Contrat à Montréal: Kirill Kaprizov fait jaser

Contrat à Montréal: Kirill Kaprizov fait jaser

Par David Garel le 2025-08-24

Le bras de fer Hutson-Hughes est devenu. un choc de générations et de dollars

Une guerre froide au Centre Bell.

Il y a des négociations contractuelles qui se déroulent dans l’ombre, discrètement, et qui débouchent rapidement sur une entente logique.

Et il y a des guerres ouvertes, idéologiques, où chaque dollar devient une arme, où chaque mot en coulisse est calculé comme une manœuvre politique. Le dossier Lane Hutson appartient à cette deuxième catégorie.

À 21 ans seulement, Hutson est déjà devenu le visage de l’avenir du Canadien de Montréal. Il a remporté le trophée Calder, terminé 7e meilleur pointeur parmi les défenseurs de toute la LNH, et redonné au public du Centre Bell le frisson d’avoir un quart-arrière offensif digne des grands soirs.

Mais voilà : son talent, aussi flamboyant soit-il, est aujourd’hui l’objet d’une confrontation brutale entre deux visions du hockey moderne.

D’un côté, Kent Hughes, directeur général méticuleux, qui protège sa hiérarchie salariale comme un coffre-fort. De l’autre, Sean Coffey, agent redouté, qui a vu l’explosion du plafond salarial et les nouveaux contrats astronomiques de ses comparables, et qui veut que son client soit payé en conséquence.

La goutte qui a fait déborder le vase est venue de l’offre jugée « insultante » du Canadien : 8,5 millions de dollars par année sur 8 ans.

Aux yeux de Coffey, c’est un manque de respect. Pourquoi? Parce que dans sa logique, on ne doit pas regarder uniquement le salaire brut, mais bien le pourcentage de la masse salariale.

Un contrat de 8,5 M$ sur un plafond à 95 M$ représente environ 8,9 %. Or, dès l’an prochain, le plafond grimpera à 104 M$, et ce même contrat équivaudrait à 9,2 M$ en valeur relative.

Problème : même ce calcul ne suffit pas à satisfaire Coffey. Pour lui, Hutson doit atteindre au minimum 9,5 M$, soit le même salaire que Noah Dobson, devenu le joueur le mieux payé du CH à son arrivée.

Et au fond, ce que Coffey veut réellement, c’est 10 M$ par saison, pour inscrire Hutson dans l’histoire comme le premier joueur actif du Canadien à franchir ce cap symbolique.

Face à cette escalade, Kent Hughes n’est plus seul. Jeff Gorton, d’ordinaire réservé aux transactions et aux grands chantiers, est lui-même monté au front. Sa sortie publique, sans nommer Coffey, visait clairement à dénoncer la logique des agents :

« Les agents, ils adorent ça, les pourcentages. Le plafond monte, et c’est le pourcentage, le pourcentage, le pourcentage. Mais ils n’ont pas à gérer une équipe. Ils ne comprennent pas ce que ça fait, un joueur qui entre dans la pièce avec un salaire beaucoup plus élevé qu’un autre qui est meilleur que lui. Ce n’est pas juste une question de chiffres. C’est réel. »

Le message est limpide : Gorton refuse de casser la hiérarchie salariale. Donner 10 M$ à un défenseur de 21 ans, sans expérience en séries éliminatoires, serait une bombe dans le vestiaire.

Cela placerait Hutson devant Nick Suzuki (7,875 M$), Cole Caufield (7,85 M$) et Juraj Slafkovsky (7,6 M$), trois joueurs qui ont volontairement accepté des contrats à rabais pour préserver l’équilibre.

Pour Gorton, c’est une question de philosophie : le Canadien bâtit sur l’unité, pas sur les égos.

Mais Sean Coffey n’en démord pas. Dans son esprit, Lane Hutson est à mettre dans la même catégorie que les joueurs qui redéfinissent le marché. Il se compare ouvertement à Kirill Kaprizov.

Rappelons les faits : en 2021, Kaprizov refuse un contrat de 8 ans au Minnesota. Il signe plutôt un pont de 5 ans à 9 M$ par saison. Résultat : quatre ans plus tard, il est sur le point de parapher une entente de 8 ans à 15 M$ par saison avec le Wild.

Un coup de circuit, une stratégie payante qui le propulse au rang de joueur le mieux payé de la LNH avec Connor McDavid.

