Drame dans la chambre: David Reinbacher a tout perdu

Drame dans la chambre: David Reinbacher a tout perdu

Par David Garel le 2025-09-26

Il y a des erreurs qui passent à l’histoire. D’autres qui s’effacent avec le temps. Et puis il y a celles qui, année après année, se transforment en plaie béante dans la conscience collective d’un peuple.

Le 28 juin 2023, Kent Hughes a décidé de graver son nom dans la première catégorie. En annonçant le nom de David Reinbacher au cinquième rang, au lieu de celui de Matvei Michkov, le DG du Canadien de Montréal a déclenché un tremblement de terre dont les répliques continuent de secouer la métropole.

Et pendant que Michkov fait frissonner la LNH avec ses jeux électrisants et son arrogance calculée, Reinbacher… tombe. Littéralement.

Dernier match préparatoire. Encore contre Toronto. Encore une scène humiliante. Reinbacher se fait frapper une première fois. Il tente de se relever. Deuxième mise en échec. Il s’écroule. Maladroitement. Presque en silence.

Résultat : fracture à la main. Quatre semaines d’absence. Il manquera le début de la saison du Rocket. Encore. Comme l’an dernier. Comme toujours. Ce n’est pas le genou cette fois. Mais c’est toujours lui.

Ce n’est plus un joueur de hockey. C’est un symbole. Le symbole d’un choix raté. D’une erreur de casting. D’un drame humain.

On ne le dira jamais assez : David Reinbacher n’a jamais demandé à être repêché cinquième. Il n’a jamais supplié qu’on le préfère à Michkov. Il n’a pas orchestré cette folie. Il a simplement reçu le chandail. Et depuis, il le porte comme une croix.

C’est Kent Hughes qui l’a mis là. Qui a provoqué cette situation impossible. Un jeune homme modeste, discret, effacé, plongé dans l’arène médiatique la plus carnivore de la LNH. À Montréal, les caméras ne dorment jamais. Les jugements sont éternels.

Et lorsqu’un prodige russe comme Michkov commence à marquer des buts d’anthologie à Philadelphie, pendant que l’Autrichien peine à compléter une relance propre contre des recrues de la ECHL… le verdict populaire est sans appel.

« On a repêché un défenseur de 3e paire au lieu d’un Hall of Famer. »

Ce n’est pas qu’un mauvais camp. Ce n’est pas qu’une fracture. C’est une lente dégradation mentale, exposée au grand jour, dans l’indifférence cruelle des projecteurs.

Lors du dernier entraînement avant le camp officiel, Reinbacher explose. Il frappe la baie vitrée. Il crie. Francis Bouillon accourt, tente de l’apaiser. La scène est brève. Mais elle résume tout.

David Reinbacher est au bord du gouffre. Son regard fuit. Son corps hésite. Son jeu s’effrite.

Et pourtant, dans les médias québécois, on continue de vendre l’espoir. On parle de progression. D’adaptation. On évoque même un poste à droite avec Noah Dobson et Alexandre Carrier. Mensonge collectif.

Le kid est à Laval. Mentalement. Techniquement. Émotionnellement. Et même là, il faudra du temps.

Contre les Flyers, ce fut le massacre final. L’image d’Anthony Richard un joueur de profondeur qui le déculotte sur … c’est l’équivalent d’un uppercut en plein menton devant un Centre Bell muet.

Reinbacher a regardé. Passivement. Comme un spectateur. Il n’a pas bloqué. Il n’a pas patiné. Il n’a pas réagi.

Il a… existé.

Et quand ton existence sur la glace devient ton seul accomplissement, tu n’es plus un prospect. Tu es un fardeau.

Là où l’histoire devient presque surréaliste, c’est que les Ducks d’Anaheim étaient prêts à livrer Mason McTavish. Un centre costaud, deux saisons de production, un leader naturel. Le genre de joueur qui manque cruellement au CH.

Mais à une seule condition : Reinbacher devait faire partie du deal.

Et Kent Hughes a refusé.

Intouchable.

Le mot fait rire aujourd’hui. Parce qu’à force de protéger l’erreur, on empêche la guérison.

Aujourd’hui, McTavish attend à Ottawa que son bras de fer contractuel se règle. Il aurait pu être à Brossard. Porter le 23. Mener le jeu de puissance. Libérer Suzuki. Changer le destin.

