Il y a quelques mois à peine, tout le monde riait de Kyle Davidson. Le jeune directeur général des Blackhawks de Chicago semblait avoir commis l’erreur de sa carrière au repêchage 2024 en passant sur Ivan Demidov, l’attaquant russe le plus électrisant de sa génération, pour sélectionner un défenseur biélorusse encore méconnu : Artyom Levshunov.
L’indignation avait été instantanée. Les partisans criaient au désastre, les recruteurs parlaient d’un manque de vision et les comparaisons avec l’erreur Reinbacher–Michkov à Montréal se multipliaient. Même à Chicago, on murmurait que Davidson avait perdu le fil de sa reconstruction.
Mais voilà qu’en novembre 2025, le vent a complètement tourné.
Artyom Levshunov n’est plus le choix controversé qu’on critiquait. Il est devenu, en l’espace de quinze matchs, l’un des jeunes défenseurs les plus complets et dominants de la LNH.
Depuis qu’il a été promu sur la première unité du jeu de puissance, il s’impose comme un quart-arrière moderne : mobile, calme, précis et capable de dicter le rythme du match à lui seul.
Et pendant que Chicago aligne les victoires (huit gains, cinq revers et trois défaites en prolongation), l’organisation retrouve une identité.
Levshunov, à seulement 19 ans, joue maintenant près de 19 minutes par match. Il génère des points à un rythme de vétéran et dirige la relance avec un calme qui force le respect.
Depuis sa montée sur le PP1, le jeu de puissance des Hawks est en feu.
Jeff Blashill l’entraîneur-chef, a compris avant tout le monde : un talent brut, ça ne se freine pas, ça s’encadre.
Levshunov a cette capacité rare d’absorber la pression et de transformer chaque possession en opportunité. À Chicago, on ne lui demande pas d’être parfait, on lui demande d’être lui-même.
Connor Bedard, lui, a enfin trouvé son partenaire naturel à la ligne bleue. Ensemble, ils incarnent l’avenir de la franchise : un duo jeune, dynamique et intelligent, qui apprend à gagner ensemble.
Pendant que Chicago s’élève, Montréal s’enlise.
Et cette différence entre les deux philosophies saute aux yeux.
À Montréal, Ivan Demidov, pourtant meneur parmi les recrues de la LNH avec 13 points en 15 matchs, reste un joueur de fond de banc.
12 minutes et des poussières hier contre le Mammoth de l'Utah. Le seul qui a moins joué que lui est Joe Veleno.
Un chiffre qui défie toute logique sportive et statistique.
Demidov n’est pas seulement productif : il est l’un des meilleurs de la ligue dans les métriques avancées, avec un différentiel positif dans presque tous les contextes.
À cinq contre cinq, le Canadien domine lorsqu’il est sur la glace. Et pourtant, Martin St-Louis persiste à le limiter.
Le même Martin St-Louis qui, devant les caméras, explique que « le jeune doit encore apprendre à bien jouer sans la rondelle ».
Comme si le problème, c’était la créativité d’un génie offensif. Comme si l’on demandait à Picasso de peindre à l’intérieur des lignes.
Ce duel silencieux entre Levshunov et Demidov symbolise le choc entre deux visions du hockey moderne.
À Chicago, on fait confiance aux jeunes. On les place dans des rôles où ils peuvent se tromper, apprendre, grandir. On sait qu’un jeune talent a besoin de glace, de responsabilités et d’une marge d’erreur.
À Montréal, on exige la perfection avant la confiance. Les jeunes sont évalués sur leurs fautes, pas sur leurs éclairs de génie. C’est une mentalité de gestion héritée d’une autre époque, où l’on croyait qu’il fallait “endurcir” les joueurs au lieu de les propulser.
Levshunov, lui, n’a jamais eu besoin d’être “endurci”. Il a été préparé. Développé. Soutenu.
Et ça se voit.
Regardez ses dernières performances : passes transversales millimétrées, lectures défensives impeccables, participation constante à l’offensive. Il joue avec le relâchement d’un joueur qui sent la confiance de son entraîneur.
Pendant ce temps, à Montréal, Demidov marque malgré les obstacles. Chaque point qu’il récolte un poiny est un acte de résistance contre la rigidité de son coach.
Et quand on parle de rigidité, on est gentil. Car on pourrait utiliser un qualificatif beaucoup plus dur.
Artyom Levshunov a eu la liberté de s’exprimer, et Chicago récolte déjà les fruits de ce pari. Le jeune défenseur ne se contente pas de bien jouer : il influence le style collectif. Son calme, sa lecture du jeu et sa capacité à accélérer le tempo inspirent tout le vestiaire.
Jeff Blashill a compris une vérité fondamentale : les erreurs font partie du développement. Le coach préfère voir un jeune tenter un jeu risqué et échouer plutôt que de le voir jouer avec la peur. Cette philosophie explique pourquoi Levshunov semble progresser à une vitesse fulgurante.
Et c’est exactement ce qui manque à Montréal.
Martin St-Louis dit vouloir “éduquer” ses jeunes, mais ce qu’il fait réellement, c’est leur poser des bâtons dans les roues.
La course au Calder de Demidov est affectée par la méfiance de leur entraîneur.
La conséquence, c’est qu’à Montréal, le développement devient une punition.
À Chicago, il devient une opportunité.
Et si Ivan Demidov avait atterri à Chicago ?
La question circule un peu partout, et pas seulement à Montréal. Les observateurs neutres s’interrogent : avec Bedard au centre, imaginez Demidov, Il serait premier pointeur de la LNH au moment où l'on se parle.
Dans un autre univers, Demidov joue 20 minutes par soir, anime le premier avantage numérique, et devient le visage d’une franchise en renaissance.
Mais dans la réalité, il joue dix minutes et attend qu’un coach obsédé par les “détails” se décide à le laisser respirer.
À Montréal, on se prive volontairement d’un spectacle.
À Chicago, on le célèbre.
Ce qui rend ce revirement encore plus spectaculaire, c’est qu’il réhabilite totalement Kyle Davidson. Le DG ridiculisé est soudainement celui qui semble avoir mieux compris la direction du hockey moderne.
En misant sur Levshunov, il n’a pas simplement trouvé un défenseur : il a trouvé une pièce autour de laquelle bâtir.
Et c’est là que la comparaison devient cruelle pour Montréal.
Kent Hughes, pourtant brillant négociateur, se retrouve prisonnier d’un entraîneur qui semble toujours plus attaché à ses principes qu’à ses talents.
Il peut bien avoir repêché le bon joueur, encore faut-il savoir quoi en faire.
Le succès d’Artyom Levshunov n’est pas un miracle.
C’est le fruit d’une philosophie cohérente : donner les clés aux jeunes avant qu’ils les réclament.
Son éclosion rappelle que la confiance d’un entraîneur ne se mesure pas en discours, mais en minutes jouées.
Pendant que Chicago voit son futur se construire sous ses yeux, Montréal regarde le sien sécher sur le banc.
Et si la plus grande erreur du repêchage 2024 n’était pas le choix de Chicago…
Mais bien la façon dont Montréal gère le sien ?
En voyant comment Levshunov est traité... Demidov doit être tellement jaloux...
