Il y a quelque chose de pathétique dans le regard de François Legault ces derniers jours. Comme un boxeur assommé qui ne sait plus où donner de la tête, il répète en boucle qu’il est un « Rocky » qui va se relever. Mais le Québec n’en peut plus.
Et ce n’est pas le chroniqueur politique qui l’écrit. C’est le peuple, c’est la rue, c’est même Nathalie Normandeau, pourtant longtemps solidaire du clan sur les ondes de Cogeco, qui affirme que la CAQ est sur le point d’éjecter son propre chef.
Et dans cette chute annoncée, il ne restera qu’une image, aussi symbolique qu’inacceptable : celle du chandail encadré de Guy Lafleur. L’acte le plus grotesque d’un règne déconnecté, et la preuve irréfutable qu’au moment de quitter la scène, François Legault devra rendre ce chandail. Parce qu’il ne l’a jamais mérité.
Le dernier sondage Léger ne laisse aucune place au doute. Avec un ridicule 16 % d’appuis, la Coalition avenir Québec est à l’agonie.
Presque à égalité avec le Parti conservateur d’Éric Duhaime. Une telle chute est inédite. Et les paroles de Sébastien Dallaire, vice-président chez Léger, sont d’une limpidité glaciale :
« Les tentatives de Legault pour reprendre le momentum ne fonctionnent pas. La pente est très, très raide. » Ce n’est plus une question d’image. C’est une question de rejet. D’usure. De dégoût.
Dans les coulisses, les députés caquistes commencent à parler. Les stratèges s’activent en douce. Le nom de Pierre Fitzgibbon revient en boucle comme possible successeur.
Et Nathalie Normandeau l’a dit sans détour au micro de QUB : si rien ne change, Legault ne passera pas Noël à la tête de la CAQ. Voilà pourquoi il s’accroche comme un naufragé à sa bouée nostalgique. Voilà pourquoi il se réfugie dans des références pop douteuses, Rocky, Martin St-Louis, pensant attendrir un peuple qui n’attend qu’une chose : son départ.
Mais si le peuple veut son départ, c’est aussi parce que François Legault a franchi des lignes qu’on ne franchit pas. Des lignes sacrées.
Quand il a utilisé les fonds publics pour acheter 14 chandails autographiés de Guy Lafleur à 345 $ pièce, personne n’a réagi.
Quand il a décidé d’en garder un pour lui, on a levé le sourcil. Mais quand il a dépensé 937 $ de plus pour l’encadrer professionnellement, le tout payé avec une carte de crédit gouvernementale, la ligne a été franchie. C’était trop.
Pas de justification. Pas de remboursement. Juste un silence gênant, puis une photo souriante sur Facebook avec l’encadreur. Une insulte. Parce que pendant ce temps, les écoles du Québec tombaient en ruine.
Les hôpitaux débordaient. Les centres de personnes âgées manquaient de personnel. Et lui, le premier ministre, s’offrait un trophée de hockey payé par les contribuables. Un geste d’une indécence rare, qui a profondément humilié la mémoire de Guy Lafleur.
Ce que François Legault ne comprend pas, ou refuse de comprendre, c’est que Guy Lafleur n’était pas un simple joueur. C’était une légende. Un homme qui représentait le Québec fier, travailleur, généreux. Le démon blond, c’était l’honneur en mouvement. La flamme du peuple.
L’utiliser pour des cadeaux politiques était déjà d’un goût douteux. Mais s’en garder un exemplaire, le faire encadrer à 1282 $ et le brandir comme un trophée dans son bureau, c’est une trahison.
Lafleur aurait été le premier à s’en offusquer. Il aurait dit :
« Donnez cet argent aux enfants malades. Offrez-le aux hôpitaux. Ne gaspillez pas le nom de Lafleur pour flatter vos égos. »
La fracture est telle que même le Canadien de Montréal a tourné le dos à François Legault. Officiellement, on ne dira jamais rien. Politiquement, ça ne se fait pas. Mais dans les faits, Legault est désormais persona non grata dans les corridors du Centre Bell. Il n’est plus invité. Plus associé. Plus célébré.
Il a tenté de surfer sur la vague du CH. De se comparer à Martin St-Louis. De faire croire que lui aussi incarnait le courage, la résilience, le franc-parler.
Mais le public ne s’y trompe pas. Martin St-Louis, c’est l’authenticité pure. François Legault, c’est la récupération malhabile. L’un galvanise un vestiaire. L’autre fait fuir ses propres troupes. L’un pleure en parlant d’amour. L’autre sourit en parlant de pouvoir.
Et comme si ce n’était pas assez, Legault a ajouté l’insulte à l’injure avec le dossier des Kings de Los Angeles. En pleine crise économique, il a accordé une subvention de 5,6 millions de dollars pour faire venir les Kings à Québec le temps d’un camp d’entraînement.
Une opération marketing totalement déconnectée de la réalité des Québécois. Et surtout, un geste perçu comme une tentative grossière de faire oublier son inaction dans le dossier des Nordiques.
Luc Robitaille lui-même n’en revenait pas. Pensant faire un bon coup, il a été hué, conspué. L’enfant chéri du Québec est reparti avec une taloche en arrière de la tête, comme il l’a reconnu à demi-mot.
Encore une fois, François Legault a instrumentalisé le sport pour se redorer le blason. Encore une fois, il a confondu l’État avec un salon de cartes de collection. Et encore une fois, c’est le contribuable qui a payé.
Aujourd’hui, la boucle est bouclée. François Legault va tomber. Il ne tombera pas en héros. Il ne tombera pas comme Rocky. Il tombera comme un homme qui a oublié qu’il servait le peuple, pas ses souvenirs. Et quand viendra le jour de sa démission, il ne pourra pas quitter avec le chandail de Guy Lafleur sous le bras.
Il devra le rendre. Ce chandail ne lui appartient pas. Il n’a jamais été à lui. Il appartient au peuple du Québec. À ceux qui ont grandi en regardant Guy foncer sur la glace. À ceux qui l’ont vu marquer, soulever la Coupe, tomber malade, se battre, puis partir dans la dignité. Ce chandail, c’est un morceau de notre mémoire collective. Pas un objet de décoration.
François Legault n’est plus digne de le posséder. Il a sali le symbole. Il a gaspillé l’héritage. Il a voulu incarner un héros, et il a fini en caricature.
Et maintenant que tout le monde l’abandonne, ses électeurs, ses ministres, ses alliés, ses idoles, il ne lui reste qu’une chose à faire : décrocher ce cadre, le déposer sur le bureau de la famille Lafleur, et dire merci.
Puis s’en aller. Sans chandail. Sans gloire. Sans retour.