Et c’est précisément ce que Coffey veut pour Hutson : soit un contrat de 10 M$ sur 8 ans, soit un contrat-pont qui lui permettrait de renégocier dans quatre ans… au moment où le plafond aura explosé au-delà de 113 M$. Dans cette hypothèse, Hutson pourrait alors viser 14, 15, voire 16 M$ par saison.

En clair, Coffey veut que son joueur devienne le Kaprizov de la ligne bleue.

Pendant que RG Media rapportait que « les discussions allaient bien », un autre journaliste de poids a refroidi l’ambiance : Frank Seravalli.

Selon lui, il n’y a aucun progrès réel. Les premiers pourparlers ont bien eu lieu, mais les positions sont figées : Hughes n’offre pas plus que 9-9,5 M$, Coffey ne descend pas sous 9,5-10 M$.

Et ce blocage commence à inquiéter. Car l’échéance approche : selon la convention collective actuelle, 2025 est la dernière année pour offrir un contrat de 8 ans à un joueur sous contrat d’entrée. Dès 2026, ce sera maximum 7 ans. Si Hutson ne signe pas cet été, le CH perd un avantage crucial.

Le timing est d’autant plus cruel que le marché vient d’être redéfini par un autre défenseur offensif : Evan Bouchard.

À Edmonton, Bouchard a signé 4 ans à 10,5 M$ par saison. Une entente courte, massive, qui confirme la nouvelle tendance : les jeunes étoiles veulent désormais miser sur elles-mêmes et renégocier au sommet de leur valeur.

Pour Coffey, c’est une bénédiction. Si Bouchard touche 10,5 M$, pourquoi pas Hutson, qui a été plus spectaculaire dès sa saison recrue?

Au-delà des chiffres, il y a l’aspect humain. Hutson n’est pas seul. Dans la chambre, Suzuki, Caufield et Slafkovsky observent attentivement. Eux ont sacrifié des millions pour aider le club à bâtir. Et maintenant, ils voient Hutson, plus jeune, exiger le double.

Cela crée une pression silencieuse. Pas sur Hughes. Pas sur Coffey. Mais directement sur Hutson. Car si le jeune défenseur accepte moins, il trahit son agent. S’il accepte plus, il trahit ses frères d’armes.

C’est le paradoxe cruel du sport moderne : l’argent divise même quand l’amitié unit.

Pour Kent Hughes, le scénario est clair : s’il cède aujourd’hui à Coffey, il ouvre une brèche. Demain, ce sera Ivan Demidov qui demandera 11 ou 12 M$. Après-demain, ce sera Kaiden Guhle. Et à long terme, c’est toute la stratégie salariale du Canadien qui s’effondre.

Mais s’il refuse, il risque le pire : que Hutson signe un pont, puis quitte Montréal au sommet de sa gloire. Et dans ce cas, Hughes deviendrait le DG qui a laissé filer le défenseur le plus talentueux depuis Larry Robinson.

Aujourd’hui, le dossier Hutson est gelé. Pas de mouvement, pas de compromis, pas de fumée blanche. Et ce silence est peut-être la nouvelle la plus inquiétante de toutes.

Car plus les jours passent, plus Coffey prend du levier. Plus Hughes est acculé au mur. Et plus la pression médiatique s’accroît.

Dans cette guerre de chiffres, il n’y a qu’une certitude : le prochain contrat de Lane Hutson sera un point de bascule historique pour le Canadien de Montréal.

Lane Hutson n’est pas seulement un phénomène sur la glace. Il est devenu le symbole d’une bataille idéologique qui dépasse largement ses 66 points de recrue.

D’un côté, Kent Hughes et Jeff Gorton, gardiens d’une hiérarchie, d’un équilibre fragile, d’une philosophie d’équipe. De l’autre, Sean Coffey, stratège requin, qui rêve de transformer Hutson en Kaprizov de la défensive.

Et au milieu, un jeune joueur de 21 ans, pris dans un étau où chaque décision pèsera sur sa carrière, sur son vestiaire, et sur l’avenir du Canadien.

Si Hutson signe à 9,5 M$, Hughes sauve sa structure.

S’il signe à 10 ou plus, Coffey gagne la guerre.

S’il signe un pont, Montréal tremblera dans quatre ans.

Quoi qu’il arrive, une chose est sûre : ce dossier est déjà le plus explosif de l’ère Hughes-Gorton.