Ce soir, à St-Louis, ce n’est pas qu’un simple match entre deux clubs en course pour une place en séries.
Ce n’est pas juste le Canadien contre les Blues. C’est Martin St-Louis contre Jim Montgomery. Et dans la tête du coach du Canadien, c’est bien plus que trois points au classement.
C’est une question de fierté et de revanche symbolique. Car la dernière fois que Jim Montgomery a été congédié, c’est tout le Québec hockey qui a voulu le voir remplacer Martin St-Louis à Montréal.
On l’a trop vite oublié, mais lorsque Montgomery a été remercié par les Bruins de Boston, la majorité des partisans montréalais voyaient en lui le sauveur parfait pour un CH à la dérive.
Sur les réseaux sociaux, le nom de Montgomery s’imposait comme une évidence, un coup de foudre collectif. À ce moment-là, Martin St-Louis vivait un véritable supplice public : chaque défaite amenait des milliers de messages exigeant son départ… pour faire place à Montgomery.
Non seulement Montgomery a retrouvé du travail, mais il a signé un contrat de 5 ans avec les Blues de St. Louis, une organisation ambitieuse, prête à tout pour retrouver les sommets.
Depuis, St-Louis est l'équipe de l'heure dans la LNH.
Pendant que Kent Hughes protégeait son ami derrière le banc, les Blues ont congédié Drew Bannister sans hésiter.
Résultat : Montgomery est maintenant à la tête d’une équipe en feu… et affronte ce soir celui qu’on voulait voir tomber à sa place.
Dans une saison que peu voyaient compétitive, le Canadien de Montréal s’accroche étonnamment à la dernière place qualificative pour les séries dans l’Est.
De l’autre côté, les Blues, transformés par l’arrivée de Montgomery, luttent avec rage dans l’Ouest. Les deux équipes se battent pour les mêmes objectifs, avec des entraîneurs à la trajectoire croisée.
Ce match, c’est un symbole vivant de ce qui aurait pu être. Si Hughes et Gorton avaient plié devant la pression populaire, c’est Montgomery qui dirigerait le Canadien ce soir. Pas St-Louis.
Et c’est justement ce que Marty veut faire oublier.
Dans le vestiaire, ce match a une autre couleur. Il est clair que Martin St-Louis veut plus que gagner : il veut faire taire ses détracteurs pour de bon.
Il veut battre Jim Montgomery pour prouver que le CH n’a pas manqué sa chance. Pour rappeler que, malgré la tempête, il est encore là, vivant, debout.
Rappelons-nous à quel point la situation était cruelle. Lors du congédiement de Montgomery à Boston, les plateformes du Canadien ont été submergées de messages.
Les fans taguaient le compte du CH avec des montages photos de Montgomery dans une veste du Tricolore. Certains allaient jusqu’à écrire que garder St-Louis relevait du “sabotage” pur et simple.
Des employés du département marketing affirmaient sous anonymat que les messages pro-Montgomery arrivaient “par dizaines chaque jour”, parfois même dans les boîtes personnelles.
La pression médiatique était hors de contrôle. Des groupes Facebook dédiés à la “mission Montgomery” fleurissaient. Sur X, le mot-clic #Montgomery était en tendance plusieurs jours d’affilée au Québec.
Même la famille de St-Louis vivait mal cette tornade numérique. L’entraîneur, pourtant calme en apparence, montrait les signes d’un homme ébranlé.
Cernes, discours défensif, silences pesants : il portait la charge d’une province qui ne voulait plus de lui.
Ce soir, c’est personnel.
Ce soir, plus que jamais, Martin St-Louis joue pour son nom, son image, sa dignité. Ce match est sa chance de faire comprendre à tout le monde — et surtout à ses plus féroces critiques — qu’il mérite toujours sa place.
Il n’a jamais répondu directement aux attaques. Il n’a jamais demandé qu’on congédie Montgomery. Mais il sait très bien que la défaite, ce soir, ferait renaître une vieille blessure, et relancerait un vieux refrain :
« On aurait dû engager Montgomery. »
À l’inverse, une victoire contre son rival symbolique aurait l’effet d’un soulagement énorme. Gagner, ce serait refermer une fois pour toutes ce chapitre toxique où une partie du Québec l’a publiquement renié.
Derrière les sourires en point de presse, il y a une tension réelle. Les joueurs le sentent. Les partisans aussi. Ce match n’est pas une rencontre comme les autres. C’est un point de bascule.
Si le Canadien l’emporte, Martin St-Louis pourra enfin reprendre le contrôle du récit. Il aura battu son ombre, celle que la foule lui a imposée.
Mais si Montréal s’incline… la machine #Montgomery risque de se remettre en marche.
Ce soir, Martin St-Louis ne joue pas seulement contre les Blues. Il joue contre une mémoire collective cruelle, contre un fantasme non réalisé, contre une province qui l’a rejeté… pour un autre.
Et dans cette lutte, il n’a qu’une seule arme : la victoire.
Pour plusieurs, Montgomery incarnait exactement ce que le Canadien n’avait pas derrière le banc : de l’expérience concrète, un système structuré, et une autorité naturelle.
Montgomery avait prouvé sa valeur avec les Stars de Dallas, puis avec les Bruins de Boston, où il a mené une équipe vieillissante à une saison record.
Il savait comment faire jouer un groupe, comment imposer une identité. À leurs yeux, il n’apprenait pas en cours de route : il savait déjà comment gagner.
Sa proximité personnelle avec Kent Hughes n’a fait qu’alimenter le feu. On parle d’un entraîneur né à Montréal, parfaitement bilingue, lié d’amitié avec le DG, et qui avait déjà coaché Mike Matheson plus tôt dans sa carrière.
Jim Montgomery et le DG du CH partagent une relation ancienne, profonde et personnelle qui remonte à leur adolescence.
Ils ont été coéquipiers au Cégep de Saint-Laurent dans les années 1980, évoluant ensemble dans la défunte Ligue collégiale AAA du Québec. Sous les ordres de l’entraîneur Gérard Gagnon, ils ont remporté un championnat, développant sur la glace une complicité qui s’est ensuite transformée en amitié durable.
Depuis, leurs parcours respectifs – Montgomery comme entraîneur, Hughes comme agent puis DG – les ont toujours gardés proches, avec un respect mutuel constant.
Cette relation, enracinée dans l’histoire du hockey québécois, a souvent été perçue comme un atout naturel si jamais le Canadien avait voulu faire appel à Montgomery.
Tous les éléments semblaient en place pour une transition fluide. Surtout dans un marché où l’on rêve souvent de solutions locales et émotionnelles.
Et puis, il y avait l’image. Montgomery projetait celle d’un coach discipliné, posé, stratégique, le genre de leader capable de canaliser l’énergie d’un jeune groupe en reconstruction, plutôt que de simplement l’inspirer par des principes abstraits.
Pour plusieurs, St-Louis avait le charisme du mentor, mais Montgomery avait les outils du stratège.
Alors quand Montgomery est devenu disponible, une grande partie du Québec y a vu le train qu’il ne fallait pas manquer.
Le genre d’occasion qui ne revient pas deux fois dans un cycle de reconstruction. Et quand les Blues l’ont embauché, la frustration s’est muée en rage froide.
Car pour eux, ce n’est pas seulement un coach qui s’est envolé. C’est une porte de sortie qui s’est refermée.
Ce soir, sur la glace, ces deux visions s’affrontent.
Et pour Martin St-Louis, il n’y a pas plus grande motivation que de prouver que malgré tout ce qu’on a dit, c’est lui qui tient encore le volant.