Il y a des absences qui passent inaperçues et d’autres qui laissent un vide béant.
Celle d’Emil Heineman appartient à la deuxième catégorie. Le Canadien de Montréal, qui semblait enfin avoir trouvé une certaine stabilité, s’est effondré depuis qu’il a perdu son ailier suédois.
Et ce n’est pas une impression, c’est un fait appuyé par des chiffres qui parlent d’eux-mêmes.
Depuis le 11 janvier, date du dernier match d’Heineman contre Dallas, le Canadien s’est transformé en équipe méconnaissable.
Un simple coup d’œil aux résultats suffit : une séquence de quatre défaites consécutives, un retour dans la médiocrité et, surtout, une équipe qui peine à contrôler la rondelle.
Le CH, qui flirtait avec une place en séries il y a à peine quelques semaines, glisse inexorablement vers le ventre mou du classement.
Là où l’absence d’Heineman est la plus criante, c’est dans la possession de rondelle.
Et c’est là que le CORSI entre en jeu. Pour ceux qui ne sont pas familiers avec cette statistique avancée, le CORSI mesure le pourcentage de tentatives de tirs (au but, ratées ou bloquées) effectuées par une équipe lorsqu’un joueur est sur la glace.
Dit plus simplement, plus ton CORSI est élevé, plus ton équipe passe du temps en zone offensive pendant que tu es sur la patinoire.
Et qui menait cette statistique chez le Canadien avant sa blessure? Emil Heineman.
En excluant les anomalies statistiques (des joueurs avec un faible échantillon de matchs joués comme Michael Pezzetta, Condotta ou Owen Beck), c’est Heineman qui dominait cette colonne avec plus de 50% de CORSI en 41 matchs.
Cela signifie que lorsqu’il était sur la glace, le Canadien contrôlait plus souvent la rondelle qu’il ne la subissait. Un exploit quand on regarde la situation actuelle.
Derrière lui, seuls quelques joueurs du CH affichaient des chiffres respectables : Nick Suzuki (51,6%), Cole Caufield, Lane Hutson, Alexandre Carrier et, surprise, Brendan Gallagher.
Une courte liste qui montre bien à quel point la possession de rondelle devient un luxe à Montréal.
En revanche, dans les bas-fonds du classement, on retrouve des noms comme Mike Matheson, Christian Dvorak, Arber Xhekaj, Juraj Slafkovsky, Jake Evans et Alex Newhook, tous sous la barre des 50%, ce qui signifie qu’ils passent plus de temps à courir après la rondelle qu’à l’avoir.
Le pire? Kirby Dach et David Savard, deux joueurs qu’on considère comme des piliers, traînent avec des chiffres affligeants de 44,1% et 42,6% respectivement.
Quand une équipe passe la majorité de son temps à défendre plutôt qu’à attaquer, les résultats suivent. Et on voit ce que ça donne.
Depuis qu’Heineman est tombé au combat, le Canadien a joué neuf matchs.
Bilan? Quatre petites victoires et cinq défaites, dont une série en cours de quatre revers consécutifs. Autrement dit, le mur est arrivé, et le CH s’y est fracassé de plein fouet.
Bien sûr, il serait absurde de tout mettre sur les épaules d’un seul joueur.
Emil Heineman n’est pas un sauveur, ni une superstar offensive qui change le visage d’une équipe à lui seul.
Mais ce qu’il apportait était fondamental : de la constance, de la pression en échec avant, et une capacité à limiter le temps passé en zone défensive.
Des petites choses qui, mises bout à bout, finissent par faire une différence significative.
Ce n’est donc pas un hasard si le Canadien semble s’être transformé en une équipe méconnaissable depuis son départ.
Son absence a mis en lumière des failles qui, jusque-là, étaient camouflées par ses efforts constants. Montréal a perdu plus qu’un simple attaquant : il a perdu un joueur qui stabilisait le jeu.
La question maintenant est de savoir jusqu’à quel point l’absence d’Heineman va continuer à hanter le CH.
Le mois de février ne s’annonce pas plus clément et, si cette tendance se poursuit, les rêves de séries éliminatoires pourraient rapidement s’évanouir.
Le Canadien a déjà surpris cette saison, mais avec une pente aussi glissante, la chute pourrait être brutale.
Si Emil Heineman a prouvé une chose cette saison, c’est que même les joueurs de soutien ont une importance capitale dans la structure d’une équipe.
Son retour ne règlera pas tous les problèmes du Canadien, mais il redonnera à cette formation un élément clé qu’elle cherche désespérément en ce moment : du contrôle.
À suivre ...