La présidente du secteur sports et divertissement du Groupe CH a parlé.
Et ce qu’elle a dit, entre les lignes, résonne comme la détonation d’une bombe médiatique. France-Margaret Bélanger est sortie de son silence au sujet de l’avenir des droits de diffusion du Canadien de Montréal à compter de 2026.
Et si certains espéraient un souffle d’optimisme pour TVA Sports, ils doivent aujourd’hui ravaler leur naïveté. Ce n’est pas un simple discours. C’est une sentence. L’heure des illusions est terminée : TVA Sports n’aura plus rien. Au mieux, des miettes. Au pire, le néant.
« Je n’ai pas d’annonce à faire aujourd’hui, mais je suis confiante qu’on aura de très bonnes nouvelles bientôt », a déclaré Mme Bélanger, devant une salle remplie d’hommes et de femmes d’affaires.
Derrière le ton doux, les mots choisis, et l’absence volontaire de détails, tout est déjà dit. Les “bonnes nouvelles” qu’elle promet ne le sont pas pour Québecor. Elles sont pour Habs TV, Bell. Pour Crave. Pour Amazon. Pour Apple peut-être. Mais certainement pas pour TVA Sports.
Ce n’est pas un hasard si France-Margaret Bélanger a choisi un parterre d’affaires, et non une conférence de presse sportive, pour glisser ces phrases assassines.
Son auditoire n’était pas composé de partisans en colère ni de journalistes sportifs avides de primeurs. Elle s’adressait aux investisseurs, aux stratèges, aux partenaires financiers qui savent décoder les signaux. Et quel signal!
Elle a martelé une vérité que tout le monde connaît mais que personne n’osait formuler avec autant de transparence :
« Le sport ne se regarde plus seulement à la télévision. Il se lit sur les médias sociaux, à travers les plateformes numériques ou par des expériences immersives. Il est donc primordial pour nous de rejoindre ces partisans et de développer nos propres plateformes au-delà du Centre Bell et de la télévision traditionnelle. »
Depuis des mois, le bruit court. Une plateforme maison, estampillée Groupe CH, allait voir le jour. On parlait d’un “HABS-TV”, clin d’œil assumé aux grands réseaux sportifs américains. Jusqu’ici, ce n’était qu’une rumeur. Aujourd’hui, ce n’est plus une rumeur : c’est une quasi-confirmation.
Quand France-Margaret Bélanger affirme que le Canadien doit “développer ses propres plateformes au-delà de la télévision traditionnelle”, elle ne fait pas de la poésie corporative. Elle annonce un basculement concret : le Canadien va diffuser lui-même ses matchs, en partenariat avec des géants comme Amazon Prime Video, Crave ou même Apple TV+.
La preuve? Les chiffres qu’elle a exhibés comme des trophées :
5,2 millions d’abonnés aux plateformes numériques du CH.
170 millions de visionnements de contenu la saison dernière.
900 millions d’impressions générées.
Et surtout : le succès de la série La reconstruction, diffusée sur Crave, qui aurait été le contenu le plus performant de la plateforme.
C’est un aveu à peine voilé : Bell est déjà dans la place. Crave a déjà testé le terrain. Amazon guette. Apple rôde. TVA, lui, reste sur le trottoir.
Les murmures sont devenus des certitudes : RDS, longtemps humilié par la perte des droits nationaux au profit de TVA Sports en 2014, va retrouver son trône en 2026.
Selon plusieurs sources, RDS diffusera entre 40 et 50 matchs du Canadien chaque saison. Mais le véritable triomphe réside ailleurs : les séries éliminatoires reviendront à RDS.
Ce détail change tout. Car les séries, ce sont les codes d’écoute massifs. Les revenus publicitaires colossaux. L’impact culturel. L’effet rassembleur. TVA Sports avait bâti son identité sur les samedis soirs et les séries. Privée de ça, la chaîne de Québecor devient une coquille vide.
Comme l’écrit un analyste : peu importe que ce soit 40, 45 ou 50 matchs. Ce qui compte, c’est que RDS survit. TVA, non.
Bell Média a un plan. Et il est implacable.
RDS garde le volet télé linéaire, l’ancrage traditionnel pour un public encore attaché au câble.
Crave, plateforme de streaming de Bell, hérite de plusieurs matchs exclusifs, en direct.
Amazon Prime Video arrive comme partenaire stratégique, capable de financer une partie du contrat pharaonique et de donner une portée mondiale.
Apple TV+ reste attentif.
Dans ce triangle Bell-Amazon-Apple, il n’y a tout simplement pas de place pour TVA Sports. Québecor n’a pas les moyens. Pas la technologie. Pas l’alliance.
Le scénario le plus cynique prend forme : TVA Sports ne sera pas totalement écarté. Pas par respect. Pas par équité. Mais par stratégie de communication.
