En 2025-26, alors que les Canadiens de Montréal amorcent la dernière courbe de leur reconstruction, tout semble pointer vers un avenir brillant.
La brigade défensive est prometteuse. L’attaque est jeune, rapide, affamée. Et dans les coulisses, Jacob Fowler fascine tout le monde, même les adversaires.
Mais une rumeur tenace, une obsession médiatique, un sujet qui refuse de mourir est venu hanter les points de presse de Martin St-Louis : Samuel Montembeault.
Et cette semaine, l’entraîneur-chef a craqué.
Cela faisait plusieurs jours que les journalistes dans les corridors du complexe CN de Brossard le sentaient venir. À chaque mention du nom de Fowler, le visage de Martin se tendait. À chaque question sur Montembeault, ses réponses se faisaient plus sèches.
Mais après la plus récente défaite préparatoire du CH, un match horrible pour Montembeault, ponctué de sept buts contre l’équipe C des Maple Leafs, la question fatidique est revenue :
« Est-ce que Jacob Fowler pourrait commencer la saison à Montréal, compte tenu des difficultés de Samuel Montembeault? »
Martin St-Louis a levé les yeux au ciel, inspiré un long coup de vent silencieux, comme pour nous diret :
« Vous allez lui foutre la paix à un moment donné, Samuel? »
Silence dans la salle.
St-Louis devait avoir envie de dire: Vous pensez pas qu'il vous lit? Vous pensez pas qu’il a une famille, qu’il a des coéquipiers? Vous êtes là à monter des narratifs, des comparaisons, vous faites de Fowler un sauveur et vous traitez Samuel comme s’il était un poids mort. Moi je suis là tous les jours. C’est encore mon numéro un. C’est encore un excellent gardien.
Évidemment, St-Louis a été plus diplomate.
Dans une salle bondée, Martin St-Louis s’est figé.
La question venait de tomber, franche, directe, sans détour.
« Trouves-tu qu’on manque de respect à Samuel Montembeault ? »
Signée Marc De Foy. Un vétéran. Un journaliste respecté. Un homme qui sait choisir ses mots.
Et dans le regard du coach du Canadien, quelque chose a changé.
Un éclair de tension. Un soupir subtil. Une pause.
Puis une réponse, cinglante dans sa simplicité :
« J’peux pas croire qu’on accorde de la crédibilité à ça. »
C’était la première fois que Martin St-Louis craquait publiquement.
La première fois qu’il ne jouait pas la carte du rassembleur zen. Il était visiblement piqué. Lassé. Agacé par ce qu’il considère comme un manque de respect envers son gardien numéro un.
Et c’est à ce moment-là que tout le monde dans la salle a compris : les rumeurs ont franchi une ligne rouge.
En 2025-26, Samuel Montembeault s’apprête à entamer sa cinquième saison dans l’uniforme du CH.
Il est arrivé par la porte arrière, via le ballottage, comme un accident de parcours devenu indispensable. Il a volé des matchs. Il a porté une équipe en reconstruction. Il a fait vibrer le Centre Bell.
Il est devenu Olympien. Numéro un incontesté. Porte-drapeau d’un Québec qui rêve encore d’un gardien natif entre les poteaux de la Sainte-Flanelle.
Et pourtant.
Aujourd’hui, Montembeault n’est plus un symbole. Il est devenu un obstacle. Un nom en sursis. Un homme sur la corde raide. Un « gardien de transition », comme le soufflent certains analystes.
Et Martin St-Louis le sait. Tout comme lui, Montembeault sent le sol se dérober sous ses patins.
Tout a basculé lorsque Jacob Fowler a sauté sur la glace du Centre Bell.
À peine 20 ans. Calme comme la brise. Technique comme un moine zen. Aucune nervosité. Aucune erreur.
Il a bloqué. Il a dominé. Il a volé la fusillade.
Et le Centre Bell s’est mis à vibrer d’un chant nouveau : Fow-ler, Fow-ler...
Le vestiaire a senti la secousse. Montembeault aussi.
Car même s’il ne l’admettra jamais publiquement, il sait que son avenir ne tient plus qu’à un fil.
Dans son plus récent portrait du Canadien, The Athletic place Samuel Montembeault parmi les cinq meilleurs gardiens de la LNH, en termes de buts sauvés au-dessus de l’attendu.
Un chiffre impressionnant. Une reconnaissance analytique.
« Sa capacité à sauver son équipe est sérieusement sous-estimée. »
Et pourtant, dans les coulisses de la LNH, les autres DG le classent entre la 10e et la 15e place.
Pourquoi ? Parce que le hockey ne se joue pas uniquement avec des modèles mathématiques. Il se joue avec le cœur. Avec les perceptions. Avec les récits qu’on construit.
Et à Montréal, le récit s’écrit désormais au nom de Jacob Fowler.
Ce que Martin St-Louis déteste par-dessus tout, c’est perdre le contrôle du vestiaire émotionnel. Il veut des joueurs focus, pas des soldats traumatisés par les rumeurs sur les réseaux sociaux.
Mais à Montréal, il est impuissant. Il peut bien dire qu’il « n’accorde pas de crédibilité à ça »…
Le mal est fait.
La perception publique a déjà transformé Fowler en héritier. Et Montembeault en variable d’ajustement.
Et c’est cette impuissance-là que St-Louis a exposée involontairement devant les caméras. Sa nervosité n’était pas contre De Foy. Elle était contre la machine médiatique, contre le raz-de-marée de spéculations qu’il ne peut plus arrêter.
Les joueurs du CH sont solidaires de Montembeault.
