Il s’appelait Pierre Martineau. Pour les initiés du milieu, c’était le grand stratège de l’ombre, l’homme qui tirait les ficelles de la radio parlée au Québec.
Vice-président des stations parlées de Cogeco Média, il dirigeait d’une main de fer les antennes les plus puissantes du pays : le 98,5 FM à Montréal, le FM93 à Québec, et plusieurs autres bastions régionaux. Pendant plus de cinq ans, il a tenu ce pouvoir comme un patron intouchable et inébranlable.
Mais aujourd’hui, son règne s’effondre dans le plus grand des malaises. Sous couvert d’une “retraite planifiée”, on assiste à ce qui s’apparente plutôt à un congédiement maquillé, une sortie précipitée d’un homme devenu le symbole de tout ce qui ne fonctionne plus au 98,5 FM.
La station qui, pendant plus d’une décennie, dominait les ondes québécoises vit désormais sa chute. Et Pierre Martineau en est devenu le visage malgré lui.
Dans les corridors de la radio, on ne parle plus d’une retraite. On parle d’une éviction. D’un nettoyage. D’un sacrifice.
Le roi est tombé. Et ce n’est pas une simple question de chiffres d’écoute. Ce sont les scandales, les conflits internes, les décisions éditoriales douteuses, les favoritismes toxiques et les manœuvres de relations publiques désespérées qui ont précipité la fin.
Le départ de Pierre Martineau, déguisé en retraite, marque la fin d’une époque au 98,5 FM.
Officiellement, il quitte de son propre chef, après 30 ans de loyaux services chez Cogeco Média. Officieusement? Personne dans l’industrie ne croit une seconde à ce conte de fées.
C’est un congédiement. Net. Froid. Déguisé en retraite pour sauver la face. Parce que la maison est en feu, et que Pierre Martineau, le pompier de service, a été jugé incapable d’éteindre les flammes.
Les derniers chiffres d’écoute sont sans appel : ICI Première a dépassé le 98,5 FM dans le Grand Montréal. Le bastion autrefois imprenable de Paul Arcand s’est effondré comme un château de cartes.
Martineau, dans une dernière tentative de garder le cap, a voulu réassurer tout le monde en entrevue à La Presse. Il a prétendu que le 98,5 restait la radio numéro un chez les 25-54 ans, le segment fétiche des annonceurs. Mais la vérité, c’est que la débandade est commencée.
Et ce n’est pas qu’une question de chiffres. C’est une question de jugement. De gestion. De culture interne. Martineau a laissé pourrir des situations explosives jusqu’à la rupture. Le 98,5 FM est devenu un cirque de controverses et de scandales mal gérés. Un terrain miné où les employés ne savaient plus à quoi s’en tenir.
Commençons par MC Gilles. Il a été mis à la porte à cause d’un conflit explosif avec Patrick Lagacé. Le vrai choc, c’est la chicane interne, le clash de deux égos, la guerre froide entre MC Gilles et Lagacé. Et dans cette guerre, Martineau a choisi son camp.
Puis il y a eu Pierre-Yves McSween. Écarté. Officiellement, pour des raisons floues. Mais ceux qui savent, savent. Le climat était devenu irrespirable. McSween était tellement populaire qu'il engendrait de la jalousie chez ses rivaux, en complexe d'infériorité, notamment Lagacé, encore lui.
Le début de la fin, au 98,5 FM, n’a pas commencé avec la perte des cotes d’écoute. Il a commencé avec le divorce brutal entre Pierre-Yves McSween et l’institution.
Une rupture idéologique, mais surtout personnelle. McSween n’était pas qu’un chroniqueur. Il était une machine à générer de l’auditoire. Le public se reconnaissait dans sa manière de parler d’argent,de dépenses inutiles et de libertés financières.
Mais en coulisses, ça ne passait plus. Parce que McSween avait osé remettre en question la ligne éditoriale, osé remettre en question Philippe Cantin, ami de Lagacé, figure austère, old-school, qui dirigeait les contenus comme s’il écrivait encore dans les pages défraîchies de La Presse.
Le clash était inévitable. McSween dérangeait. Il voulait moderniser la parole, secouer les dogmes, parler aux jeunes. Cantin voulait conserver l’ordre établi, les réflexions convenues, la vieille école.
Ce n’était pas un débat d’idées : c’était une guerre de générations. Et Cantin l’a gagné grâce au support de Lagacé. Pierre-Yves McSween a été écarté froidement, juste parce que Lagacé était jaloux de lui.
Mis à l’écart d’un 98,5 FM devenu frileux, rigide, bureaucratisé jusqu’au ridicule. Ironie du sort : pendant que Cogeco le laissait partir sans un mot, Radio-Canada l’accueillait avec Patrick Masbourian, et ensemble, ils se sont hissés au sommet des cotes d’écoute, détrônant leur ancienne maison.
