Frissons à Laval: David Reinbacher donne une entrevue à coeur ouvert

Frissons à Laval: David Reinbacher donne une entrevue à coeur ouvert

Par David Garel le 2025-12-11

Pendant que les projecteurs de la Place Bell inondaient la patinoire, dans un couloir sombre, loin du vacarme des estrades, David Reinbacher a livré à Nicolas Cloutier un témoignage rare, sans filtre, d’une honnêteté qui nous a donné des frissons dans le dos.

Une entrevue qui, pour ceux qui l’ont lue en entier, a provoqué une émotion, une claque au visage, un moment de recul nécessaire.

Parce qu’au-delà du statut de 5e choix au total, au-delà du débat Michkov  ou de ses statistiques dans la ligue américaine, il y a un garçon. Un jeune homme de 20 ans qui a souffert. En silence. Longtemps.

« Il y a eu des moments sombres, reconnaît Reinbacher. Tu finis par te dire : voyons, qu’est-ce qui se passe? »

Ce soupir, ces mots, viennent du cœur. Et ils résonnent comme le cri d’un joueur que plusieurs ont vite catégorisé comme un “flop” ou une erreur stratégique. Or, on oublie souvent que dans les entrailles de la haute performance, il y a aussi la vulnérabilité, l’isolement, la peur de ne pas être à la hauteur.

Depuis le jour de sa sélection par le Canadien en 2023, Reinbacher n’a jamais eu droit à une saison normale. Blessures récurrentes, critiques incessantes, pressions insoutenables.

Il a été victime de deux blessures aux genoux consécutives, dont l'une nécessitant une intervention chirurgicale importante. Le genre de blessure qui ne laisse pas seulement une trace sur le corps, mais aussi dans la tête.

Et comme si le destin s’acharnait, c’est lors d’un match préparatoire contre les Maple Leafs, le 30 septembre 2024, qu’il s’effondre à nouveau. Coïncidence cruelle : ce soir-là, un autre joueur s’écroule sur la même patinoire. Patrik Laine.

Deux carrières mises sur pause. Deux esprits secoués.

Ce qui aurait pu n’être qu’une double malédiction s’est transformé en début de guérison. Car c’est dans la douleur partagée que s’est nouée une amitié improbable entre la superstar finlandaise et le jeune défenseur autrichien.

« Il a été là pour moi, confie Reinbacher. Chaque jour, on était ensemble, les deux blessés. Je le respecte tellement comme personne. Il me lançait des blagues et s’assurait que je me bouge le c** et que je travaille. »

Laine, que plusieurs voyaient comme un joueur égoïste ou un homme distant, s’est révélé un véritable mentor dans l’ombre. Il a pris Reinbacher sous son aile, lui a partagé ses propres démons, ses rechutes, ses traversées du désert. Ce lien n’a rien d’anodin : il a contribué à faire renaître le jeune homme.

« Vous savez, il a lui aussi traversé beaucoup de choses. Il m’a raconté son histoire, m’a expliqué comment il surmontait les épreuves... »

Dans une organisation où la pression est omniprésente, et où les attentes démesurées étouffent parfois les joueurs avant même qu’ils aient joué un match, ce type de fraternité devient vital. C’est un rempart contre l’effondrement.

La “culture” selon Hughes : un pansement sur les plaies profondes

Kent Hughes, à ses débuts comme DG, avait exprimé un souhait clair : bâtir une culture saine, où les joueurs sont heureux de venir travailler, de se développer, de progresser. Reinbacher en est la preuve vivante. Malgré ses tourments, il a trouvé des alliés dans le vestiaire.

« Mike Matheson et tous les autres, ils s’assuraient chaque jour de m’arracher un sourire, de me lancer des plaisanteries pour m’insuffler un peu d’énergie. C’est en parlant aux entraîneurs, en parlant aux vétérans, que j’ai commencé à voir la lumière au bout du tunnel. »

Il y a quelque chose de profondément émouvant à l’idée que des joueurs aguerris comme Matheson, ou même des entraîneurs, aient décidé de s’impliquer humainement dans la reconstruction d’un jeune espoir malmené. C’est là que la culture prend tout son sens.

Mais l’amitié la plus touchante est celle entre Lane Hutson et David Reinbacher. Sur la glace, ils ont rapidement cliqué. Hors glace, c’est devenu une véritable "bromance".

« Lane et moi, on vit dans le même bâtiment, révèle Reinbacher. Si vous saviez, il fait des choses qui sont assez drôles... Il met toujours ses bouteilles vides sur ma voiture. Si j’ai le malheur de ne pas avoir barré mes portes, il va prendre les trucs dans mon char et mettre tout ça sens dessus dessous. »

Ces anecdotes, à première vue futiles, sont en réalité la preuve que Reinbacher a retrouvé un semblant de normalité. De légèreté. Lui qui portait sur ses épaules l’étiquette lourde de “choix controversé” respire enfin. Il vit. Il rit.

Même lorsque les horaires diffèrent, les deux se retrouvent pour souper ou sortir. Leur amitié est devenue un ancrage.

« On a une superbe relation, souligne Reinbacher. Parfois, c’est un peu plus embêtant parce qu’on n’a pas le même horaire, mais on est très proches. »

Et même s’ils ne forment pas encore une paire défensive officielle, le rêve est bien présent.

« J’espère qu’on va avoir une brillante carrière ensemble. »

Cette saison, David Reinbacher a disputé 15 matchs consécutifs. C’est peu, diront certains. Mais pour lui, c’est une victoire monumentale.

« Je me sens enfin comme un joueur de hockey normal, célèbre-t-il. Après chaque match, je suis heureux. De rentrer à la maison et aller à l’aréna, de répéter constamment le même manège, c’est un sentiment tellement satisfaisant. »

Il ne s’agit pas simplement de retrouver le rythme. Il s’agit de retrouver le sens.

On sent dans ses mots une reconnaissance sincère. Pour ceux qui l’ont aidé. Pour ceux qui l’ont attendu. Et même, paradoxalement, pour ceux qui l’ont critiqué, car il semble s’en être servi comme carburant.

Il fallait que Reinbacher parle. Il fallait que quelqu’un humanise enfin cette figure souvent moquée sur les réseaux sociaux. Parce qu’il n’est pas qu’un “choix à la place de Michkov”. Il est un garçon sensible, travailleur, résilient.

Et cette entrevue tombe à point. Alors que les rumeurs de transaction l’enveloppent de nouveau, alors que certains le voient comme une pièce de monnaie dans un échange pour Sidney Crosby, il rappelle que derrière chaque nom inscrit dans un alignement, il y a un cœur. Une histoire. Un combat.

Et si cette séquence de 15 matchs, ces confidences, ces amitiés, ces clins d’œil de la vie, étaient le début de la rédemption?

Et si David Reinbacher, après tout ce qu’il a traversé, redevenait ce qu’il n’a jamais cessé d’être au fond : un grand défenseur droitier, mobile, intelligent, fiable, capable de devenir le partenaire idéal d’un Lane Hutson à Montréal?

Et si, au lieu de l’enterrer sous les critiques, on lui laissait simplement… le temps?

Laissons les statistiques de côté. Écoutons. Comprenons. Ce n’est peut-être pas un futur Bobby Orr. Mais c’est un jeune homme courageux, lucide, loyal. Et ce matin, à Laval, il sourit. Ce sourire, après tout ce qu’il a vécu, vaut bien plus qu’un but ou une passe.

Et pour Kent Hughes, pour Martin St-Louis, pour tous ceux qui veulent bâtir autre chose à Montréal : c’est peut-être là que commence la vraie victoire.