Frissons à Cogeco: Patrick Lagacé sort de son silence

Frissons à Cogeco: Patrick Lagacé sort de son silence

Par David Garel le 2025-08-16

Patrick Lagacé répond, par la bouche de ses canons, pas avec des excuses.

Ils croyaient le voir démissionner. Ils le voyaient déjà effondré par les chiffres, accablé par la perte de la première place face à Patrick Masbourian sur Ici Première (95,1 FM), dépassé par les doutes populaires.

Mais Patrick Lagacé répond... de manière cinglante...

Il reste. Dix ans s’il le faut

“J’ai l’ambition de faire ça 10 ans. J’aurais 62 ans au moment de partir. Ce serait pas pire.”

Propos tirés d’une entrevue accordée à La Presse, son refuge de presque deux décennies, où il est traité comme un roi dominateur.

Il a beau ne plus être numéro 1, renommé, mais dépouillé de son trône par ICI Première, il ne plie pas.

« La radio est un média d’habitude… un troisième joueur est arrivé (Qub Radio, 99,5 FM)… les auditeurs veulent voir ailleurs… mais je mise sur un retour à la première place », dit-il, très détendu, en dépit des remous.

Le Country Club ne le manœuvre pas : c’est lui qui tient le canon.

Ce cercle tissé autour d’Éric Trottier, ancien vice-président et éditeur adjoint de La Presse, désormais directeur de l’information, des sports et des contenus numériques chez Cogeco Média, alimente toutes les suspicions.

Cet homme, pilier de l’establishment médiatique québécois depuis plus de deux décennies, est aujourd’hui responsable des orientations éditoriales du 98,5 FM, et donc directement impliqué dans les décisions de programmation.

Sa proximité avec Patrick Lagacé, chroniqueur-vedette à La Presse sous sa gouverne, mais aussi avec Philippe Cantin (autre ancien cadre de La Presse) et d’autres figures du même « country club », donne l’impression que la station est devenue un refuge pour anciens de la maison-mère.

C’est ce même cercle qui semble aujourd’hui protéger Lagacé malgré les revers, et qui, en parallèle, écarte peu à peu les femmes comme Geneviève Pettersen ou Élisabeth Crête et les voix qui dérangent, qui osent, qui pensent comme Pierre-Yves McSween et Mc Gilles.

Un entre-soi parfaitement huilé, où les décisions ne sont pas dictées par les cotes d’écoute, mais par l’allégeance à un vieux réseau d’influence.

Et pourtant, c’est Lagacé qui répond. Il ne démissionnera pas, même en chute libre. C’est lui l’acteur, le centre de l’histoire, le visage fatigué mais toujours debout. Il assume l’échec du palmarès, mais pas sa propre pertinence. Et ça fait mal.

Les scandales ? Il les vit. Il les défend.

Qu’il y ait eu des dérapages, départs abrupts, luttes d’ego, effondrement stratégique, Lagacé ne baisse pas la voix. Il relativise la pression.

 “Le jour où tu reçois Poilievre et Legault dans un show, c’est de la pression aussi.”

Il compare les critiques aux défis essentiels du métier. Il n’a jamais semblé aussi serein. C’est un vieil ours qui accepte les griffes jusqu’à la fin de sa saison.

Quand Pierre-Yves McSween a quitté, congédié injustement alors qu'il était le meilleur chroniqueur de la station, c’était une gifle.

Lui, le rigoureux, le drôle, l’intelligent, l’humain. Il a collaboré à propulser ICI Première en première position. Un coup de maître : McSween redonne le trône à Masbourian, devant Lagacé. Quel pied-de-nez.

Lagacé ne répond pas publiquement par rancune. Il ne demande ni pardon ni réparation. Il tend la joue gauche, mais tire avec les deux mains : habile, calculateur, imperturbable.

Le pays change. Il ne changera pas.

McSween & Masbourian incarnent les nouveaux rois, la cohésion. Lagacé est devenu le symbole du passé, du boy’s club figé.

Pourtant, il veut rester. Il sélectionne son timing, son ton, ses collaborateurs (qu’on connaît tous). Il canalise la controverse. Il exhibe encore sa routine de l’aube, ses textes, sa vie de travailleur acharné, même marié en Italie cet été.

Car Lagacé est un monument. Pas celui porté par le public. Un monument défensif. Il ne lâchera jamais ce siège sans taper fort, même sans trône, même sans public, même dans l’ombre du Country Club qu’il sert.

