C’est peut-être la nouvelle médiatique la plus lourde de sens de l’année, même si elle passe encore à demi-mot, au conditionnel : le Réseau des Sports (RDS) serait sur le point d’obtenir un nouveau contrat de diffusion pour les matchs du Canadien de Montréal à compter de la saison 2026-2027.
Une entente qui assurerait entre 40 et 50 matchs par saison, selon plusieurs sources bien informées. Mieux encore : tout indique que les séries éliminatoires reviendraient à RDS, pour la première fois depuis une décennie.
Un changement de cap monumental. Et surtout, une victoire éclatante pour Bell, qui, rappelons-le, est non seulement propriétaire de RDS, mais aussi partenaire commercial majeur du Canadien de Montréal.
Une alliance si étroite qu’on pourrait presque parler de symbiose stratégique entre Bell et Geoff Molson. Ce qui aurait évidemment lourdement pesé dans la balance au moment des négociations.
Mais cette victoire partielle cache une vérité plus inquiétante, voire tragique, pour l’écosystème médiatique francophone au Québec : TVA Sports est en train de mourir, et TVA tout court n’a probablement jamais été aussi près de l’effondrement.
Si l’annonce officielle de l’entente RDS n’a pas encore été faite, les murs de TVA Sports tremblent déjà. L’avenir ne tient plus qu’à un fil. Et pour certains, ce fil est déjà rompu.
On parle souvent du chiffre brut de 50 matchs, une réduction par rapport aux 60 parties annuelles que RDS diffusait autrefois, comme d’un recul.
Ce serait une erreur stratégique. En réalité, RDS retrouverait une portion stable et prestigieuse de la diffusion du Tricolore, avec la bénédiction du Canadien lui-même, qui ne cache plus son attachement à ses partenaires de longue date chez Bell.
Dans le fond, peu importe que ce soit 40, 45 ou 50 matchs. Ce qui importe, c’est que RDS survivrait à la renégociation post-2026.
Et mieux encore : avec le retour des séries éliminatoires, l’impact culturel et publicitaire de ces matchs effacerait largement la perte de quelques soirées en février contre les Coyotes.
Pour Bell, la manœuvre est brillante. Non seulement RDS conserve une présence hockey majeure, mais Crave, l’autre pilier du groupe, hériterait de plusieurs matchs exclusifs.
Et dans un avenir pas si lointain, Amazon Prime Video pourrait venir compléter l’offre, grâce à une sous-licence technologique ou même commerciale, dans un format de plus en plus prisé par la LNH.
RDS, Crave, Amazon… et TVA reléguée... dans la cave...
Si la tendance se maintient, TVA Sports n’aura rien. Absolument rien. Rien sauf, peut-être, quelques miettes de diffusion en différé ou une permission exceptionnelle de mettre un ou deux matchs du samedi soir sur le réseau TVA généraliste. Et encore là, rien n’est garanti.
En fait, l’entente de 11 milliards de dollars entre Rogers et la LNH, valide jusqu’en 2038, a complètement fermé la porte à toute diffusion francophone indépendante.
Rogers possède les droits nationaux, Sportsnet gère le produit de base, et toute autre diffusion passe par des sous-licencesqui coûtent la lune.
Pierre Karl Péladeau l’avait déjà dit.
Lors de l’assemblée annuelle des actionnaires, Pierre Karl Péladeau a employé une expression qui en dit long sur l’état désespéré de TVA Sports :
« Il ne faut pas continuer à investir de l’argent sain dans une entreprise déficitaire. TVA Sports est actuellement dans une telle situation. Nous ne pouvons pas continuer à jeter de l’argent sain après de l’argent perdu. »
Cette déclaration, lancée d’un ton sec et sans appel, a fait frissonner bien des employés et des observateurs de l’industrie.
Ce n’était pas une simple mise en garde : c’était un constat d’échec. Pour la première fois, le grand patron de Québecor admettait publiquement que la survie même de TVA Sports était en question, et que le modèle n’était plus viable.
Derrière cette phrase d’apparence comptable se cache une vérité brutale : même Pierre Karl Péladeau, passionné de sport et défenseur acharné des médias francophones, semble désormais résigné.
