La première journée du camp du Canadien de Montréal a mis sur le devant de la scène un vieux débat que plusieurs espéraient révolu : est‑ce qu’on choisit l’expérience fragile ou est‑ce qu’on fait confiance au jeune qui braille sa faim sur la glace ?
Samuel Blais est de retour sous les projecteurs, armé d’un contrat à un volet, garanti, signé en juillet 2025.
Il vient de passer 2024‑2025 à Abbotsford dans la Ligue Américaine, il a cumulé 51 matchs, 14 buts, 26 passes, 40 points, +8, beaucoup de pénalité aussi.
Il n’a pas joué dans la LNH l’an passé. Pendant ce temps, Florian Xhekaj, 21 ans, débarque au camp du CH avec des attentes, un corps qui a mûri, une énergie nerveuse qui irradie.
On le sent prêt. Mais la porte est déjà barrée devant lui. Parce que Blais, pour l’instant, en est le verrou.
« Je sais ce que ça prend pour gagner, j’ai gagné dans le junior, j’ai gagné la Coupe Stanley, j’ai gagné au Championnat du monde. Je veux apporter ça ici. »
On peut critiquer son historique de blessures ou ses passages répétés dans la Ligue américaine, mais il faut lui accorder ceci : Samuel Blais sait gagner.
Il l’a dit lui-même devant les journalistes : « Je sais ce que ça prend pour gagner […] Je veux apporter ça ici. »
Et c’est exactement ce que Martin St-Louis et Kent Hughes espèrent de lui : une dose d’ADN de champion dans un vestiaire qui cherche encore sa pleine maturité.
En gros, Samuel Blais, c’est un gars de “bottom-six” qui frappe, qui forecheck, qui dérange. Il l’a répété lui-même : « J’aime frapper, j’aime brasser, j’aime travailler fort. »
C’est ce type d’énergie brute qui va coller à la peau de la quatrième ligne du CH. Mais combien de temps tiendra-t-il ce rôle avant que son corps le lâche?
Samuel Blais, Montmagny, Québec, est un gars qui connaît le mal de dos, le retour du vestiaire, les rappels, les belles journées, les mauvaises.
Il a cumulé 257 matchs dans la LNH dans sa carrière avec les Blues et les Rangers, totalisant 71 points (27 buts, 44 aides).
« J’ai appris beaucoup. Je ne suis plus le même joueur qu’à mes débuts. Je suis plus intelligent, plus responsable. »
Il a gagné le Stanley Cup avec St. Louis, il a goûté la médaille d’or avec le Canada, il a gagné la Calder Cup avec Abbotsford en 2025, mais il n’a jamais disputé une saison complète de 82 matchs dans la LNH.
Ce détail-là, il pèse. Parce que jouer 82 matchs, ça demande plus que de l’envie.
Ça demande constance, corps sain, endurance de tous les instants, résistance aux collisions, aux saisons qui s’étirent, aux voyages.
Quand Blais a signé son contrat à un volet, on savait que Kent Hughes misait sur du terrain familier.
Un vétéran québécois, capable de rendre service dans les tranchées, dans les moments malaisés, sur le désavantage numérique, sur le 4e trio potentiellement.
Blais lui-même l’a dit : « Je suis content d’avoir une autre chance. Je veux apporter mon énergie, mon physique et être un gars fiable. »
Ce sont des mots de soldat, mais les mots ne suffisent pas. Le champ de bataille, ça se gagne par l’action.
Xhekaj regarde ça. Il observe. Il sait ce que ça veut dire d’être invisible un camp, de se casser le cul pour une chance.
Il sait qu’il n’a pas le CV de Blais, mais il a les jambes, le cœur, la faim, le potentiel de monter fort.
Et plusieurs dans l’organisation le voient. Tu peux sentir dans les regards, dans les discussions entre entraîneurs, qu’il y a du respect, mais aussi de l’impatience.
Parce que Florian pourrait faire le travail. S’il était dans une autre organisation, son chemin serait peut‑être plus rapide. Ici, il doit prouver deux fois plus, parce que la place est prise.
Ça crée un embouteillage. Blais est là, bien en place, mais pas invincible.
À chaque fois que sa fiche de santé grimace, que ses genoux fatiguent, que ses nuques s’engourdissent, la place vacille.
