Controverse à Philadelphie: Matvei Michkov a trop parlé

Controverse à Philadelphie: Matvei Michkov a trop parlé

Par David Garel le 2025-07-21

C’est désormais clair : Matvei Michkov n’a jamais été destiné à porter l’uniforme du Canadien de Montréal.

Pas pour des raisons de talent, il en déborde. Pas pour des raisons politiques. Après les tensions russo-occidentales n’ont jamais effrayé Kent Hughes quand on voit tous les Russes sélectionnés par le CH (Ivan Demidov, Alexander Xharovsky).

Mais bien pour une raison de fond, une raison culturelle, identitaire, viscérale : Michkov déteste le « dump and chase », cette approche pourtant sacrée dans l’univers de Martin St-Louis.

Et à Montréal, quand Martin ne veut pas de toi, tu ne passes pas la porte.

Dans une récente entrevue qui a fait grincer bien des dents au sein de la Ligue nationale, le jeune prodige russe a lâché une bombe en affirmant ne pas croire à cette stratégie pourtant fondamentale pour plusieurs équipes gagnantes de la dernière décennie.

Il l’a dit sans filtre, sans nuance, sans respect apparent pour les codes nord-américains :

« Je préfère transporter la rondelle sous contrôle, faire une passe propre et entrer en zone avec possession. Si tu la dumpes, tu dois aller te battre pour la récupérer… D’abord, il n’y a aucune garantie que tu vas la reprendre. Ensuite, c’est un hockey épuisant. Tu brûles tellement d’énergie à te battre pour la rondelle qu’il ne t’en reste plus pour l’attaque. »

Voilà. Tout est dit.

Michkov ne veut pas se battre pour la rondelle. Il ne veut pas l’abandonner dans un coin pour ensuite aller la chercher à l’usure.

Il ne veut pas faire partie de ce hockey de tranchée, de sueur, de sacrifice. Il ne veut pas se salir les mains. Il veut briller. Il veut créer. Il veut épater la galerie.

Et c’est exactement ce que Martin St-Louis déteste.

Quand le nom de Michkov a glissé entre les doigts du Canadien au repêchage de 2023, plusieurs partisans ont crié à l’erreur historique.

Le CH avait besoin d’un marqueur, d’un joueur élite, d’un dynamiteur offensif. Et voilà qu’on laissait filer un prodige russe qui avait inscrit plus de points que Kucherov à 17 ans dans la KHL.

Mais aujourd’hui, les paroles de Michkov confirment une chose : Montréal ne l’a pas rejeté pour ce qu’il est, mais pour ce qu’il n’est pas.

Il n’est pas un joueur « buy-in ». Il n’est pas un guerrier à la Brendan Gallagher. Il n’est pas un leader silencieux à la Suzuki.

Il est un artiste, un funambule, un Youtubeur en puissance. Et ce genre de joueur ne fait pas partie de la culture que Martin Saint-Louis tente d’instaurer depuis qu’il a mis les pieds derrière le banc.

On se souvient de ce que Martin disait en conférence de presse l’hiver dernier :

« Ce que je veux, ce sont des joueurs qui sont engagés. Qui travaillent sans rondelle. Qui respectent le jeu. Pas des gars qui veulent voler le show. »

Ça aurait pu être écrit pour Michkov.

Depuis le repêchage, tout le monde critique Kent Hughes et Jeff Gorton pour avoir passé leur tour sur Michkov. On les accuse d’avoir manqué de courage. De vision. De flair.

Mais selon ce qu’on apprend dans les coulisses, c’est Martin St-Louis qui aurait mis son veto. Il n’a jamais vu Michkov fitter dans son vestiaire. Ni dans son système. Ni dans son cœur.

Et on peut difficilement lui donner tort aujourd’hui.

Le hockey nord-américain est rude. Les séries sont une guerre... de "dump and chase".

Les Panthers ont gagné deux Coupes Stanley avec du "dump and chase", avec du "forecheck" lourd, avec des gars qui mangent les bandes et se jettent devant les tirs.

Est-ce que Michkov est prêt à faire ça? La réponse, c’est non. Et il l’admet lui-même.

« Je veux garder la rondelle. Je ne veux pas la donner. »

C’est "cute" en théorie. Mais sur une patinoire de LNH, plus petite que celle en Russie, avec des défenseurs comme Jaccob Slavin, Charlie McAvoy ou Moritz Seider qui ferment la porte plus vite qu’un agent d’impôt, ça ne passe pas.

Et Martin le savait.

Trevor Zegras est un autre joueur que Saint-Louis ne voulait pas. Oui, Zegras était disponible. Oui, il était ami avec Cole Caufield. Oui, il aurait pu donner un boost à l’avantage numérique. Mais Martin St-Louis n’y croyait pas.

Zegras aussi est allergique au "dump and chase". Zegras aussi veut épater. Zegras aussi parle plus souvent de Michigan Goals que de shot blocks.

Et on connaît la suite : le CH n’a même pas tenté de surenchérir sur l’offre ridicule des Flyers pour l’obtenir. Parce que Saint-Louis avait déjà tiré un trait sur lui.

Ce qui est encore plus savoureux, c’est que Michkov et Zegras sont maintenant réunis à Philadelphie. Un duo de joueurs « fancy », au flair spectaculaire, dans une ville qui crache pourtant sur ce style depuis des décennies.

Les Flyers ont bâti leur réputation sur le "grit", le "grind", les Broad Street Bullies. Et voilà qu’ils misent sur deux joueurs qui méprisent le dump and chase.

Rick Tocchet, l’entraîneur-chef, n’est pas reconnu pour sa tendresse. Il va les brasser. Il va leur demander de bloquer des tirs. De terminer leurs mises en échec. Et à voir les propos de Michkov, la friction est inévitable.

Parce que si tu ne veux pas aller chercher la rondelle… tu ne verras pas beaucoup de glace sous Tocchet.

Pendant ce temps, à Montréal, Martin St-Louis investit sur des joueurs qui ne font pas de bruit. Qui ne sortent pas des clips viraux. Mais qui adhèrent au système. Qui acceptent de se battre dans les coins. Qui respectent les consignes.

Le Canadien ne sera peut-être pas l’équipe la plus spectaculaire cette année. Mais elle sera structurée. Elle travaillera. 

Et ça, pour Saint-Louis, c’est plus important qu’un "Michigan Goal" en décembre.

En avouant publiquement qu’il n’aime pas le "dump and chase", Michkov vient de faire involontairement le plus grand service à Kent Hughes, Jeff Gorton et Martin St-Louis. Il vient de justifier leur choix.

On comprend maintenant pourquoi ce joueur, pourtant bourré de talent, n’a jamais été considéré sérieusement par le CH.

Parce que le Canadien est en train de bâtir une culture. Et dans cette culture-là, la possession de rondelle est un outil, pas une fin en soi. L’effort est une religion. Le sacrifice est primordial. Et le respect du jeu est non négociable.

Michkov n’a jamais voulu jouer de cette façon. Zegras non plus.

Et c’est pourquoi ni l’un ni l’autre ne feront jamais partie de cette équipe. Peu importe les points. Peu importe les "highlights."

À Montréal, le show, c’est le système. Et Martin Saint-Louis en est le metteur en scène.