nordiques depuis dix ans, ce n’est certainement pas lui.

C’est d’autant plus fou que les chandails des Nordiques se vendent en quelques jours à Denver, pas à Québec, et que ce sont les partisans locaux, là-bas, qui se les arrachent.

Ce sont les fans de l’Avalanche qui veulent porter ce bleu historique, pas une stratégie de marketing destinée au marché québécois.

La vérité est simple, et Sakic l’a dites sans hausser la voix : il n’a rien à vendre à Québec. Lui, il n’a rien à gagner à faire ça. Il n’a pas d’amphithéâtre à remplir. Il n’a pas de droits télé à renégocier. Il n’a pas une chaîne en déficit de centaines de millions à sauver.

Il n’a pas besoin d’un coup d’éclat pour masquer l’échec d’une candidature d’expansion jamais déposée. Lui, il veut simplement que l’héritage reste vivant. Que l’histoire continue. Que les Nordiques ne deviennent jamais un simple chapitre Wikipédia.

Sakic a même expliqué, avec un mélange d’émotion et de lucidité, qu’il a ressenti quelque chose en voyant le chandail bleu accroché dans le vestiaire de son équipe.

Pas juste de la nostalgie. Un retour en arrière. Un rappel de ce qu’il était devenu. Une connexion directe à Québec.

« C’est exactement le chandail qu’on portait. Ça ne peut pas être plus vrai », a-t-il dit. Comment peut-on accuser un homme de “faire du cash” quand il parle de son passé comme ça ? Comment peut-on réduire tout ça à une stratégie de vente ? C’est insultant. Et Sakic le sait.

Il sait aussi que Québec est fatiguée. Fatiguée de se faire utiliser. Fatiguée de voir son rêve transformé en spectacle de relations publiques.

Fatiguée de TVA qui fait des reportages sur « Êtes-vous fiers ? ». Fatiguée d’entendre Pierre-Karl Péladeau promettre qu’il “continue de travailler” sur le retour des Nordiques, alors qu’il investit partout sauf dans le hockey. Fatiguée d’être la marionnette nostalgique de projets qui n’aboutissent jamais.

Alors oui : pour la première fois depuis longtemps, Joe Sakic a laissé tomber son masque du "good boy". Il n’a pas crié. Il n’a pas frappé. Il n’a pas dénoncé. Mais il a rejeté tout le monde. Fermement. Calmement. Avec cette crédibilité que même Gary Bettman écoute religieusement. Il a dit : arrêtez de voir un complot où il n’y en a pas.

Arrêtez de croire que tout est une question d’argent. Arrêtez de transformer chaque hommage en exploitation. Il a dit : « C’est un respect envers où l’on vient. »

Et pour une fois, dans ce dossier constamment parasité par la politique, l’argent, les égos et les illusions brisées, c’est peut-être la seule phrase honnête qu’on ait entendue depuis trente ans.