Les chiffres sont là. Patrick Lagacé a perdu. Il a livré une année de matinale à la barre du 98,5 FM et a réussi l’exploit de faire tomber la station de son piédestal, après des décennies de règne absolu.

Masbourian l’a dépassé. McSween s’est éclipsé. Et Julie-Christine Gagnon, la directrice des programmes, n’a pas levé le petit doigt pour assumer quoi que ce soit.

Dans n’importe quelle autre station, un animateur matinal responsable de la chute des cotes d’écoute aurait été congédié. Mais pas Lagacé. Pourquoi?

Lorsqu’on interroge Julie-Christine Gagnon sur les départs controversés de Geneviève Pettersen et Élisabeth Crête, c’est le néant. Des phrases vagues. Des formulations institutionnelles creuses.

 “Des discussions sont en cours…”, “on finalise la grille…”, “on espère qu’on pourra l’entendre à l’automne…”.

Ce sont des non-réponses. Des excuses maquillées en stratégie. Mais pour le public, le message est clair : on écarte les femmes.

Exactement le même manège qu'au moment où l'on a congédié Pierre-Yves McSween et MC Gilles de manière inhumaine.

On garde Philippe Cantin, un animateur insipide, dont la seule utilité semble être de remplir le vide laissé par de vraies voix, de vraies personnalités.

On protège Lagacé, même s’il creuse la tombe d’une institution. Et on brise les rares femmes capables de tenir tête au boy’s club.

Ce que vit le 98,5 FM en ce moment est une crise de confiance. Le public voit bien que la programmation est verrouillée. Que les visages masculins dominent. Que l’animation du week-end, du matin, du retour, du soir, tout est capté par des hommes du même moule, du même réseau, de la même époque.

Et le départ de Dave Morissette le week-end, l’un des seuls qui mettait un peu de chaleur, un peu d’émotion, n’a fait qu’aggraver les choses.

Il avait de l’humanité et une capacité d’autodérision que Lagacé n’a jamais eue.

Morissette est parti sans éclat. Comme s’il avait compris que cette radio n’était plus la sienne.

Patrick Lagacé n’a jamais été Paul Arcand, et ne le sera jamais. Il a voulu imposer sa marque. Un ton plus incisif, plus polarisant.

Mais il a oublié que la matinale du 98,5 FM, ce n’est pas un espace de joutes oratoires entre chroniqueurs cyniques.

C’est un rendez-vous quotidien avec les Québécois ordinaires, ceux qui se lèvent tôt, qui veulent comprendre, se faire informer et pas se faire provoquer.

Lagacé, au lieu de tendre l’oreille, a tendu le poing. Et il s’étonne que le public se soit tourné vers Masbourian, plus équilibré, plus accessible, plus humain.

Il continue d’écrire pour La Presse. Il continue de s’exposer. Il produit encore Deux hommes en or. Il veut tout faire. Tout contrôler. Mais ce multitâche narcissique devient contre-productif. À vouloir être partout, Lagacé n’est plus nulle part.

Et surtout, il ne s’excuse jamais. Il justifie. Il rationalise. Il relativise. Toujours avec la même posture : 

“Je suis indispensable.”

Mais la vérité, c’est qu’il est en sursis. Protégé par les siens, pour l’instant. Mais vulnérable.

Il n’a pas changé. Il s’est blindé.

Dans son entrevue à La Presse, il avoue avoir été “trop incisif” en entrevue. Qu’a-t-il fait? Il a engagé quelqu’un pour l’écouter et lui faire des commentaires.

Encore une démarche de contrôle. Encore une machine à rétroaction contrôlée. Lagacé ne se remet pas en question : il veut se perfectionner sans se modifier.

C’est toute la différence entre l’humilité et la stratégie.

Il ne changera pas. Il ne demande pas pardon. Il prépare les dix prochaines années comme on prépare un mandat de guerre. Il va tirer jusqu’au dernier chiffre de sondage.

Le plus triste dans cette saga? Ce n’est pas Lagacé lui-même. C’est ce que son maintien incarne : la permanence de du copinage entre amis.

Dans une station qui a écarté toutes les figures aimées de la station, dans une maison-mère qui n’a pas été capable de garder sa première place, on a décidé de garder le capitaine du naufrage.

Patrick Lagacé est peut-être encore là pour dix ans. Mais les auditeurs, eux, ne le seront peut-être pas.

Et ça, ni lui, ni Julie-Christine Gagnon, ni Éric Trottier ne semblent vouloir l’entendre...