TVA Sports est devenu un gouffre financier, et l’homme d’affaires refuse désormais d’y engloutir des millions supplémentaires sans perspective de retour.
C’est peut-être le début de la fin, pas seulement pour une chaîne sportive, mais pour tout un pan du journalisme télévisé québécois.
Il savait. Il voyait l’impasse. Mais il ne veut pas encore avouer qu'il abandonne. Par désir de grandeur médiatique.
Mais il faut être fou pour ne pas voir la défaite existentielle de TVA Sports.
Dans les couloirs de Québecor, on le dit à voix basse, mais la date d’expiration de TVA Sports est fixée à l’été 2026.Fin du contrat. Fin des illusions. Fin de la chaîne.
La défaite face à RDS n’est pas que symbolique. Elle enlève à TVA Sports toute pertinence. Pourquoi garder une station spécialisée en sport si elle n’a plus les droits de la LNH?
Si elle ne peut plus concurrencer ni sur les séries, ni sur les samedis soirs?
Sans hockey, TVA Sports devient une coquille vide. Un trou financier. Un fardeau dans les états financiers de Québecor. Et pourtant, TVA Sports a coûté entre 230 et 300 millions de dollars de pertes cumulées depuis sa création.Une hécatombe.
Et si le problème allait encore plus loin? Car la vérité, c’est que le naufrage dépasse largement le sport. Le Groupe TVA dans son ensemble est en train de s’effondrer.
Au dernier trimestre, TVA a perdu 4,7 millions de dollars. Une perte nette en hausse de 60 % par rapport à l’an dernier.
Les revenus ont chuté de 10 %, les parts de marché sont en chute libre. Le nombre de téléspectateurs sur l’ensemble de la journée, en avril et en mai, a baissé de 13 %. La télévision traditionnelle s’effondre, et TVA avec elle.
Pendant que Québecor licencie 650 employés, ferme des divisions, et parle d’un plan de fermeture éventuelle de TVA, Bell, lui, consolide.
Grâce à cette nouvelle entente, Bell garde la main sur le hockey francophone, via RDS. Et Crave s’installe comme la destination naturelle pour les diffusions en streaming, rejoignant le mouvement mondial dominé par Disney+, Apple TV, Amazon et Netflix.
Même si RDS aura moins de matchs, elle aura les bons matchs. Ceux qui comptent. Ceux qui génèrent des codes d’écoute et des revenus. Et surtout : elle aura les séries. TVA Sports n’aura que ses souvenirs.
Pierre Karl Péladeau peut encore espérer gratter quelques samedis soirs sur le réseau TVA. Une permission de Rogers? Un acte de pitié stratégique? Rien n’est impossible, mais tout est improbable.
Et même si TVA Sports obtenait quelques parties, comment rivaliser avec Crave, Amazon et RDS? Comment séduire les téléspectateurs avec des restes, quand les autres auront le festin?
C’est peut-être ça, le plus triste : TVA Sports n’a pas simplement perdu un contrat. Elle a perdu sa mission. Elle n’a plus de raison d’exister. Et avec elle, c’est une part de la télévision francophone qui s’éteint.
La seule chaîne qui, à défaut d’être parfaite, avait osé bousculer l’ordre établi, ose maintenant regarder la mort dans les yeux.
Et dans ce contexte, l’annonce à venir d’une entente Bell-RDS-Crave n’est pas seulement une victoire commerciale. C'est l'annonce de la plus grande défaite de l'histoire pour Pierre-Karl Péladeau.
Même si tout cela demeure au conditionnel, le bruit de fond se fait entendre partout. RDS s’en sort avec les honneurs. Bell consolide son emprise. Crave prépare l’avenir. Amazon entre dans la danse.
Pendant ce temps, TVA Sports agonise, et TVA attend son tour.
Et dans cette bataille médiatique, ce ne sont pas seulement des droits qui sont en jeu. C’est notre télévision francophone. Notre miroir collectif. Notre mémoire culturelle.
Si TVA disparaît, ce n’est pas juste un canal qui ferme. C’est une époque qui se termine. Et ce sera alors à RDS, à Crave… et à nous tous de décider si on veut encore croire à une télé d’ici, par nous, pour nous.