Le cri d'alarme est lancé à Montréal.
Un cri d’alarme étouffé dans une mer d’indifférence politique, de défaitisme institutionnel et de calculs comptables.
Ce que révèle Alexandre Pratt dans La Presse, c’est moins une chronique qu’un signal de détresse. Ce qu’il met en lumière, c’est un épisode, le refus de la Ville de Montréal d’investir 600 000 $ pour accueillir un simple camp de base de la Coupe du monde 2026, qui, en surface, semble anodin, mais qui, en vérité, incarne toute la fracture entre le CF Montréal, la MLS, et la métropole québécoise.
C’est le symbole d’une ville qui ne croit plus à son club. D’un club qui ne se sent plus désiré. Et d’un avenir qui se dessine, lentement, douloureusement, à l’ombre des gratte-ciel de Détroit.
La ville de Montréal avait une chance inouïe : accueillir le camp de base d’une sélection nationale durant la Coupe du monde. Pas un match. Pas des stades pleins. Juste l’équipe. Ses joueurs, son encadrement, ses familles. Trois semaines d’entraînements, d’hôtels, de restaurants, de rayonnement médiatique.
Trois semaines de soccer de haut niveau implanté au cœur de la métropole. Trois semaines d’occasions pour le CF Montréal de se coller à l’événement planétaire. Coût de l’opération pour la ville ? 600 000 $.
Trop cher, a dit Valérie Plante. Une somme que 62 autres villes ont jugée rentable. Mais Montréal, non. Ici, on préfère refuser. Se priver. Se retirer.
Pendant ce temps, Montréal paye 1 million de dollars... pour réparer un feu de circulation. Ou 14 millions de dollars... pour une piste cyclable...
On préfère enterrer les espoirs avant même de les formuler. Le refus est brutal, mais surtout révélateur : même une opportunité aussi légère, aussi accessible, aussi porteuse, ne trouve pas preneur chez les décideurs municipaux.
Une ville qui refuse d’investir 600 000 $ envoie un message clair : vous n’êtes pas les bienvenus.
Dans les bureaux de la MLS, cette décision n’est pas passée inaperçue. Charles Altchek, vice-président exécutif de la ligue, a été catégorique : à sa connaissance, Montréal est la seule ville à avoir dit non. Le seul club dont la municipalité n’a pas voulu collaborer.
Et pourtant, on parle ici d’un club qui mobilise 30 000 jeunes par année. D’une équipe professionnelle, d’un centre de formation, d’infrastructures parmi les meilleures en Amérique du Nord. Mais visiblement, cela ne suffit pas.
Quand la Ville refuse 600 000 $, elle refuse bien plus qu’un budget. Elle refuse une vision. Une ambition. Une existence. Elle dit au CF Montréal :
« Ce que vous représentez n’a pas suffisamment de valeur à nos yeux pour qu’on s’engage. »
Et dans cette absence d’engagement, les rumeurs se multiplient. Les mêmes qui ont précédé le départ des Expos. Les mêmes qui ont annoncé la fin des Nordiques. Une lente spirale d’indifférence, de fatigue, de résignation. Un propriétaire désabusé. Des médias qui s’acharnent. Une ville qui regarde ailleurs.
TVA Sports n’est pas n’importe qui. Jean-Charles Lajoie a une tribune. Une influence. Et lorsqu’il affirme, avec aplomb, que le CF Montréal est déjà sur la voie du départ, que Détroit a été identifiée comme destination prioritaire par la MLS, il ne s’agit plus d’une simple provocation.
C’est une hypothèse qui prend de l’ampleur. Qui devient plausible. Qui prend racine dans un terreau de découragement collectif.
Et Détroit, pendant ce temps, attend.
Détroit,... l’eldorado américain que la MLS convoite depuis des années...
Pendant que Montréal "choke" sa vie, Détroit, elle, se redresse. Jadis symbole du déclin industriel, la ville se transforme à vitesse grand V grâce à des milliards de dollars injectés dans la revitalisation urbaine. Deux groupes financiers se disputent déjà l’avenir sportif de la ville :
La famille Ilitch, propriétaire des Red Wings (NHL) et des Tigers (MLB), ancrée dans l’histoire locale.
