Hier soir, à Détroit, Martin St-Louis est tombé dans le piège de l’émotion et des sentiments.
Le 800e match de Brendan Gallagher, un guerrier du Tricolore, aurait dû être une célébration sobre, un clin d'œil respectueux à son dévouement passé.
Mais St-Louis, fidèle à son approche humaine et sensible, a décidé de lui offrir un « bonbon » en le plaçant sur la glace en fin de match avec un attaquant en plus pour tenter de marquer un but.
Oui, oui. Gallagher.
Un joueur dont la vitesse et la finition ne sont plus ce qu'elles étaient, propulsé dans une situation où l'équipe avait désespérément besoin d’un marqueur naturel.
Le résultat? Gallagher s’est étiré sur la glace, s’accrochant à cette opportunité comme s’il savait qu’elle ne reviendrait peut-être jamais.
Incapable de suivre le rythme, il est finalement retourné au banc plié en deux, luttant pour reprendre son souffle. Un spectacle triste, presque gênant.
La scène était presque surréaliste. Alors que le Canadien tentait de combler son retard en fin de match, Brendan Gallagher, propulsé sur la glace comme un cadeau d'anniversaire tardif pour son 800e match, étirait sa présence de façon inquiétante.
Chaque poussée sur ses patins semblait plus laborieuse que la précédente, mais il refusait de quitter la glace. Le temps filait, l’attaque stagnait, et Gallagher, la langue à terre, luttait désespérément pour suivre le rythme.
Pendant ce temps, derrière le banc, Martin St-Louis s’agitait. Il semblait tiraillé entre deux instincts : celui du coach, qui voyait son joueur à bout de souffle et savait qu'il fallait du sang frais sur la glace, et celui de l'ancien joueur, incapable de briser ce moment symbolique pour un vétéran qu'il respecte profondément.
St-Louis, d’ordinaire si énergique et directif, s’est contenté de regarder Gallagher avec une certaine nervosité, les bras croisés puis décroisés, les pieds en constant mouvement, les yeux suivant chaque pas lourd de son joueur.
Il aurait dû lui faire signe de rentrer, de ne pas forcer, de ne pas ralentir l’équipe... mais il ne l’a pas fait. Prisonnier de ses émotions, il s'est contenté de subir la scène, comme paralysé par le poids du respect et de la nostalgie.
Finalement, après ce qui a semblé une éternité, Gallagher s’est traîné jusqu’au banc, la queue entre les jambes et la langue pendante. Il s’est affaissé sur le banc, complètement vidé, plié en deux comme s’il cherchait désespérément son souffle.
Le regard fatigué, les épaules basses, il avait tout donné… mais cela n’avait rien changé au résultat. Le silence pesait lourd sur le ban, comme si tout le monde savait que cette présence n’avait été qu’un cadeau inutile, un geste de trop.
Et pourtant, St-Louis ne l’a pas réprimandé. Aucune tape sur l’épaule pour le rassurer, mais surtout, aucune parole ferme pour lui faire comprendre qu’il avait dépassé ses limites.
Comme s'il n'osait pas. Comme si l'idée même de confronter Gallagher était un affront à son parcours, à ses sacrifices.
St-Louis a simplement détourné le regard, laissant son vétéran reprendre son souffle sans dire un mot. Son cœur avait chaviré devant le courage de Gallagher, et à cet instant précis, il n’était plus l'entraîneur exigeant, mais l’ancien joueur rempli d’admiration pour un soldat fatigué qui refusait de céder.
Voilà le problème. Quand l’émotion prend le dessus sur la logique, les décisions ne sont plus prises pour le bien de l’équipe, mais pour honorer le passé.
Gallagher a donné son âme à cette équipe, mais la LNH est un monde cruel où la nostalgie n’a pas sa place sur la feuille de match.
St-Louis, malgré tout son charisme et son flair de joueur, doit apprendre à penser avec sa tête et non avec son cœur. La gestion d’un vestiaire exige une distance émotionnelle que l’ancien attaquant semble avoir du mal à imposer. Trop émotif. Trop sensible.
Le plus troublant dans tout cela? Gallagher lui-même sait, au fond, qu’il n’a plus la même place sur la glace. Mais tant qu’on lui donne ces opportunités par pur sentimentalisme, il continuera à les prendre, quitte à s’écrouler à bout de souffle sur le banc, devant un entraîneur incapable de trancher.
Chaque minute de jeu donnée à Gallagher est une minute en moins pour un jeune joueur en développement. Lorsqu’il est envoyé en avantage numérique ou en fin de match, c’est une opportunité manquée, avant même qu'elle ne commence.
