Inquiétude à Brossard: Brendan Gallagher s’effondre sur la glace

Inquiétude à Brossard: Brendan Gallagher s’effondre sur la glace

Par David Garel le 2025-09-08

Le camp d’entraînement du Canadien de Montréal n’est pas encore commencé. Mais depuis une semaine, la ville a changé de respiration.

Les BMW, Mercedes, Range Rover et Audi remplissent le stationnement du Complexe CN. Les gars sont tous là. C’est bon pour l’esprit d’équipe. Ça sent la glace, la sueur et l’urgence. Ça sent la saison.

Ivan Demidov était encore en feu. Encore un but de toute beauté, exécuté avec ce mélange rare de patience, de ruse et d’exécution chirurgicale.

Cole Caufield, lui, remplissait le filet les yeux fermés. Séquence après séquence, il a transformé la filet en panier de basket, comme si chaque tir était une habitude musculaire et mentale. On sent chez Caufield la certitude. La "touche" comme dirait Martin St-Louis.

On aurait pu s’en tenir là. Mais Brossard, parfois, dit la vérité plus cruelle que n’importe quelle conférence de presse. Aujourd’hui, il y avait une tâche noire.

Brendan Gallagher n’a pas suivi.

Pas aujourd’hui. Pas à ce rythme. À un moment, on aurait dit qu’il allait vomir tellement il était à bout de souffle. Les jambes pesantes, le cou qui tire, les changements de direction qui grugent l’âme…il s'est tout simplement effondré devant nos yeux.

Chaque exercice d’Adam Nicholas ressemble à un tunnel sans fin, et Gallagher y avançait comme un soldat qui sait que la colline est trop abrupte.

C’est dur à écrire parce que tout le monde respecte « Gally ». Tout le monde se souvient des dents manquantes offertes au filet, des soirs où il marquait à la force du cœur. Mais le cœur ne remplace pas les jambes quand septembre cogne à la porte.

Josh Anderson, lui, a vécu sensiblement la même matinée : souffle court, lourdeur, le coup de patin qui n’ouvre plus la glace comme avant.

Est-ce le manque de sommeil, celui des nouveaux pères, ou une préparation gâchée par un été plus humain que sportif? 

On ne le saura peut-être jamais, même si on sait que ce n'est jamais facile d'être un nouveau papa.

Ce qu’on sait, c’est que la priorité a un prénom et de petites mains, et que la LNH, elle, ne ralentit pas pour les biberons. Le calendrier ne pardonne pas. Le 1er septembre arrive toujours trop vite quand on est un vétéran.

Comprenons-nous : ce n’était pas une séance banale. C’était un entraînement d’avant-camp où l’intensité est presque cruelle, calibrée pour révéler les vérités que l’on tente de cacher derrière des sourires.

Demidov flamboyait, Caufield déroulait, et tout autour, l’équipe semblait densifier son identité. Les gars sont en ville, les automatismes reviennent, l’esprit de corps se recompose.

Même Kirby Dach, qu’on scrute avec angoisse depuis des mois, avait l’air bien. Pas parfait, mais sur la bonne voie. 

Puis, il y a la réalité. Le Canadien a un quatrième trio déjà écrit au marqueur : Gallagher - Veleno - Anderson. Trois noms, près de 13 millions de dollars sur le cap.

Probablement le quatrième trio le plus cher, voire le plus cher, de toute la ligue... et les plus inquiétant...

Si tu n’es pas capable de suivre un scrimmage au début de septembre, que te restera-t-il quand la LNH tournera à plein régime, trois matchs en quatre soirs, du voyage, etc.

Le Canadien ne rachètera pas Brendan Gallagher. Par respect. Parce que le vestiaire sait ce qu’il a donné. Parce qu’on ne sort pas un soldat par la porte d’en arrière après plus d’une décennie de service et une saison dernière honnête, 21 buts, 38 points, 82 matchs.

Il mérite ses fleurs pour ça. Il a fait taire les moqueries Il a forcé l’organisation à admettre, au moins pour un an, qu’il n’était pas qu’une coquille vide. Mais la vérité d’une saison n'efface pas la réalité d’un corps. Et cette réalité a éclaté au grand jour ce matin.

Gallagher, c’est la noblesse et la tragédie en même temps. L’homme a du cœur, l’homme a saigné pour le chandail, l’homme est aimé.