La direction de Cogeco n’a rien fait pour réconcilier les camps. Au lieu de gérer la crise, ils ont préféré couper la tête de McSween. Ironiquement, aujourd’hui, McSween triomphe à Radio-Canada comme le roi des ondes, pendant que le 98,5 FM continue de perdre du terrain.
Et que dire de l’affaire Filosa? Suspendu pour des propos jugés controversés car il ne croyait pas que l'homme avait marché sur la lune, Jeremy Filosa a été contraint de suivre une formation en déontologie journalistique.
Un passage inacceptable imposé par la direction. Mais lorsque Louis Lacroix, de son côté, a tenu des propos dénigrants envers les rappeurs, la direction a fait semblant de lui imposer une formation similaire. Selon nos sources, cette formation n’a jamais eu lieu. Deux poids, deux mesures. Le message était clair : certains ont l’immunité. D’autres, non.
Louis Lacroix, prétendument en voie de rééducation, a bénéficié de toutes les clémences. Parce que le 98,5, sous Martineau, était une station de chouchous. Une hiérarchie rigide où quelques vedettes dictaient les règles. La diversité d’opinion, l’équité, la responsabilité morale? Jetées aux oubliettes.
Le cas Jeremy Filosa en est la preuve éclatante. Obligé de se se rabaisser publiquement, de suivre un atelier de déontologie, pendant que d’autres n’étaient même pas rappelés à l’ordre. Ce deux poids, deux mesures a miné la crédibilité de l’équipe de direction. Et au sommet de cette pyramide déséquilibrée, Pierre Martineau fermait les yeux.
Et maintenant? On veut nous faire croire à une retraite paisible. On nous parle d’une transition harmonieuse, de gratitude mutuelle, de reconnaissance. La vérité, c’est qu’on liquide les meubles.
Et c’est là que le timing devient tout simplement suspect. Caroline Jamet est arrivée à la tête de Cogeco Média le 3 février 2025, à peine quelques mois avant l’annonce de la “retraite” de Pierre Martineau.
Une arrivée fraîche, une direction nouvelle, et soudain, celui qui incarnait la continuité depuis 30 ans décide « par lui-même » de partir au moment précis où le navire prend l’eau de toute part ?
Personne dans le milieu n’y croit. Ce n’est pas une coïncidence, c’est une opération de nettoyage. L’arrivée de Jamet coïncide trop bien avec les scandales internes, les codes d’écoute en chute libre, les animateurs suspendus ou évincés dans des circonstances nébuleuses… et voilà que Martineau quitte, comme par magie.
Ce genre de timing alimente évidemment la théorie d’un congédiement déguisé. Ça ne sent pas la retraite dorée, ça sent le départ forcé, orchestré pour calmer les tensions sans dire la vérité.
L'équation est simple: Caroline Jamet arrive en poste. Et comme tout bon ménage de printemps, elle commence par sortir les vieilles affaires. Martineau fait partie du lot.
Dans le fond, Pierre Martineau est sacrifié pour toutes les bourdes de Patrick Lagacé. Il devient le fusible, la tête offerte sur un plateau pour apaiser la tempête.
Car Lagacé, lui, est intouchable. Malgré ses conflits avec Pierre-Yves McSween, malgré la guerre froide qu’il mène contre MC Gilles, malgré ses accrochages en ondes et hors d’ondes avec plusieurs collègues, c’est un autre homme qui paye.
Martineau paie pour l’arrogance de Lagacé, pour l’ambiance toxique qu’il a laissée s’installer, pour les matins où le 98,5 FM s’effondre dans les sondages pendant que Lagacé s’écoute parler. Une radio, un empire, un homme… sacrifiés pour protéger l’égo d’un seul.
C’est une question de culture. De perte de repères. Le 98,5 FM était jadis le joyau de la radio parlée au Québec. Aujourd’hui, il est devenu un symbole de dérapages impunis, de favoritisme, de gestion à courte vue.
Et il était temps que ça change.
Le départ de Pierre Martineau, aussi hypocrite soit-il dans sa forme, est un premier pas. Mais il faudra bien plus que cela pour redonner au 98,5 FM son prestige. Il faudra une purge. Une réinvention. Une clarté morale. Et surtout, une direction qui ne traite pas ses employés comme des pions dans un jeu de privilèges.
Parce que tant que certaines voix continueront d’avoir le droit de tout dire sans conséquences, pendant que d’autres sont jetées sous l’autobus, le 98,5 FM continuera de dégringoler.
Et cette fois, il n’y aura plus personne pour faire semblant que tout va bien.