Il y a des décisions qui passent sous le radar, mais qui changent littéralement le destin d’une organisation.
Cet été, dans la chaleur suffocante d’un mois d’août où la LNH dort les yeux ouverts, une nouvelle improbable a traversé le monde du hockey comme un frisson : Evgeny Kuznetsov, autrefois champion de la Coupe Stanley et vedette des Capitals, pratique désormais dans une ligue de garage à Washington.
Oui, vous avez bien lu. L’ancien espoir flamboyant, celui qui devait soi-disant ressusciter une attaque en déroute, en est rendu à courir après la rondelle avec des joueurs de bureau qui retirent leur cravate avant de sauter sur la glace.
Et pendant ce temps-là, à Montréal, Kent Hughes peut pousser un soupir de soulagement: il a évité un fiasco monumental qui aurait pu hanter le Centre Bell pendant des années.
Parce qu’on va se le dire sans filtre : si le Canadien avait tenté le coup Kuznetsov, le retour de flamme aurait été violent.
Cet attaquant russe représentait le mirage parfait. Les nostalgiques rêvaient encore à ses feintes magiques aux côtés d’Alex Ovechkin, à ses célébrations d’oiseau qui faisaient lever les foules en séries, et à ses éclairs de génie qui pouvaient transformer un match en spectacle.
Mais la réalité derrière le vernis est crue : le gars traîne une réputation de « Party Boy » solidement ancrée, avec comme preuve immortelle cette fameuse vidéo dans une chambre d’hôtel.
Cette tache sur son image, impossible à effacer, a changé à jamais la perception qu’avaient de lui les équipes de la LNH.
Même ses statistiques respectables dans la KHL l’an dernier ne pouvaient masquer l’évidence : Kuznetsov n’est plus ce joueur explosif qui terrorisait les gardiens en 2018.
Le plus croustillant dans cette histoire, c’est que Montréal aurait pu tomber dans le panneau comme un débutant.
Dans une ville où la quête du fameux deuxième centre est devenue un soap opéra digne de District 31, chaque rumeur prend une ampleur disproportionnée.
Depuis trois ans, on voit passer des noms d’espoirs comme Owen Beck, des scénarios de transactions lunaires pour aller chercher un McTavish ou un Crosby, et même des fantasmes de sauvetage par des vétérans au bord de la retraite.
Kuznetsov représentait ce mirage doré : un champion libre, théoriquement capable d’illuminer le logo du CH de ses talents… avant de plomber l’équipe dans un marasme médiatique.
Parce qu’il faut se le dire : amener un électron libre de ce calibre dans un vestiaire encore en construction, c’est jouer à la roulette russe avec cinq balles dans le barillet.
Et la LNH est impitoyable pour ceux qui prennent des raccourcis.
Dans certains marchés, on pourrait se permettre d’offrir une dernière chance à un joueur controversé.
À Anaheim ou à Columbus, un petit buzz médiatique se dissipe vite. Mais à Montréal, chaque faux pas se transforme en drame national.
Chaque sortie ratée fait la une des réseaux sociaux, chaque absence d’effort est disséquée à la loupe, et chaque rumeur de sortie nocturne devient une bombe à retardement.
Imaginez le cirque médiatique si Kuznetsov avait débarqué et offert trois présences fantômes consécutives dès octobre.
Les partisans, déjà à fleur de peau, auraient hurlé à la catastrophe. Les chroniqueurs auraient sorti les fourches, et le vestiaire du CH se serait retrouvé à gérer un feuilleton au lieu de bâtir une équipe.
En laissant ce mirage passer, Kent Hughes a non seulement évité une erreur sportive, mais il a aussi préservé l’ADN de son projet.
Parce que la vérité, c’est qu’aucune équipe de la LNH n’a voulu prendre le risque. Même pas un essai professionnel. Rien. Nada. Zéro.
On parle d’un joueur qui, il y a quelques années à peine, soulevait la Coupe Stanley et faisait rêver chaque jeune joueur de hockey de la planète.
Aujourd’hui, il patine dans des arénas anonymes, casque croche, à peine reconnu par les spectateurs qui grignotent des chips sur les bancs en plastique.
Cette image dit tout : le gars est officiellement tombé de son piédestal.
Et pendant ce temps, la recherche du deuxième centre à Montréal continue comme un refrain obsédant.
La solution miracle ne se matérialisera pas d’un claquement de doigts.
Le processus est un marathon, pas un sprint. Miser sur un joueur comme Kuznetsov aurait été un signe de panique, une tentative désespérée de court-circuiter la reconstruction pour faire taire les impatients.
Hughes et Gorton ont choisi la patience, même si cela signifie endurer les critiques et les soupirs des partisans qui voient toujours ce poste vide comme un trou béant au centre du line-up.
Ce qu’il faut comprendre, c’est qu’en LNH, les victoires invisibles sont souvent les plus importantes.
Éviter un contrat toxique, c’est comme marquer un but gagnant qu’on ne verra jamais dans les faits saillants, mais qui sauve la saison en silence.
En 2025, le but gagnant de l’été appartient à Kent Hughes.
La preuve, elle patine quelque part dans une ligue de garage de Washington, loin des projecteurs, loin du stress du Centre Bell, loin de la moindre pertinence sportive.
Au fond, cette histoire est une leçon pour les partisans comme pour les dirigeants : les mirages séduisent, mais ils mènent toujours au désert.
Montréal a décidé d’avancer pas à pas vers l’oasis, plutôt que de courir après une illusion pour finir à genoux, assoiffé et ridiculisé.
Et quand la prochaine rumeur d’un joueur déchu viendra allumer l’imaginaire collectif, Hughes pourra hausser les épaules avec un petit sourire : « On a déjà vu ce film-là. Et on connaît la fin. »
Et si vous croisez Kuznetsov dans une ligue de garage cet hiver, rappelez-vous que le CH a esquivé la balle.
Une belle, grosse, brillante et toxique balle qui aurait explosé en plein vestiaire.
Montréal a fait le choix du long terme, et pour une fois, la patience a tout simplement sauvé la saison avant même qu’elle ne commence.
Amen