Mais Reinbacher… était intouchable.

Et dans tout ça, il y a Adam Engström. Le Suédois patineur, l’élégant défenseur gaucher qu’on voyait déjà faire la paire parfaite avec Reinbacher. Sur papier, c’était beau.

Sur la glace? Un désastre.

Les deux se gênaient au camp des recrues.. Se déstabilisaient. Engström compensait. Courait partout. Et à la fin, il a quitté la glace, furieux. Sans parler aux médias. La mâchoire crispée. Le regard noir.

Il y aurait même eu altercation dans le vestiaire.

Il ne le dira jamais, mais il tient Reinbacher responsable. Et il n’a pas tort.

Reinbacher ne s’est pas contenté d’être médiocre. Il a plombé son propre partenaire.

Même Pascal Vincent, d’ordinaire protecteur avec ses jeunes, n’a pu faire autrement que de livrer un diagnostic brutal :

« On voit qu’il manque de millage. Il a eu de bons flashs offensifs, mais défensivement, il y a du travail. »

Traduction? Il n’est pas prêt. Pas du tout.

Pas pour la LNH. Pas pour Laval. Peut-être même pas pour la AHL. Et pourtant, le kid n’a que 20 ans. Il a le gabarit. Il a l’intelligence. Mais tout s’effondre.

Pendant que Reinbacher doute, Michkov s’éclate. À Philadelphie, malgré la pression, malgré les soupçons d’arrogance, le Russe produit. Il marque. Il crée. Il fait vendre.

Et dans le cœur des fans du Canadien, chaque but de Michkov est une gifle.

Pourquoi pas lui?

La question reviendra toute la saison. Et pendant dix ans. Peut-être même vingt.

Parce que ce n’est pas juste un joueur qu’on a ignoré. C’est un avenir offensif. Une identité. Une étincelle.

Et à la place, on a un défenseur blessé, anxieux, qui craque en silence.

Pire encore, c’est le double standard médiatique. Michkov est scruté, critiqué, traité de bad boy colérique. Chaque geste mal interprété. Pendant ce temps, les médias québécois orchestrent un redressement d’image de Reinbacher.

On répète qu’il est « humble », « travaillant », « patient ».

Mais la vérité, c’est que le jeune homme est perdu. Et qu’il n’a plus confiance en lui.

Et cette dissonance médiatique est dangereuse. Parce qu’elle protège le DG, elle protège le narratif… mais elle n’aide pas Reinbacher.

Le plus tragique, c’est que Reinbacher n’a jamais parlé. Pas vraiment. Quelques phrases en anglais hésitant. Jamais une revendication. Jamais une plainte.

Juste le silence.

Un silence qu’on remplit de nos projections. De nos attentes. De nos regrets.

Et ce silence, il est devenu plus lourd que ses erreurs. Parce qu’il est perçu comme de l’indifférence. Comme de la faiblesse.

Mais peut-être que ce silence est sa seule protection.

Alors que le camp touche à sa fin, la situation est claire : Reinbacher ne fera pas l’équipe avant longtemps.

Il est en bas de la hiérarchie. Il doit aller à Laval. Et même là, il devra regagner sa place... après être passé à l'infirmerie...sa nouvelle maison...

Mais plus encore, il devra se battre contre lui-même.

Parce que ce n’est pas un adversaire qu’il affronte.

C’est un spectre. Celui de Michkov.

L’histoire de David Reinbacher, c’est celle d’un jeune homme qui paie le prix d’une décision qui ne lui appartenait pas.

C’est le drame d’un joueur qui n’a jamais été prêt à porter les espoirs d’un peuple.

C’est l’histoire d’un DG qui a misé sur la prudence au lieu du génie. D’un club qui a préféré l’harmonie médiatique au talent pur. Et qui, aujourd’hui, regarde les conséquences avec un regard vide.

Il n’y a pas de retour en arrière.

Il n’y a que l’avenir.

Et pour David Reinbacher, cet avenir commence maintenant. À Laval. En silence. Loin des projecteurs.

Mais même là, il n’échappera pas aux murmures. Aux comparaisons. Aux souvenirs.

Parce que le cinquième choix au total, à Montréal, ce n’est pas juste un rang. C’est une malédiction.