Ne dites surtout pas à Claude Legault que « ça va bien aller ».
Ne lui servez pas cette formule usée, vide, presque insultante. Pas sur un plateau de tournage, pas dans un vestiaire, pas dans la vie.
Chez Claude Legault, cette phrase-là sonne creux, sonne faux, sonne "bullsh*t". Et il n’en veut pas. Il ne l’a jamais tolérée. C’est même devenu un principe directeur dans sa carrière comme dans sa vie personnelle.
« Ça veut dire qu’ils ne le savent pas plus que moi. Ils font semblant qu’ils le savent, en se croisant les doigts. C’est vraiment de la marde. » a-t-il affirmé en entrevue avec La Presse.
C’est aussi la clé, désormais, pour comprendre pourquoi il voue une admiration aussi intense à Martin St-Louis et, par effet miroir, pourquoi il méprise Claude Julien.
Ce n’est pas une simple préférence d’amateur de hockey. C’est une opposition de philosophie, de vision humaine, de manières d’être.
D’un côté, un homme vrai, droit, qui cherche des solutions en marchant au côté de ses troupes : St-Louis. De l’autre, un coach revanchard, dominateur, satisfait d’infliger l’humiliation à une équipe vulnérable : Julien.
Ce n’est qu’en lisant la bouleversante entrevue qu’il a accordée à La Presse, et en repensant à ses propos cinglants au micro du 98,5 FM, qu’on saisit toute la cohérence de Claude Legault.
Il ne joue pas un rôle : il est ce qu’il dit. Et ce qu’il dit, il le vit à fond, dans ses tripes. En creusant ses réflexions sur Podz (son ami réalisateur), sur Julien Poulin (Elvis Gratton décédé), sur le jeu, la vérité, la confiance et le combat intérieur, on découvre que Claude Legault ne parle jamais vraiment de hockey, ni même d’art dramatique : il parle de loyauté, de blessures... de dignité.
« Quand j’entends “ça va bien aller”, man, je deviens nerveux. »
La déclaration fuse comme une claque en pleine face. Pas de "fake", pas de nuance. C’est ce franc-parler-là qui fait du bien, surtout dans un Québec public de plus en plus censuré.
Pour Legault, ces mots-là sont synonymes de fuite, d’ignorance, de déni. Une manière polie de ne pas se mouiller. Or lui, il veut du concret, il veut des gens qui avancent ensemble, qui cherchent des solutions sans prétendre tout savoir.
Et c’est exactement ce qu’il retrouve en Martin St-Louis.
Quand il parle de son ami Podz, Daniel Grou, son fidèle réalisateur, Claude Legault se laisse émouvoir. Il raconte comment ce dernier l’a porté, sans même avoir besoin de mots, dans les moments de doute.
« Je ne sais pas, mais on va trouver », lui répond Podz quand la panique monte. Voilà. Pas de prétention, pas de façade. Juste une main tendue, une promesse implicite de ne jamais l’abandonner.
Ce sont ces valeurs-là qui font vibrer Claude Legault. Et qui, sans qu’il ait besoin de le dire explicitement, expliquent son lien si fort avec Martin St-Louis. Ce dernier non plus ne promet rien. Il n’est pas dans le « ça va bien aller ». Il est dans le « on va y arriver ensemble ».
Legault ne le dit pas dans l’entrevue. Il ne mentionne pas St-Louis par son nom. Mais il a répété tellement de fois à quel point il est en admiration devant le coach du CH.
La quête de vérité. Le dégoût pour le faux. La confiance bâtie dans le respect et le non-jugement. L’idée qu’on ne laisse personne derrière, qu’on avance en groupe, qu’on est unis par une démarche, pas par des slogans.
Depuis son arrivée à Montréal, Martin St-Louis incarne justement cela. Il a refusé de faire semblant. Il n’a jamais prétendu être un coach diplômé. Il a fait ce que Claude Legault fait depuis ses débuts en improvisation : il a cherché la vérité. Pas la perfection. La vérité. Le geste juste. Le mot juste. L’intention juste. Pour créer une famille.
Et Claude Legault, lui, s’est bâti là-dessus.
« Chaque impro, c’est une question de vie ou de mort », dit-il. Et même s’il chevauche un cheval dans un édifice en feu, poursuivi par des skinheads, « c’est vrai ». Il ne joue pas au gars qui joue. Il vit ce qu’il fait. Cette philosophie-là, c’est du Martin St-Louis mur à mur.
