Michel Bergeron était hors de lui. Littéralement.
En direct sur les ondes de LCN, face à Mario Dumont, l’ancien entraîneur des Nordiques de Québec, le légendaire « Tigre », a offert un spectacle aussi fascinant qu’effrayant.
Le genre de performance médiatique où l'on se demande si le protagoniste en sortira indemne, non seulement sur le plan de la réputation, mais aussi de la santé. À 79 ans, Bergeron a fait peur. Très peur.
Ce jeudi-là, pourtant, rien ne laissait présager une telle explosion. Bergeron était censé commenter calmement les ajustements nécessaires pour le Canadien de Montréal, malmené par les Capitals de Washington lors des deux premiers matchs de la série éliminatoire.
Mais très rapidement, il est devenu évident que quelque chose bouillonnait à l'intérieur du célèbre commentateur. Son ton est monté, ses gestes se sont faits brusques, sa respiration haletante.
Mario Dumont, pourtant habitué aux échanges vifs, semblait lui-même pris de court, tentant timidement de calmer son invité :
« Michel, prends une respiration… Calme-toi un peu... »
Mais Bergeron était lancé. Inarrêtable.
Son obsession du moment : Martin St-Louis, encore et toujours. Ce même Martin St-Louis qu'il critique avec une constance sans faille depuis plus de deux ans, qu’il a qualifié tour à tour de « coach pee-wee », d’entraîneur sans structure, sans crédibilité.
« Il n’a pas d’affaires dans la LNH ! » répétait-il sans cesse, notamment après une défaite humiliante de 9 à 2 contre Pittsburgh plus tôt cette saison.
Bergeron ne rate jamais une occasion d’exiger le congédiement immédiat de l'entraîneur-chef du Canadien. Mais cette fois, l’intensité était différente. Plus forte. Plus viscérale. Plus personnelle.
Au cœur de sa colère : l’absence inexplicable à ses yeux d’Arber Xhekaj, le robuste défenseur qui pourrait, selon Bergeron, intimider l’arrogant Tom Wilson des Capitals.
Mais Xhekaj ne suffisait pas à calmer l’ancien entraîneur : il voulait aussi le frère d’Arber, Florian Xhekaj, qui performe avec le Rocket de Laval. Bergeron semblait en pleine crise obsessionnelle, répétant avec une intensité maladive :
« Wilson rit du Canadien ! »
Avant de poursuivre, en imitant presque l’attaquant adverse :
Je ne me bats pas contre vous autres, je suis un marqueur de 30 buts ! Toi, Anderson, t’es un joueur de troisième trio ! »
L'imitation était presque caricaturale, mais la colère, elle, était authentique.
La tension est montée d’un cran supplémentaire lorsque Bergeron s’en est pris à Patrik Laine. Cloué au banc par St-Louis après des performances décevantes, Laine est devenu la cible d’une tirade assassine.
« Il est temps d’apporter des changements forts. Laine, c’est bonsoir la visite ! » s’est exclamé Bergeron, les yeux exorbités, le souffle court.
« Regardez-le ! Il fait juste patiner en rond, patiner en rond… Il n’aime pas le hockey, il ne veut pas jouer au hockey ! On le paye 8 millions par année, come on ! »
Puis, en haussant encore le ton, il a ajouté :
« C’est un rachat à la fin de l’année ! Il n’y a pas un seul club qui en veut. Après ce qu’il a fait à Winnipeg, à Columbus, à Montréal… Ne nous prenez pas pour des caves ! »
Mario Dumont, visiblement mal à l’aise devant cette montée incontrôlée de colère, a tenté une fois de plus d’apaiser son invité, mais en vain.
Bergeron, dans un accès presque théâtral, a lancé un ultimatum improbable :
« Si Laine joue demain, ne m’appelez pas samedi pour une entrevue. Je n’en fais pas ! Laine, c’est terminé ! »
Une menace aussi absurde que révélatrice de son état émotionnel critique.
Ce spectacle inquiétant rappelle pourquoi TVA Sports a choisi ces derniers temps de limiter considérablement ses apparitions.
En l’envoyant à LCN, les dirigeants espéraient sans doute qu’il adopterait un ton plus posé, plus approprié à l’audience de la chaîne d’information.
Ils espéraient probablement qu’il ferait davantage attention à sa santé, lui qui a déjà connu plusieurs problèmes cardiaques et qui a révélé vivre une vie chaotique pendant de nombreuses années :
« Je fumais, je ne dormais pas, je mangeais n’importe quand », avait-il déjà confié publiquement.
Le pacemaker qu’il porte aujourd’hui témoigne de ce passé difficile.
Mais manifestement, on ne peut pas retirer le Tigre du tigre. Bergeron reste Bergeron. Impulsif, passionné, excessif.
Ce jeudi, son caractère explosif était au top du top. Sa colère contre Martin St-Louis semble devenue une obsession incontrôlable, presque inquiétante pour sa propre santé.
Car à le voir s’emporter ainsi, à bout de souffle, le visage rougi par la colère, on se demandait sérieusement si son cœur allait tenir.
Bergeron a 79 ans. Ce genre de crise en direct, aussi divertissante soit-elle pour certains téléspectateurs avides de moments dramatiques, n’a rien d’anodin.
On se demande sérieusement si TVA Sports ou même LCN vont encore longtemps exposer ce vétéran du hockey à une telle pression médiatique.
On se demande si ses proches ne devraient pas intervenir pour lui éviter ces coups de sang publics, qui pourraient avoir des conséquences dramatiques.
Michel Bergeron reste, malgré tout, une figure emblématique du hockey québécois. Il a marqué plusieurs générations par ses analyses tranchantes, son caractère volcanique, ses coups de gueule légendaires.
Il a fait vibrer, rire, réagir le Québec sportif pendant des décennies. Mais ce jeudi-là, il est allé trop loin. Sa colère n’avait plus rien de constructif, ni de rationnel. Elle était devenue alarmante.
C’est peut-être là tout le paradoxe Bergeron : il ne peut vivre sans cette colère qui l’a rendu célèbre, mais aujourd’hui, cette même colère le détruit, le déconnecte de la réalité, le pousse à des extrémités qui font peur.
Ce jeudi, face à Mario Dumont, il n’était plus un simple commentateur, mais un homme au bord du gouffre émotionnel.
Alors oui, le spectacle était captivant, mais aussi profondément troublant. Bergeron nous a rappelé que les légendes sportives, comme les tigres, finissent par vieillir, fragilisées par leurs propres excès.
Ce jeudi, Michel Bergeron était à la fois fascinant et terrifiant, un homme aux prises avec ses propres démons, incapable de lâcher prise, obsédé par une vendetta personnelle contre un entraîneur qui ne répondra jamais à ses provocations.
Il est peut-être temps, pour lui, de prendre un véritable recul. De respirer. De calmer cette colère avant qu’elle ne devienne fatale.
Parce que malgré tout, personne ne souhaite voir le Tigre tomber en direct. Même pas ceux qu’il critique avec tant d’acharnement.