Le Canadien de Montréal, soucieux d’occuper tous les espaces médiatiques possibles, ne veut pas voir disparaître un diffuseur qui, malgré ses échecs, a contribué à maintenir la conversation quotidienne autour de l’équipe.
Alors, selon plusieurs sources, TVA Sports recevra peut-être quelques matchs. Une poignée de parties sans grand prestige, quelques samedis soirs en saison régulière, histoire de dire que la chaîne existe encore. Des miettes. Rien de plus.
Mais quelle ironie cruelle : la survie de TVA Sports ne tiendrait plus qu’à des restes gracieusement abandonnés par Bell et Rogers.
Une charité médiatique, une pitié stratégique destinée non pas à sauver une chaîne, mais à préserver la présence du Canadien dans le plus de foyers possible.
C’est la logique du “mieux vaut un diffuseur agonisant qu’aucun diffuseur du tout”. TVA Sports deviendrait alors un fantôme, une coquille vide, maintenue en vie artificiellement pour que le CH continue d’être commenté, analysé, débattu dans tous les salons.
Le coup est d’autant plus brutal qu’il ne s’agit pas seulement d’un revers commercial. C’est une humiliation personnelle pour Pierre Karl Péladeau.
Lors de l’assemblée annuelle des actionnaires, il avait lâché cette phrase glaçante :
« Il ne faut pas continuer à investir de l’argent sain dans une entreprise déficitaire. TVA Sports est actuellement dans une telle situation. »
Un aveu d’échec. Le gladiateur des médias québécois, celui qui avait juré de tenir tête à Bell, baisse les armes.
Les pertes cumulées de TVA Sports? Entre 230 et 300 millions de dollars depuis 2011. Une hécatombe. Des centaines d’emplois sacrifiés. Des illusions réduites en poussière. Et à l’horizon 2026, plus rien.
L’agonie d’une chaîne et la mort d’une époque
Le problème dépasse TVA Sports. C’est tout le Groupe TVA qui s'effondre.
4,7 millions de pertes nettes au dernier trimestre.
Chute de 10 % des revenus.
13 % de baisse d’audience sur l’ensemble de la journée.
Des licenciements massifs : 650 employés congédiés.
TVA Sports n’est pas seulement un échec sportif. C’est le symbole d’une télévision québécoise en lambeaux.
Et pendant que Québecor licencie, Bell consolide. Pendant que PKP compte ses pertes, France-Margaret Bélanger annonce l’avenir, souriante, confiante, conquérante.
Ne soyons pas naïfs : ce virage ne sera pas sans douleur pour les amateurs. Hier, un simple abonnement câble suffisait. Demain, il faudra jongler avec plusieurs forfaits :
RDS pour les matchs réguliers.
Crave pour les exclusivités en streaming.
Amazon pour certaines soirées spéciales.
Habs TV pour les intégrations interactives et le contenu exclusif.
Additionnez le tout, et la facture mensuelle dépassera largement ce que les foyers payaient auparavant. Le hockey devient un produit de luxe. Un casse-tête financier. Un parcours du combattant technologique.
Et c’est là le paradoxe : jamais l’intérêt pour le Canadien n’a été aussi fort (près d’un million de téléspectateurs en moyenne l’an dernier, et 3,3 millions en séries). Mais jamais il n’a été aussi coûteux de suivre son équipe.
Le plus cruel, c’est le silence. Rogers n’a même pas mentionné TVA Sports dans ses communiqués. Comme si la chaîne n’existait plus déjà. Invisible. Inutile.
À l’interne, les employés vivent une agonie lente. Ils tournent encore des caméras, mais pour quoi? Pour qui? Ils savent que 2026 sera la fin. Fin d’un contrat. Fin d’un rêve. Fin d’une chaîne.
Certains espèrent encore qu’un miracle survienne. Que Rogers, par pitié, laisse TVA diffuser un ou deux matchs du samedi. Mais même ce scénario ressemble plus à une aumône qu’à une stratégie.
France-Margaret Bélanger n’a pas seulement pris la parole. Elle a prononcé l'effondrement de TVA Sports.
Son message est clair : le futur du hockey québécois passera par Bell, par Crave, par le streaming, par des géants internationaux, par Habs TV.
TVA Sports est rayé de la carte... tenu par le respirateur artificiel au profit du CH.
Dans vingt ans, on se souviendra peut-être de cette journée comme celle où une ère s’est terminée. L’ère où la télévision traditionnelle pouvait encore prétendre dicter les règles du jeu.
Désormais, la partie se joue ailleurs. Dans le cloud. Dans les algorithmes. Dans les portefeuilles d’Amazon, de Bell... de Geoff Molson...
Et au milieu de ce séisme, une certitude demeure : TVA Sports n’a plus de raison d’être.
La guerre des droits a fait sa victime. Elle s’appelle TVA. Et son cadavre, encore chaud, est déjà oublié.