Il devient de plus en plus évident que les frustrations de Martin St-Louis envers Zachary Bolduc ne reposent pas uniquement sur son manque de production.
Depuis plusieurs jours, on sent que le coach cherche quelque chose de très précis chez le Québécois : un corps plus en forme et un esprit capable de gérer le tempo.
Et ce sont précisément les deux aspects où Bolduc affiche les plus grandes difficultés. D’un côté, St-Louis lui reproche d’être "out of shape", de finir ses répétitions à bout de souffle, d’être incapable de rester dans le rythme quand les exercices deviennent exigeants.
De l’autre, il lui reproche un deuxième défaut plus subtil, mais encore plus important : incapable de contrôler sa vitesse, incapable de ralentir pour lire le jeu, incapable de cesser de foncer tête baissée quand la situation demande de la retenue. Pour un joueur avec un tir aussi dangereux, c’est un problème qui saute aux yeux du personnel d’entraîneurs.
Et quand on lit l’entrevue donnée par Bolduc, on sent tout de suite que le message est passé. Non pas dans le ton d’un joueur rebelle ou fâché, mais dans celui d’un joueur qui sait qu’il n’a pas le choix de plaire au coach.
Il répète presque mot pour mot la philosophie de St-Louis, comme s’il voulait démontrer qu’il a compris la leçon.
« Je n’ai pas toujours besoin d’aller à 100 miles à l’heure », dit-il. « J’ai parlé de ça avec Simon Gagné, Patrick Roy, même Claude Julien. Il y a encore des choses à apprendre dans cette ligue. »
Bolduc ne dit jamais directement j’ai un problème. Il dit plutôt j’apprends, je veux m’améliorer, je dois exécuter plus vite, comme un élève devant un professeur qui l’a sérieusement recadré.
Même lorsqu’il avoue que certaines soirées se déroulent « à l’envers » et qu’il a l’impression de « jouer la game à reculons », il le fait en gardant un ton doux, presque soumis, comme pour montrer qu’il adhère totalement à ce que St-Louis exige de lui.
Et ce n’est pas un hasard : tout dans son discours rappelle un joueur qui veut montrer qu’il a compris ce que le coach n’aime pas chez lui.
Quand St-Louis insiste publiquement sur l’importance de la décélération:
« C’est facile de juste continuer à aller vite, c’est dur de contrôler sa vitesse. La décélération est aussi importante que l’accélération »
Bolduc répète ensuite que c’est exactement ce qu’il doit améliorer. On dirait presque un copier-coller. Et pour beaucoup d’observateurs, c’est le signe que St-Louis a gagné ce bras de fer psychologique : Bolduc a modifié sa façon de parler, sa façon de se justifier, sa façon d’expliquer ses lacunes.
Il se place maintenant dans une posture d’apprentissage total, ce qui est très rarement le cas chez un jeune joueur avec autant de talent offensif et qui, ailleurs, aurait probablement droit à plus de responsabilités.
Caufield a rapidement saisi ce que St-Louis voulait dire par « contrôler ta vitesse ». Anderson, lui, lutte depuis trois ans avec ce concept, n'a toujours pas compris.
Bolduc, fraîchement débarqué dans cet environnement, se retrouve coincé entre son instinct d’attaquant et les exigences du système de St-Louis.
Imaginez. Il n'a pas effectué un seul tir... depuis 4 matchs...
Et ça transparaît dans tout ce qu’il dit : il parle d’apprentissage, de vidéos, de communication, de situations nouvelles. Il ne parle jamais de frustration, jamais de désaccord, jamais d’injustice.
C’est la parole d’un jeune joueur qui sait très bien que sa place n’est pas garantie, qui sait que sa condition physique et son incapacité à ralentir lui coûtent des opportunités, et qui sait surtout que la sanction de se faire retirer son nouveau bonbon (l'avantage numérique) peut arriver à tout moment.
Et c’est précisément cette dynamique qui fait réagir : le talent de Bolduc est indéniable, mais St-Louis a décidé de lui imposer un chantier exigeant, presque humiliant, basé sur deux critères très clairs : sois en meilleure forme, et arrête de foncer comme un junior.
Et Bolduc, dans toute sa sincérité, accepte les deux critiques sans broncher, preuve que le coach a pris l’ascendant psychologique. Il parle comme un joueur qui veut absolument prouver qu’il est coachable, qu’il comprend le message, qu’il est prêt à ajuster son identité même si elle repose justement sur la vitesse et le tir.
Ce qui frappe dans tout ça, ce n’est pas que Bolduc doit apprendre. C’est qu’il parle comme quelqu’un qui sait qu’il doit plaire.
Comme quelqu’un qui sait qu’il n’a plus droit à l’erreur. Comme quelqu’un qui, malgré son tir élite, ne peut plus dépendre uniquement de son instinct pour survivre dans un système où chaque décision est évaluée.
C’est la réalité d’un jeune talent pris dans un marché impitoyable, soumis à un entraîneur exigeant, et qui tente de grandir assez vite pour prouver qu’il appartient réellement au top-6 où son tir devrait normalement l’installer pour de bon.
« On communique là-dessus, je fais de la vidéo, et ce sont des choses que je peux améliorer et que je vais continuer d’améliorer. » affirme le pauvre Bolduc... à genoux devant St-Louis.
Dire qu'avec les Blues, il était l'un des moteurs offensif de son équipe, ayant la chance de jouer avec Robert Thomas .
Cette transaction à Montréal lui aura coûté cher. Tant au niveau de son portefeuille (agent libre avec restriction cet été)... qu'au niveau de sa dignité...