Dan Gilbert, fondateur de Rocket Mortgage, qui possède les Cavaliers de Cleveland (NBA) et une bonne partie du centre-ville de Détroit via son empire immobilier.
Ils veulent une franchise MLS. Ils ont les arénas. Le Ford Field est prêt. Ils ont les terrains d’entraînement, les infrastructures, le pouvoir d’achat, et surtout : l’envie. Et la MLS le sait.
Pourquoi bâtir une 31e franchise quand on peut racheter un club qui dépérit?
C’est toute la stratégie évoquée par Lajoie, renforcée par les propos déprimés de Joey Saputo dans une entrevue italienne : le CF Montréal est sous-équipé, sous-financé, ignoré par ses élus, et boudé par une partie de son public. Une équipe idéale à transférer sans heurts. Sans opposition massive. Sans manifestation.
Car Montréal n’aime pas ses clubs quand ils vont mal. Montréal les oublie. Montréal les méprise. Jusqu’à ce qu’il soit trop tard.
Et quand on tente de regagner le cœur des partisans, comme l’a fait le CF Montréal avec sa lettre ouverte sincère et vulnérable, les chroniqueurs de Québécor y voient… une scène de rupture alcoolisée à 3 h du matin.
Cette comparaison, signée Jean-Nicolas Blanchet dans le Journal de Montréal, illustre à quel point le CF Montréal n’est plus seulement critiqué : il est méprisé.
En comparant la lettre ouverte du club à un « gars saoul qui revient de la taverne à 3 h du matin pour réveiller sa blonde et lui dire qu’il va changer », Blanchet insinue que le club a tellement accumulé d’échecs, de maladresses et de promesses non tenues, que ses tentatives de réconciliation sont perçues comme pathétiques, déconnectées et non crédibles.
C’est une image cruelle, brutale, mais surtout dangereusement efficace, car elle résume ce que ressent une partie de la population : une exaspération profonde, une fatigue émotionnelle, un rejet sans pitié.
Au lieu de saluer une démarche de transparence, on la tourne en dérision. Ce n’est plus un club qui cherche à réparer une relation, c’est un ivrogne qui dérange le sommeil d’une ville déjà passée à autre chose.
Joey Saputo, lui, ne fait plus semblant : il n’a plus la flamme. Il perd 20 millions $ par année. Il ne veut plus être le visage du club. Il veut, peut-être, tourner la page. Et qui le blâmerait?
Ses fils, Luca et Simone, ont pris la relève. Mais ont-ils le poids? L’influence? Le soutien municipal nécessaire? Rien n’est moins sûr.
Dans les faits, le club est piégé. Le stade Saputo n’a pas de terrain chauffé. Il n’appartient pas au club. Le calendrier hivernal de la MLS mettra le CF Montréal en compétition directe avec le CH pour les billets, les partenaires, la couverture médiatique. Et dans ce combat, le soccer perdra. Encore.
Et si la lettre du CF Montréal n’était pas un plaidoyer… mais un adieu voilé?
On aimerait croire à une rédemption. À une reconstruction. Mais les signaux sont trop clairs. Trop nombreux. Trop synchronisés.
Une ville qui refuse d’accueillir un camp de base.
Une mairesse absente lors des grands événements sportifs (parlez-en à la PGA et la Coupe des Présidents).
Des propos explicites de Joey Saputo qui sentent la fin.
Une masse salariale honteuse.
Une équipe sans vision, sans vedettes, sans ancrage.
Et surtout, un Détroit prêt à tout racheter.
La MLS, malgré ses déclarations rassurantes, n’attendra pas indéfiniment. Le processus d’expansion flotte toujours. Les fenêtres de vente s’ouvriront. Et dans ce contexte, le CF Montréal est une proie facile. Une équipe prête à être liquidée.
« Bye bye », a dit Saputo. Le mot est lancé.
Et dans quelques années, quand le club jouera son premier match sous un autre nom, dans une autre ville, sous d’autres couleurs… il sera trop tard pour se réveiller. Trop tard pour organiser une marche. Trop tard pour allumer les projecteurs.
La question n’est plus : le CF Montréal va-t-il déménager?
Mais : que faisons-nous pour empêcher que cela se produise?
Vivement que Valérie Plante débarrasse le plancher...