Cette décision prouve un problème de taille : Martin St-Louis pense encore comme un joueur. Il est trop près de ses hommes, trop sensible à leur histoire et à leurs sacrifices.
Ce n’est pas la première fois qu’un entraîneur succombe à l’émotion, mais dans une ligue aussi impitoyable que la LNH, cette approche peut devenir un problème sérieux.
Avant le match, les propos de St-Louis sur Gallagher étaient remplis d’émotion, presque comparables à ceux de Marc Bergevin, qui, en larmes, avait prolongé Gallagher pour six ans à raison de 6,5 millions de dollars par saison, un contrat qui est aujourd’hui vu comme l’un des pires boulets de l’équipe.
St-Louis a dit, la voix remplie d’admiration :
« Gallagher, c’est 800 matchs de sacrifices, de sacs de glace. Il joue en avant du filet, dans les endroits difficiles. Pour arriver là, il faut être fort mentalement, fort physiquement et capable d’endurer la douleur. »
Des paroles qui soulignent toute la reconnaissance qu’il a pour son joueur, mais qui révèlent aussi son aveuglement face à la réalité actuelle.
Gallagher n’est plus ce joueur qui fait la différence en fin de match. Le traiter comme tel, c’est non seulement un cadeau mal placé, mais c’est surtout un frein à la progression de l’équipe.
C’est là où réside le vrai problème. Gallagher est traité dans la ouate, protégé en raison de ses services passés, alors qu’il devient de plus en plus évident qu’il n’a plus sa place dans les moments cruciaux.
Lorsque j'ai fait remarquer à son ancien agent, David Ettedgui, qu'il en avait passé une "petite vite" à Bergevin, ce dernier s'est enflammé:
« Gallagher méritait son contrat pour tout ce qu’il a donné à l’équipe. »
Mais la LNH n’est pas une ligue de gratitude. Les souvenirs ne gagnent pas de matchs. Le hockey est un sport d’élite où seuls les plus performants survivent, et il est clair que Gallagher ne remplit plus les critères d’un attaquant de premier plan.
Pourtant, St-Louis semble refuser d’accepter cette dure réalité, préfère l’émotion à la rationalité, et c’est là que l’équipe pourrait en payer le prix.
La gestion de Gallagher par St-Louis pose une question fondamentale : l’entraîneur est-il trop attaché à ses joueurs pour prendre des décisions difficiles?
Une équipe en reconstruction ne peut pas se permettre de vivre dans le passé. Elle doit avancer, même si cela signifie faire des choix difficiles.
L’erreur de St-Louis hier soir est un exemple flagrant du danger qu’il y a à être trop proche de ses joueurs. En tant qu’ancien joueur, il comprend les sacrifices et la souffrance endurée pour atteindre certains jalons, mais il doit aussi comprendre qu’un entraîneur doit penser à l’équipe d’abord, pas aux individus.
Les entraîneurs les plus efficaces dans la LNH sont ceux qui savent séparer l’émotion de la gestion d’équipe. Or, en continuant d’accorder à Gallagher des faveurs qui ne sont plus méritées, St-Louis s’éloigne de l’objectivité nécessaire pour mener cette équipe vers l’avenir.
L’histoire semble se répéter. Bergevin, rongé par l’émotion, avait offert à Gallagher un contrat que l’organisation regrette amèrement aujourd’hui.
Et voilà que St-Louis, sans pouvoir donner de nouveaux contrats, lui offre des privilèges sur la glace qui pourraient nuire à l’équipe.
Donner des bonbons pour services rendus, c’est exactement ce qui a mené le CH à avoir autant de mauvais contrats sur la masse salariale.
St-Louis devra apprendre à prendre du recul. Les jeunes joueurs ont besoin d’espace pour croître et prendre des responsabilités.
Accorder des minutes à un joueur en déclin au détriment des espoirs de l’équipe n’est pas une décision viable à long terme.
Si Martin St-Louis veut vraiment mener cette équipe vers les sommets, il devra apprendre à mettre de côté ses sentiments.
Le hockey professionnel ne pardonne pas l’émotion mal placée. L’heure est venue de prendre des décisions difficiles, quitte à froisser certains vétérans, car le futur du CH en dépend.
Gallagher, pour tout ce qu’il a donné à l’équipe, mérite le respect.
Mais ce respect ne doit pas se traduire en temps de jeu à tout prix. Il est temps pour St-Louis de tourner la page et de gérer l’équipe avec la tête, et non le cœur.