Mais les coups de patin sont lourds. Les hanches sont vieilles. Le dos brûlent. Les virages coûtent cher. Il lui reste deux ans de contrat. Il finira ces deux années. Et, soyons honnêtes, il finira sa carrière en même temps. Ce n’est pas une offense : c’est la logique biologique d’un sport qui dévore même les plus courageux.

Josh Anderson, c’est un autre dossier, tout aussi cruel, mais en sens inverse. Il était très prisé sur le marché il y a quelques semaines encore, et son profil, ailier de puissance, utile en séries, est une denrée rare.

On le sait : deux ailiers ont signé ailleurs, la demande a grimpé, l’offre s’est raréfiée, et son 5,5 M$ paraît soudain presque raisonnable dans la nouvelle économie du plafond. Sur le papier, il coche encore des cases. Sur la glace, ce matin, il cherchait son souffle.

Faut-il l’accabler? Non. Faut-il s’inquiéter? Oui, parce que septembre, au Canadien 2025-2026, n’est plus un mois d’illusions.

Les ambitions sont réelles. L’alignement projeté a de la gueule : 

Caufield - Suzuki - Slafkovsky

Laine (ou Bolduc) - Dach - Demidov

Bolduc (ou Laine) - Evans - Newhook.

Gallagher - Veleno - Anderson

Ce fameux quatrième trio est sous tension. La marge de manœuvre salariale est inexistante. L’élastique est tendu au maximum. Et la moindre carence de vitesse ou de répétition se voit dix fois plus fort quand, en face, des Demidov et des Caufield sont aussi en feu.

Nick Suzuki n’était pas là (il est à Vegas pour représenter le Canadien au « showcase » de la LNH. C’est ironique : LE gars qui a instauré une culture où les joueurs se pointent en ville en avance n’y est pas… mais il incarne l’équipe ailleurs, sous les projecteurs de la ligue.

Le capitaine n'était pas là... pour consoler Gallagher...

Le CH s’est longtemps menti sur certains contrats. Gallagher a été surprotégé par les médias. On l’a ménagé, cajolé, pratiquement par pitié... et par respect...

Anderson, lui, a aussi été pris en pitié. On lui lance des fleurs, car il est courageux, mais n'a jamais su répondre aux attentes et à son salaire.

Et pourtant, l’histoire n’est pas écrite au complet. Anderson peut se remettre en shape. Il a le moteur, il a le gabarit, il a ce style de hockey de printemps que les entraîneurs réclament quand les séries écrasent les esprits et les petits corps.

Gallagher, lui, aura droit à sa sortie digne. Pas de rachat. Pas d’humiliation. Deux saisons de plus, un rôle plus spirituel que sportif, la voix dans le vestiaire, la main sur l’épaule des jeunes, l’humour qui relaxe l'ambiance lors des  matches tendus.

Mais on ne peut plus faire semblant. On ne peut plus dire qu’il est une pièce centrale. Il ne l’est plus. Il ne le sera plus. Ce n’est pas un manque de respect. C’est la maturité d’une organisation qui veut gagner pour de vrai d’ici 2026-2027.

La scène d’aujourd’hui le résume : les jeunes espoirs s’entraînaient même sur le terrain de soccer du Complexe CN ce matin, comme pour suer chaque surplus d’oxygène avant la vraie bataille.

Le groupe pousse. Les jeunes poussent. Tout s’aligne pour une saison où la marge d’erreur sera mince. Dans ce décor, un quatrième trio à 13 M$ ne peut pas survivre sur la nostalgie. Il doit survivre sur l’utilité.

Un entraînement, parfois, raconte les angles morts qu’on refuse de regarder. Et l’angle mort du Canadien, aujourd’hui, avait deux visages. L’un qu’on respecte au point de ne pas le racheter. L’autre qu’on espère sauver par une remise en forme express parce qu’il pourrait encore frapper fort en avril.

Mais la vérité, c’est qu’un club qui vise haut ne peut pas se payer le luxe d’un quatrième trio aussi nuisible et cher.

Aujourd'hui, on a vu la fragilité humaine percer la carapace professionnelle. Deux pères, deux vétérans, deux contrats lourds, deux souffles courts.

Et toute une organisation qui, en les regardant, comprend que la fenêtre pour la Coupe Stanley s’ouvre… à condition d’avoir le courage de regarder la réalité en face.

Le reste, maintenant, appartient aux jambes. Aux poumons. À la vérité des prochains jours.

À Brossard, on n’a pas besoin de communiqués pour le savoir : la glace ne ment jamais...