Et à l’opposé, il y a Claude Julien. L’anti-St-Louis. Le visage même de ce que Legault vomit : l'intimidation, le contrôle, le mépris silencieux.
Lors de son passage au 98,5 FM, Claude Legault a explosé. L’animateur Mario Langlois n’a même pas eu besoin d’aller au bout de sa question. Le nom de Julien suffit à faire grimper la pression.
Il se souvient d’un match à Boston. Julien est alors l’entraîneur-chef des Bruins. Le Canadien est petit, fragile. Ce soir-là, Julien décide de finir le travail à coups de poings. Il envoie ses hommes les plus brutaux sur la glace. Et derrière le banc, il sourit. Il jubile. Il jubile de voir le CH se faire tabasser.
« On s’est fait crisser une volée solide, pis il avait l’air content. Je ne lui pardonnerai jamais. »
Ce n’est pas une question de rivalité sportive. C’est une question d’éthique. De morale. D’honneur. Pour Claude Legault, ce soir-là, Claude Julien a trahi le code non-écrit du respect entre guerriers.
Il a humilié les plus faibles. Il a écrasé ceux qui n’avaient pas les moyens de se défendre. Et ça, pour un gars comme Legault, c’est impardonnable. C’est un péché capital.
Quand Julien est revenu à Montréal, sous les couleurs du Canadien, Legault n’a pas pu. Il ne l’a jamais accepté. Parce que l’injustice vécue ce soir-là était encore vive, ouverte, infectée. Il ne s’agit pas de pardon. Il s’agit de loyauté. Et de mémoire.
En 2020, Claude Legault a touché le fond. Épuisement professionnel. Burnout. Le moteur brûlé, les pneus fesses, comme il dit. Il a dû s’arrêter. Revenir à lui. Faire le tri. Affronter les fantômes qu’il pelletait depuis des années.
Et dans cette reconstruction, on sent que le choix des personnes autour de lui est devenu vital. Il ne veut plus de ceux qui prétendent. Il ne veut plus de ceux qui manipulent. Il veut des alliés. Des gens comme Podz. Des gens comme St-Louis. Des gens qui disent « je ne sais pas, mais on va trouver ».
C’est aussi ce qui ressort de sa relation avec Julien Poulin (le regretté Elvis Gratton). Une relation père-fils, remplie d’émotion, de respect mutuel, d’amour vrai.
Claude Legault dit n’avoir jamais eu de vraie conversation d’homme à homme avec son père. Mais avec Julien, il en avait. Julien, c’était un père de remplacement. Un homme qui, malgré sa candeur, malgré ses beaux yeux tristes, donnait sans compter. Un homme vrai. Encore une fois.
Aujourd’hui, Claude Legault va mieux. Il sourit. Il parle avec humilité de sa reconstruction. Il parle de ses projets avec fierté : un gala Juste pour rire, un scénario déposé pour un troisième film de « Dans une galaxie près de chez vous »
Il parle d’avenir. Et toujours avec ce souci de rester vrai. De ne pas tricher. Même dans les moments de faiblesse.
Il sait que la douleur refait surface. Il sait qu’il ne pourra pas toujours l’éviter. Mais il sait désormais que les vraies personnes, les Martin St-Louis de ce monde, ne l’abandonneront pas. Et c’est pour ça qu’il les admire. Parce qu’ils tiennent le cap. Parce qu’ils ne font pas semblant.
Ce n’est donc pas un hasard si Claude Legault vibre quand Martin St-Louis parle à ses joueurs. Ce n’est pas une admiration de surface. C’est une reconnaissance instinctive. Une forme de fraternité entre deux hommes qui refusent les faux-semblants.
Dans un monde rempli de "fake", ils choisissent la vulnérabilité. Ils assument le doute, le questionnement, la douleur. Mais jamais ils ne se défilent. Jamais ils ne sourient pendant que d’autres se font démolir.
Et si Claude Legault ne parle pas directement de Martin St-Louis dans son entrevue, il n’en a pas besoin. Tout son témoignage, tout son parcours, toute sa colère envers Claude Julien, tout son amour pour Podz et Julien Poulin pointent vers la même chose : une quête de vérité et de loyauté.
Il ne reste plus qu’à le dire clairement : Claude Legault aime Martin St-Louis parce que Martin St-Louis, c’est tout ce que Claude Legault cherche dans un homme. Et Claude Julien, c’est tout ce qu’il fuit.
C’est clair comme de l'eau de roche.
Comme la vérité...