Frissons à Brossard: Patrik Laine répond à Martin St-Louis

Frissons à Brossard: Patrik Laine répond à Martin St-Louis

Par Marc-André Dubois le 2025-07-25

On pensait que tout était terminé. Que le divorce était consommé, que la relation entre Martin St-Louis et Patrik Laine ne tenait plus qu’à une clause de rachat.

Après tout, les médias traditionnels avaient juré que Laine allait être racheté.

Que le Finlandais allait être rayé du tableau, oublié comme une erreur de parcours dans la reconstruction du Canadien de Montréal.

Mais contre toute attente, en plein mois de juillet, alors que plusieurs joueurs profitent encore de l’été, un homme est déjà sur la glace à Brossard, le cœur lourd, les yeux vides, mais la volonté brûlante : Patrik Laine est le premier arrivé. Jour après jour.

Un geste? Non. Un message.

Un message silencieux, mais puissant. Un message destiné à un seul homme : Martin St-Louis.

Et ce message est clair : je veux sortir de ma niche.

Pour comprendre la portée de ce revirement, il faut replonger dans les entrailles de cette saga qui a empoisonné la saison 2024-2025 du Canadien de Montréal.

Tout a commencé avec des gestes. Des regards. Des silences.

Laine était arrivé à Montréal comme un pari de Kent Hughes, acquis contre Jordan Harris dans un échange jugé à haut risque à cause de son salaire (8,7 M$) mais potentiellement payant (un choix de 2e ronde prenait aussi le chemin de Montréal).

Sur papier, son tir foudroyant devait faire de lui une arme létale en avantage numérique. Mais très vite, les fissures sont apparues.

Langage corporel détaché. Présence passive à cinq contre cinq. Manque d’intensité. Laine ne s’intégrait pas.

Et puis, il y a eu cette déclaration malaisante à propos d’Ivan Demidov :

« Je sais qu’il est gaucher… c’est à peu près tout. »

La KHL? Une ligue « de clowns ». Demidov? Un joueur « surestimé ».

Un discours qui a choqué, non pas tant par le fond que par le mépris. Une tentative grossière de marquer son territoire, au moment même où l’organisation entière préparait un tapis rouge pour son jeune prodige russe.

Une guerre froide dans le vestiaire.

C’est là que Martin St-Louis a commencé à tracer une ligne. Il n’a jamais supporté les vedettes capricieuses. Il a protégé Gallagher dans ses pires moments. Défendu Matheson contre vents et marées. Répété qu’il fallait « jouer avec cœur ».

Et Laine? Il regardait le plafond. Littéralement.

Dans le vestiaire, pendant que les autres blaguaient, il s’isolait. Dans les avions, il restait seul, regard perdu par le hublot.

Puis il y a eu les « absences grippales ». Les excuses à répétition. Le 10 minutes de temps de jeu. La 3e période passée sur le banc. Les séries où, malgré un but important au match #1, il fut complètement ignoré dans le match suivant.

Et surtout, cette scène devenue légendaire : Canadien en déficit de 2-1 en fin de match lors du moment le plus important de la série contre les Capitals. St-Louis retire son gardien. Mais pas de Laine sur la glace. Pas une seule présence en 3e période.

La gifle ultime.

Le point de non-retour.

À cela s’est ajouté le cas Ivan Demidov.

Le jeune Russe brillait. Une étoile montante, un souffle de vie dans l’attaque montréalaise. Mais Martin St-Louis hésitait. Le laissait sur la 2e unité de l’avantage numérique. L’évitait en tirs de barrage. Se braquait. Pourquoi?

Parce qu’il craignait l’éclatement de l’ordre établi. Parce que Demidov menaçait les minutes de… Patrik Laine.

Et Laine, fidèle à lui-même, a piqué une crise de vestiaire. Il voulait son poste. Sa place. Ses responsabilités. Il a contesté ouvertement son entraîneur, hurlé, exigé des réponses.

Une scène surréaliste, étouffée par les attachés de presse, mais racontée dans tous les corridors du Centre Bell.

