Jared Davidson n’a pas la fibre du joueur qui arrive en fanfaron dans la LNH.
À l’écouter, on comprend vite que son ascension n’a rien d’un parcours linéaire ou d’un conte de fées.
À 23 ans, repêché en cinquième ronde en 2022, trimballé entre les autobus de la WHL, le Rocket de Laval et les chambres d’hôtel anonymes des ligues mineures, il n’a jamais eu la voie facile.
Et pourtant, tout a basculé en un coup de téléphone.
« Notre téléphone d’hôtel s’est mis à sonner », a raconté Davidson, encore un peu secoué de revivre l’instant.
On entend tout : la surprise, le choc, l’incrédulité, et surtout ce minuscule délai où un espoir de la LNH comprend que sa vie vient de changer pour toujours.
On l’imagine ouvrir les yeux, regarder son coéquipier de chambre, puis tenter d’analyser la situation : qui appelle? pourquoi? est-ce que c’est LE moment?
Puis la nouvelle tombe :
Le Canadien de Montréal le réclame. Direction : le Centre Bell. Premier match dans la LNH. Un baptême devant 21 000 personnes.
Davidson a beau être un joueur de caractère, un travaillant, un gars d’Edmonton construit à la dure… personne n’est prêt pour ce genre d’appel.
Et encore moins quand ce baptême se fait à Montréal, dans le cirque médiatique le plus impitoyable, mais aussi le plus envoûtant au monde.
Mais là, le CH venait de perdre Alex Newhook pour plusieurs mois, et la porte s’est ouverte.
Davidson l’a franchie.
Il raconte la scène comme quelqu’un qui n’a pas encore eu le temps de respirer :
« Tout s’est passé vite. Tu n’as pas vraiment le temps de penser. Tu te dis : OK, c’est mon moment. Là, tu veux juste bien faire les choses. »
Et c’est précisément ce que Martin St-Louis semble apprécier.
Parce que derrière ses réponses sèches des derniers jours, derrière sa frustration évidente, derrière sa volonté d’obtenir une réaction de sa troupe, le coach a un faible assumé pour les joueurs qui n’ont rien reçu gratuitement.
Davidson fait partie de cette trempe-là.
Et ça se sent déjà dans son approche :
« Je veux simplement apporter de l’énergie, jouer de la bonne façon, gagner mes batailles. C’est tout. Je ne veux pas compliquer les choses. »
Ça, c’est du St-Louis dans le texte : simplicité, humilité, responsabilité.
Le plus beau dans tout ça? Davidson n’arrive pas ici comme un figurant. Il arrive parce qu’il a forcé la main.
À Laval, il jouait principalement à l’aile. Le Canadien l’a testé brièvement au centre, mais ce n’est pas là où on le voit, et lui-même le dit :
« À Laval, j’ai joué surtout à l’aile. Je me sens bien là. Peu importe où ils veulent m’utiliser, je vais faire le travail. »
C’est exactement ce qu’un entraîneur de la LNH veut entendre d’un joueur rappelé. Pas de revendication. Pas d’excuse. Pas de phrase vide. Juste : je suis prêt.
Et il devra l’être. Parce qu’au Centre Bell, ce soir, l’aréna sera électrique.
Boston arrive avec 11 victoires, un Morgan Geekie en feu, un David Pastrnak qui peut ruiner un match en deux présences.
Ce n’est pas un baptême tranquille. C’est un baptême dans un derby d’ennemis historiques, avec une équipe du CH décimée par les blessures, exposée à la défense, et qui sort d’une semaine où l’ambiance autour du club était lourde.
Pour Davidson, c’est un rêve.
Il le dit avec un sourire qui traverse presque la caméra :
« Jouer mon premier match ici, dans ce building-là, c’est spécial. Tu le ressens quand tu rentres. C’est Montréal. »
On dirait qu’il parle d’une cathédrale.
Et honnêtement, c’en est une.
Pour un cinquième choix de 23 ans, le Centre Bell, un samedi soir contre Boston, c’est comme se faire propulser sur la scène principale d’un festival devant 21 000 personnes quand tu jouais la veille dans un bar.
Mais il ne tremble pas. Il absorbe.
« Mes parents… ils capotent. Tout le monde capote. J’ai grandi en regardant ces matchs-là. »
On le croit. C’est trop vrai pour être joué.
La réalité, maintenant : Davidson ne débarque pas dans une équipe qui roule.
Il arrive dans une équipe qui cherche un nouveau souffle. Un groupe secoué, magané, obligé de se réinventer à la veille d’affronter un rival qui ne pardonne rien.
Et pourtant, dans ce chaos, son entrée tombe à point.
Dans la LNH, l’énergie d’un nouveau peut réveiller un vestiaire. Ça ne règle pas tout, mais ça donne un électrochoc.
Davidson peut être cet électrochoc.
Il ne viendra pas sauver la saison, ni jouer 20 minutes, ni dominer. Mais il peut remettre quelque chose en marche : l’effort, la simplicité, la fierté.
Parce que parfois, un joueur qui a tout à gagner donne le ton à ceux qui ont tout à perdre.
eu de joueurs vivent leur rêve en décrochant un appel dans une chambre d’hôtel anonyme de la Ligue américaine.
Peu de joueurs voient leur vie basculer dans un instant aussi banal, aussi fragile.
Mais Davidson, aujourd’hui, n’est plus un joueur de la Ligue américaine.
Il est un joueur du Canadien de Montréal.
Ce soir, il mettra le chandail, traversera le couloir, sautera sur la glace… et nous serons des milliers à se rappeler de cette phrase toute simple, qui dit pourtant tout ce qu’un rêve peut contenir : « Notre téléphone d’hôtel s’est mis à sonner. »
Amen
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