Mais dans un monde où les vitrines, les comptes TikTok et les balados influencent le « momentum », le respect du vestiaire ne suffit plus.
D’autant plus que la hiérarchie chez les gardiens est un champ de mines :
Kaapo Kähkönen, vétéran signé pour jouer au numéro deux à Laval.
Jakub Dobeš, prêt pour la LNH, mais en tant qu'auxilliaire.
Jacob Fowler, en train de tout bousculer;
Samuel Montembeault, en fin de contrat dans deux ans… et sans clause de non-échange.
L’équation est simple : quelqu’un doit partir. Et ce ne sera pas Fowler.
Le marché s’active… et le CH écoute,
Dans ce contexte, les rumeurs d’échange prennent de l’ampleur.
Les Flyers de Philadelphie, en crise depuis l’affaire Carter Hart, cherchent un gardien fiable, sous contrat.
Les Oilers d’Edmonton, eux, vivent avec la peur de perdre McDavid si les résultats ne viennent pas. Montembeault coche toutes les cases.
Le Mammoth de l'Utah veut absolument trouver un gardien numéro un et André Tourigny adore Montembeault.
Et pendant ce temps, Kent Hughes écoute. Il ne veut pas perdre Montembeault pour rien. Il attend l’ouverture parfaite.
Le nom de Montembeault circule. De plus en plus.
Et dans le regard de Martin St-Louis, lors de sa réponse agacée, on lisait déjà la fin du chapitre.
L’ironie tragique d’un Québécois devenu sacrifiable
Le plus cruel dans tout ça ?
C’est que Samuel Montembeault est en train de subir le sort qu’il a tant représenté.
Le héros local. Le gardien du peuple. Le Québécois qui rallume la flamme.
Mais voilà que cette flamme a trouvé un nouveau visage.
Et c’est celui de Jacob Fowler. Le Price 2.0. L’Américain souriant, implacable, irrésistible.
Et peu importe ce que dit Martin St-Louis.
Peu importe les statistiques.
Peu importe les mérites.
À Montréal, l’histoire s’écrit plus vite qu’ailleurs.
Plus tôt dans la journée, The Athletic publiait une analyse cinglante : selon leur modèle analytique, Montembeault fait partie du top-5 des gardiens de la LNH en termes de « goals saved above expected » (buts sauvés au-delà des attentes).
« Sa capacité à voler des buts est l’une des plus sous-estimées de la ligue », écrit le site spécialisé.
Mais voilà, la perception locale, elle, est tout autre. À Montréal, les rumeurs sont devenues des vérités alternatives, et on a tôt fait d’oublier qu’après le 22 février dernier, Montembeault était… le gardien le plus victorieux de la LNH après Andrei Vasilevskiy.
Et pourtant, le moindre faux pas, comme son mauvais match contre Toronto, est vu comme une preuve irréfutable qu’il n’est plus l’homme de la situation.
C’est que Jacob Fowler n’est pas juste bon. Il est envoûtant. Chaque arrêt en échappée, chaque déplacement fluide, chaque sourire après un arrêt-choc renforce l’idée que le futur, c’est lui.
Et à Montréal, quand on voit le futur, on a tendance à vouloir l’installer tout de suite.
Mais cette précipitation dérange. Dans le vestiaire, certains vétérans sentent que l’arrivée de Fowler a perturbé l’ordre naturel des choses. Et St-Louis le sait. Il sent son vestiaire trembler.
« Jacob, c’est un super jeune homme. Il a énormément de talent. Mais je vais pas brûler un gars de 20 ans pour faire plaisir à Twitter » pense St-Louis dans sa tête.
Mais sur la toile, le vent est déchaîné. L’opinion publique se retourne contre le Québécois. On veut Fowler.. le plus vite possible..
« Si je commence à gérer l’équipe en fonction de ce que les gens veulent lire ou entendre, je vais finir par nuire aux gars. Et c’est là que je perds mon groupe. »
C’est une réalité crue : Martin St-Louis sait que le jour où il met Fowler devant Montembeault sans justification claire, il brise sa hiérarchie. Il expose son groupe à une guerre civile interne.
Le plus ironique? Même si les statistiques défendent Montembeault, même si The Athletic le classe dans l’élite, le public, lui, ne lui pardonne plus rien.
C’est la malédiction de Montréal. Quand un gardien québécois commence à s'effondrer, on le pousse plus vite vers la porte que s’il venait d’ailleurs.
Et ça, Martin St-Louis le sait mieux que personne.
La vérité, c’est que tout ce cirque autour de Montembeault révèle quelque chose de plus grave : le CH n’a toujours pas clarifié son plan pour les gardiens.
Samuel Montembeault a encore deux saisons à 3,15 M$ par année.
Kent Hughes ne veut pas le perdre pour rien… mais ne semble pas prêt à prolonger son contrat non plus.
Et dans ce vide, le bruit s’installe.
Dans une ville qui rêve de voir Jacob Fowler succéder à Carey Price, Martin St-Louis tente de réparer les pots cassés.
Il protège Montembeault, non pas parce qu’il est parfait, mais parce qu’il incarne la stabilité. Parce qu’il a payé le prix de la reconstruction. Parce qu’il a gagné ce filet.
Mais Montréal ne pardonne pas. Et Fowler est trop bon pour être ignoré.
La saison commence sous haute tension. Et si Martin St-Louis ne parvient pas à imposer sa vision des choses, ce ne sont pas les journalistes qui lui poseront des questions.
Ce seront ses propres joueurs.
Et là, il n’y aura plus de mur entre le bruit et le vestiaire.