Et c’est dans ces interstices que Xhekaj devra y glisser.
Le scénario probable : Blais jouera peut‑être quatre mois pleins, mais au cinquième, l’usure, les petites blessures s’accumulent, les matchs manqués aussi.
Quand ça arrivera, Florian devra être prêt, sur le banc, dans le vestiaire, physiquement, mentalement.
On peut contestater : est‑ce justifié que Blais bloque Xhekaj maintenant ? Oui et non.
Oui, parce qu’il a de l’expérience, parce que sa carrière, même si pleine de hauts et de bas, prouve qu’il peut faire plus que juste du travail de 4e ligne.
Non, parce qu’on attend plus de constance, et parce que donner une chaise au vétéran hier pourrait ralentir l’évolution de l’organisation demain.
Tu vois, le challenge du CH, ce n’est pas seulement gagner des matchs, c’est construire l’équipe qui va pouvoir durer, être flexible, remplacer l’usure.
Et là, le point d’ancrage pourrait être le jeune qui prend des responsabilités ... pas juste le vétéran qui les garde.
Ce qui rend tout ça piquant, c’est que Blais a prouvé qu’il peut porter une équipe dans la LAH.
40 points en 51 matchs, c’est solide.
Il a été pièce importante du Calder Cup avec Abbotsford. Il a de la crédibilité dans les ligues de développement.
Mais le saut NHL est brutal. Le rythme, la vitesse, l’intensité, la constance.
Donc voilà la question que le Canadien doit se poser aujourd’hui : est‑ce que Blais est le bon choix pour ce poste, ou est‑ce qu’il ne devient qu’un frein pour le développement d’un talent comme Florian ?
Quand on se demande pourquoi un jeune comme Florian Xhekaj ne commence pas la saison dans la LNH, il faut comprendre que le Canadien de Montréal n’est plus dans une phase de développement pur.
On est en train d’ouvrir une fenêtre. Une vraie. Une fenêtre pour compétitionner, pour viser une place en séries, et non pour expérimenter à l’aveugle comme il y a deux ans.
À l’époque, tu pouvais te permettre de lancer un Juraj Slafkovsky dans la mêlée dès sa première saison, quitte à ce qu’il apprenne sur le tas.
Aujourd’hui, ce n’est plus le même contexte. Tu ne peux pas te permettre de donner 12 minutes par match à un gars de 21 ans juste pour voir ce qu’il a dans le ventre.
L’approche a changé. On veut gagner.
Et dans cette logique, c’est normal que les vétérans comme Samuel Blais commencent l’année avec une longueur d’avance.
Tu ne peux pas bâtir une identité d’équipe compétitive si tu es toujours en train de gérer les erreurs de jeunesse match après match.
Il y aura une baisse d’effectif à un moment donné ... c’est inévitable.
Mais ça viendra en cours de route. Pas en octobre.
Florian Xhekaj aura sa chance. Ce genre de joueur-là ne peut pas être ignoré bien longtemps.
Mais il faut comprendre une chose : cette année, la priorité du Canadien, c’est de gagner.
Et pour gagner, tu dois commencer avec les gars les plus solides, les plus aguerris. Même si ça veut dire que le kid devra patienter encore un peu.
Cette rue vers la LNH est étroite, et ceux qui attendent doivent avoir l’ouverture pour passer.
À la fin, ce camp‑ci, ce match‑ci, ce shift‑ci ne sont pas seulement des évaluations physiques, ce sont des signes.
Chaque mise en échec, chaque turnover évité, chaque moment où Xhekaj fait respirer l’équipe compte.
Parce que s’il arrive là, il ne veut pas juste être un changement de décor, il veut être un titulaire capable.
Et si Blais ne peut pas suivre ... s’il ne peut pas tenir un mois, deux mois sans tomber, sans avoir un jour où il doit être sorti ... alors ce sera Florian qui occupera la glace.
Le Canadien pourrait perdre quelque chose en assurance, mais il pourrait gagner une vitalité brute et une télévision plus excitante.
Kent Hughes l’a vu. Martin St‑Louis l’a vu. Le public le ressent.
L’embouteillage à Brossard est là. Mais il n’est pas éternel.
À suivre ...