Décision Montréal-Chicago-Anaheim: le CH perdant

Décision Montréal-Chicago-Anaheim: le CH perdant

Par David Garel le 2025-11-20

Le moment doit être difficile pour Ivan Demidov et se proches.

Il faut voir les réactions dans le monde des espoirs de la LNH pour comprendre à quel point la situation du prodige russe commence à faire jaser, non seulement à Montréal, mais surtout dans les marchés qui l’ont ignoré au repêchage de 2024.

Pendant que Martin St-Louis continue de le garder dans sa niche, "bumpé out" de la première unité d'avantage numérique, souvent protégé à cinq contre cinqm plusieurs observateurs russes affirment désormais que le jeune attaquant aurait peut-être dû passer une saison de plus en Russie, dans un contexte où il aurait reçu 20 à 22 minutes par soir, avantage numérique, désavantage, situations offensives clé, et un entraînement adapté à son développement.

Si l’argument semblait ridicule en octobre, il prend aujourd’hui de la force parce que la réalité saute aux yeux : Demidov est arrivé dans une organisation qui croit au talent, mais qui étouffe ce talent par prudence et par obsession défensive. 

Vous voulez freiner la progression d'un prodige? Passez un coup de téléphone à Martin St-Louis.

À l’inverse, à Anaheim, la situation est l’opposé parfait. Beckett Sennecke, repêché au 3e rang, un choix qui avait fait hurler les partisans à la Sphère de Vegas, reçoit 17 par match. On le met dans des situations où il peut apprendre, se tromper, recommencer, et dominer. On lui donne la rondelle en prolongation et en avantage numérique. On lui confie le filet vide quand le gardien est parti. On construit autour de lui, pas au-dessus de lui.

Les Ducks gagnent (4e au classement général), Sennecke produit, et plus personne ne rit du choix « choquant » de Martin Madden Jr., le boss du repêchage chez les Ducks.

Au contraire, ce choix est en train de réécrire l'histoire. Ce n’est plus une « folie analytique » ou un pari contre le consensus, c’est devenu un plan de développement assumé.

Et pendant que Montréal protège Demidov comme un enfant de porcelaine, Anaheim pousse Sennecke dans le monde des adultes... de la LNH.

Ce qui rend la situation encore plus explosive, c’est que du côté des Ducks, plusieurs voix internes laissent entendre que le club referait exactement les mêmes choix demain matin, même si Demidov était encore disponible au troisième rang.

Même chose pour les Blackhawks.

Car chez les Hawks, la comparaison fait aussi mal. Plusieurs journalistes avaient accusé Kyle Davidson d’avoir raté l’occasion historique de jumeler Demidov à Connor Bedard, comme si le choix logique était écrit d’avance.

Pourtant, c’est Artyom Levshunov qui a été appelé au podium au 2e rang au total, et force est d’admettre aujourd’hui que le pari tient parfaitement la route.

Le défenseur biélorusse est déjà utilisé comme défenseur droitier de première paire, jouant entre 18 et 22 minutes par match, dans toutes les situations.

La logique derrière ce choix est en train d’apparaître avec une clarté évidente : Chicago développe une structure autour de Bedard plutôt que de miser uniquement sur le spectaculaire.

Levshunov apporte la stabilité, la relance propre, la robustesse, l’intelligence défensive et la maturité physique qu’on exige d’un pilier de concession. Et il contribue offensivement avec 10 passes en 18 matchs.

Levshunov grandit dans le feu, contre les meilleurs trios adverses, soir après soir. Ce n’est pas une question de talent pur : c’est une question de développement assumé. Chicago a une vision claire de ce que son joueur doit devenir; Montréal semble encore hésiter à assumer ce que Demidov pourrait être.

Sennecke et Levshunov ne sont pas seulement de bons joueurs : il "fitent" avec leur ADN. Ce n’est pas une affaire de talent contre talent, c’est une affaire de structure versus improvisation.

À Montréal, cette même structure est en train de devenir une prison pour Demidov.

Parce que tant que Martin St-Louis ne lui donne pas 17 minutes, tant qu’il continuera de l’engager comme un ailier de « middle-six » qui doit prouver qu’il peut défendre avant de créer, Demidov ne pourra se faire justice.

C’est ce qui nourrit le discours, en Russie et ailleurs, que rester une saison de plus dans la KHL aurait été plus bénéfique. Là-bas, il aurait été la pierre angulaire. Ici, il doit se battre pour grignoter une présence supplémentaire de supériorité numérique.

Pendant ce temps, Montréal explique que Demidov « n’est pas prêt », qu’il apprend « sans la rondelle », qu’il doit « mériter » son temps de jeu. Mais à 19 ans, l’apprentissage passe aussi par la glace. On ne devient pas Nikita Kucherov en jouant des miettes sur l'avantage numéroque avec Brendan Gallagher.

On commence à croire que les Russes ont raison de dire qu’il a été amené trop tôt, trop encadré, trop limité. Pas parce qu’il n’est pas prêt… mais parce qu’on ne le laisse pas devenir ce qu’il peut être.