Ça va mal finir : un cocktail explosif s’annonce à Montréal.
Ce soir, le Centre Bell pourrait bien redevenir ce qu’il a longtemps été dans les années 90 : un match bouillant où les poings parlent plus fort que les tactiques.
Sur papier, il ne s’agit que d’un banal match préparatoire entre le Canadien de Montréal et les Flyers de Philadelphie. Mais dans les faits, tout est en place pour que ça dégénère.
Et Martin St-Louis le sait.
Pour ce deuxième match du calendrier préparatoire, l’entraîneur du CH envoie dans la mêlée un trio qui ne laisse aucun doute sur ses intentions : Luke Tuch, Florian Xhekaj et Tyler Thorpe.
Trois noms, trois gabarits, trois profils taillés pour la guerre.
Leur mission? Montrer qu’un quatrième trio robuste peut encore faire sa place dans une Ligue nationale qui prône de plus en plus la vitesse et la finesse.
Mais ce ne sera pas une démonstration de « heavy hockey » dans le vide. Ce soir, les Flyers arrivent préparés, eux aussi, et ils n’ont pas l’intention de reculer.
En face, Philadelphie alignera deux véritables terreurs du circuit : Nicolas Deslauriers, bien connu des partisans du Canadien, et Sawyer Boulton, un jeune fou furieux qu’on surnomme déjà le successeur naturel des Colton Orr et Donald Brashear.
Sawyer Boulton n’est pas qu’un nom intimidant. Il est le fils de l’ancien bagarreur Eric Boulton, un joueur de la vieille école qui a fait sa réputation à coups de poings. Le fils suit les traces du père : style old school, présence physique dominante, mentalité de puncheur.
Et quand on lit entre les lignes, on comprend vite que les Flyers n’ont pas sélectionné ce match par hasard pour envoyer ces deux gars-là dans la mêlée.
On peut sentir le scénario venir à des kilomètres : le trio Tuch–Xhekaj–Thorpe veut se faire remarquer, et Deslauriers-Boulton ne laisseront personne intimider leur camp sans réplique.
Ajoutez à ça le fait que Florian Xhekaj veut se faire un nom à Montréal, que son frère Arber sera en uniforme, et qu’il y a zéro vétéran pour calmer le jeu… et vous avez là tous les ingrédients d’un match qui peut basculer en mode Ligue nord-américaine de hockey en un clin d’œil.
Ce qui rend cette situation encore plus fascinante, c’est qu’elle s’inscrit dans un virage subtil mais réel de Martin St-Louis.
Depuis son arrivée à la barre du CH, St-Louis a toujours été hostile au style de jeu basé sur l’intimidation physique.
Il prône la vitesse, la créativité, la possession de rondelle. Il ne veut pas de bagarres inutiles, ni de gars qui courent après les mises en échec pour la galerie.
Mais ces derniers jours, son discours a légèrement évolué.
« C’est pas de courailler partout comme des poules pas de tête. Mais quand c’est ton tour et tu as une opportunité, c’est d’amener de la robustesse et d’éranger les actions de l’autre équipe. »
Le mot-clé ici : « poules pas de tête ».
Martin St-Louis l’a répété à plusieurs reprises : il ne veut pas d’anarchie. Il ne donne pas un chèque en blanc à ses jeunes robustes. Il veut qu’ils jouent dans l’identité de l’équipe, qu’ils contrôlent leur agressivité. Bref, qu’ils ne fassent pas dégénérer le match.
Mais voilà le dilemme : quand tu envoies trois gars comme Tuch, Xhekaj et Thorpe sur la même ligne, dans un match sans enjeu, contre Deslauriers et Boulton… tu ne contrôles plus grand-chose.
Tu ouvres la porte à l’émotion. Tu joues avec le feu.
Il faut aussi replacer tout ça dans un contexte plus large. Lors des séries du printemps dernier contre Washington, le CH s’est fait brasser. Les Capitals ont imposé leur physique, ont contrôlé les coins de patinoire, ont écrasé Montréal dans les moments-clés.
Mis à part Josh Anderson, personne n’a répondu.
La direction du Canadien l’a vu, Martin St-Louis aussi.
Et c’est peut-être pour cette raison qu’on sent depuis quelques jours un assouplissement dans la philosophie du coach. Il commence à parler de robustesse. Il dit que ça fait partie du hockey. Il reconnaît que ça peut faire la différence en séries.
Ce soir, c’est donc aussi un test pour lui. Jusqu’où est-il prêt à tolérer ce type de hockey? Va-t-il laisser ses jeunes imposer une nouvelle dynamique? Ou va-t-il sévir dès que la ligne est franchie?
Ce que tout le monde craint, c’est que ce match devienne une répétition générale pour une bagarre générale.
Sawyer Boulton n’est pas là pour jouer au hockey structuré. Il est là pour envoyer un message. Pour faire parler de lui. Pour tester sa capacité à résister à la pression d’un Centre Bell rempli. Et surtout, pour voir qui osera l’affronter.
Nicolas Deslauriers, lui, a tout vu. Il sait comment manipuler un jeune joueur. Il sait comment l’amener à sortir de ses gonds. Il sait quand distribuer un coup de coude discret, ou une charge à retardement, pour attirer un adversaire dans le piège.
Florian Xhekaj, Tyler Thorpe, Luke Tuch… sont jeunes, émotifs, et veulent se faire un nom. Ils seront ciblés. Ils seront provoqués. Et s’ils mordent à l’hameçon, le Centre Bell pourrait se transformer en cirque.
Ce matin, en conférence de presse, Martin St-Louis a été questionné sur la présence d’autant de joueurs robustes dans son alignement.
Il n’a pas reculé. Mais il a lancé un avertissement très clair :
« Ce n’est pas une question de courir partout et de distribuer des mises en échec juste pour en distribuer. On veut amener de la robustesse, oui, mais de la robustesse intelligente. On veut déranger, pas tomber dans le chaos. »
Pour Tuch, Xhekaj et Thorpe, le camp d’entraînement est une audition. Ce genre de match est l’unique occasion de se faire remarquer, d’envoyer un message à la direction.
Mais si l’un d’eux dérape, si la soirée tourne au fiasco, si le Centre Bell se transforme en ring… ce pourrait aussi être la dernière fois qu’ils portent le chandail du CH.
Et ce risque-là est bien réel.
Car les Flyers ne sont pas venus pour une partie de plaisir.
Ils veulent brasser.
Ils ont aligné leurs chiens de garde.
Et le Canadien, volontairement ou non, leur a tendu la perche.