Félix Auger-Aliassime et Kirby Dach: deux trajectoires liées à jamais

Félix Auger-Aliassime et Kirby Dach: deux trajectoires liées à jamais

Par Nicolas Pérusse le 2025-07-31

Félix Auger-Aliassime vient de s’incliner à Toronto.

Une nouvelle défaite au premier match. Un scénario qu’on a vu trop souvent depuis un an.

Pendant ce temps, Kirby Dach s’apprête à réintégrer l’alignement du Canadien après deux saisons de blessures, de doutes, d’errance.

Deux athlètes, deux sports, mais une trajectoire semblable. Celle d’un talent immense, précipité vers les sommets, sans le mental pour y survivre.

Félix, c’était le joueur que Roger Federer décrivait comme ayant « le plus beau coup droit chez les jeunes joueurs ».

Kirby, c’était le troisième choix au total, un centre de 6 pieds 4 promis à devenir le pivot numéro un à Chicago. Deux parcours dorés. Deux athlètes qui avaient tout.

Sauf l’essentiel.

Quand Félix a rompu avec son agent Bernard Duchesneau en 2024, il croyait faire un pas vers l’autonomie.

Il a plutôt démoli la seule structure qui le protégeait du chaos. Duchesneau n’était pas parfait. Mais il gérait tout : les commandites, les crises, les horaires, les turbulences. Une nounou professionnelle.

Et depuis qu’il est parti, Félix a sombré.

Première ronde à l’US Open. Élimination rapide à Roland-Garros. Échec à Wimbledon. Défaite d’entrée à Toronto. À chaque fois, le même pattern. Une avance perdue. Une confiance qui s’évapore. Un regard vide et un discours poli : « J’ai tout donné, mais ce n’était pas assez. »

C’est là que le parallèle avec Kirby Dach devient inévitable.

Lui aussi était vu comme un sauveur. Lui aussi avait tout. Une vision de jeu élite. Des mains de centre top 6. Une intelligence hockey exceptionnelle.

Et lui aussi s’est effondré quand la structure a craqué.

À Chicago, Dach était baladé d’une ligne à l’autre, sans repères. À Montréal, il a enfin trouvé un peu de stabilité. Une ligne avec Suzuki. De la confiance. Un rôle clair. Et puis… une blessure. Une autre. Puis une autre.

Il n’a pas joué un match complet depuis deux ans. Quand il est sur la glace, il a l’air d’un fantôme. À l’entraînement, il brille. Sur Instagram, il inspire.

Mais dans la vraie LNH, il est en retard. Une demi-seconde de trop dans une ligue où tout va à cent à l’heure. Et ce n’est pas qu’une question de genou ou de hanche. C’est dans la tête que ça lâche.

Félix aussi. Physiquement, il est encore là. Le service explose. Le revers est toujours aussi précis.

Mais dès que ça chauffe, il perd le fil. Il joue en survie. Comme Dach. Deux joueurs qui, au moindre faux pas, s’effacent. Pas parce qu’ils manquent de talent. Mais parce qu’ils manquent de stabilité intérieure.

On les a propulsés trop vite. On a cru qu’un beau coup droit ou une bonne lecture de jeu suffisaient. On a oublié que la vraie carrière d’un athlète commence après l’adversité. Quand tout se casse. Quand tu dois te relever et que personne ne t’aide.

Félix a congédié son agent. Dach a vu son corps le trahir. Deux cassures. Deux pertes de repères. Et depuis, ils errent. L’un dans les tournois ATP. L’autre entre l’infirmerie et les vidéos d’espoir.

La pression, elle, ne faiblit pas. Le Canadien parle encore de Dach comme d’un centre top 6. Il est encore sur le power play dans les projections.

Mais en coulisses, on a tenté de l’échanger. À Saint-Louis. À Anaheim. Même à Pittsburgh dans une rumeur impliquant Sidney Crosby. Ce que ça veut dire, c’est simple : l’organisation n’y croit plus vraiment. Elle espère. Mais elle sait.

Même chose pour Félix. Il continue de dire qu’il croit à son plan. Qu’il va retrouver son niveau. Mais autour de lui, l’équipe est désorganisée. Sa mère gère les courriels. Son père fait des déclarations rassurantes dans les médias.

Mais la vérité, c’est qu’il est seul. Et ça se voit.

Les critiques pleuvent. Certains chroniqueurs français l’accusent de fuir le fisc à Monaco. D’avoir perdu sa hargne. D’être tombé dans le confort. Pendant ce temps, des compatriotes comme Gabriel Diallo montent, gagnent, brillent.

Et Félix… s’efface.

Kirby, lui, revient cet automne avec le regard de tout le Québec braqué sur lui. Il ne pourra pas se cacher.

Chaque match sera un test. Chaque mise en échec, une question. Est-il encore un joueur de la LNH? Peut-il encore être un centre de premier plan? Ou est-il devenu un mirage que le Canadien entretient pour ne pas assumer son erreur?

On a sacrifié Romanov, puis Frank Nazar pour lui. Deux joueurs qui, aujourd’hui, brillent dans la LNH. Et on s’accroche à un Dach fragile, incertain, instable.

Tout comme Tennis Canada s’accroche à Félix, malgré les échecs répétés. Parce que les sacrifices ont déjà été faits. Parce qu’on espère. Encore.

Mais espérer ne suffit plus.

Félix doit se reconstruire. Pas son coup droit. Pas son service. Son équipe. Son mental. Dach doit prouver qu’il peut jouer 82 matchs sans s’effondrer. Qu’il peut tenir tête à un Ryan O’Reilly ou à un Elias Lindholm sans cligner des yeux.

Et surtout, qu’il peut rebondir après une mauvaise passe sans s’écrouler.

Parce que c’est là que ça se joue. Pas dans les skills. Pas dans les statistiques. Dans la capacité à survivre quand tout va mal. C’est ça, le sport pro. Et c’est là que ces deux étoiles se sont perdues.

Leur chute n’est pas définitive. Ils ont encore le temps. Le talent est intact. Mais sans armure mentale, sans cadre solide, même les plus brillants se cassent.

Dans les prochaines semaines, Félix servira à New York, sous les projecteurs de l’US Open. Kirby Dach s’élancera sur la glace du camp du Canadien.

Deux athlètes face au même défi. Renaître. Pour vrai.

Et cette fois, il ne suffira plus d’y croire. Il faudra passer des paroles aux actes.