C’est là que la fracture est devenue une guerre ouverte. Et que St-Louis a vu rouge.

Puis Laine, incapable de se taire, a prononcé les mots de trop.

« Je me fous d’Ovechkin. »

Une légende. Un monument. Et Laine, avec sa froideur habituelle, a jeté une allumette sur un baril de poudre. Résultat : Ovechkin a marqué deux buts la même soirée. Washington a gagné et a éliminé le CH. Et Laine a été laissé sur le banc, encore.

Martin St-Louis, qui a toujours prôné l’humilité, l’a très mal pris. Ce n’était plus un désaccord sportif. C’était une trahison morale. Une insulte à la culture du hockey.

Et c’est ce soir-là que tout le monde a compris : c’était fini.

Mais voilà. Contre toute attente, ce n’était pas la fin. Du moins, pas pour Laine.

Ce mois de juillet 2025, le vent tourne. Laine est encore là. Il aurait pu se cacher. Il aurait pu bouder. Mais non. Il est à Brossard. Le premier sur la glace. Le plus tôt. Le plus régulier.

Ce n’est pas une coïncidence.

C’est un cri silencieux. Un geste de rédemption. Une volonté manifeste de regagner sa place. De prouver qu’il peut cohabiter. Qu’il peut évoluer.

Il sait que Zachary Bolduc pourrait lui voler sa place. Il sait que Demidov est le futur. Mais il veut se battre. Pas pour l’argent. Pas pour l’égo. Pour lui-même.

Il faut se souvenir de tout ce que Laine traîne derrière lui. Ce n’est pas qu’une question de fierté mal placée. C’est un joueur brisé, qui a confessé sur Spittin’ Chiclets avoir traversé une dépression sévère. Qui a vécu dans l’ombre d’un père omniprésent. Qui voulait être gardien. Qui n’a jamais voulu devenir la vedette qu’on a fabriquée pour lui.

Il n’est pas méchant. Il est fragile.

Mais dans une ligue comme la LNH, la fragilité se camoufle mal.

Et à Montréal, ville impitoyable, elle devient une cible.

Certains analystes comme Louis Jean, Dany Dubé, Stu Cowan, l’ont traîné dans la boue. D’autres, comme Brendan Gallagher et Kaiden Guhle, l’ont défendu en privé. Mais publiquement, Laine est resté seul. Seul avec son tir, sa peine, son mal-être.

Jusqu’à aujourd’hui.

Ce retour précoce à Brossard, ces entraînements matinaux, ces apparitions régulières, ce ne sont pas de simples routines d’été. C’est une tentative de réconciliation. Une main tendue. Une preuve d’effort.

Et surtout, une déclaration :

« Je suis prêt à faire la paix. »

Avec ses coéquipiers. Avec lui-même. Et peut-être même avec son entraîneur.

Martin St-Louis aura le dernier mot. C’est lui le patron. Mais il n’a jamais été insensible à la souffrance humaine. Il a donné des deuxièmes chances. Il a réhabilité Slafkovsky. Il a soutenu Gallagher. Il a relancé Josh Andersoné

Alors pourquoi pas Laine?

Pourquoi ne pas transformer cette guerre en leçon?

Pourquoi ne pas donner une dernière chance à un homme qui, malgré ses maladresses, semble vouloir se battre?

2025-2026 sera une année charnière.

Si Patrik Laine performe, il peut relancer sa carrière, forcer une prolongation ou attirer un club à la date limite. Sinon? Il partira comme un indésirable.. Rayé. Rayé comme Jonathan Drouin.

Mais aujourd’hui, il refuse de mourir.

Il s’accroche à la seule chose qu’il lui reste : sa volonté de changer.

Le message est envoyé. Il est clair. Il est humble. Il est poignant.

« Je ne veux pas être un poids. Je veux être une solution. »

Et peut-être que, quelque part, au fond du cœur de Martin St-Louis, cette volonté trouvera un écho.

Car parfois, il faut tomber bas pour mieux se relever.

Et aujourd’hui, pour la première fois depuis des mois, Patrik Laine est debout.