Les Canadiens de Montréal, sous la direction du trio composé de Jeff Gorton, Kent Hughes et Martin St-Louis, ne sont pas un simple "country club."
Bien au contraire. Ces trois hommes, à la tête de la reconstruction du Tricolore, se livrent à des affrontements constants dans les bureaux du Centre Bell.
Les désaccords sont nombreux, les discussions sont parfois enflammées, et les points de vue divergents alimentent une tension palpable.
Mais loin d’être une faiblesse, cette dynamique démontre la vitalité et l’intensité d’un environnement de travail où personne ne craint de défendre ses idées.
Le point de discorde principal entre les trois hommes est clair : Martin St-Louis veut que le Canadien soit acheteur à la date limite des transactions.
St-Louis, compétiteur dans l’âme, est convaincu que l’équipe a ce qu’il faut pour décrocher une place en séries éliminatoires cette saison.
Ses récents succès derrière le banc semblent lui donner raison, et il souhaite que la direction soutienne son plan en ajoutant des renforts.
Jeff Gorton, de son côté, est plus nuancé. Ayant accéléré la reconstruction des Rangers de New York lors de son passage dans la Grosse Pomme, Gorton comprend le désir de St-Louis, et il semble même ouvert à l’idée de bouger si une opportunité favorable se présente.
Mais Kent Hughes, le directeur général, refuse catégoriquement. Pour lui, l’objectif reste clair : bâtir une équipe durablement compétitive, et non se précipiter pour des résultats immédiats.
Cette approche prudente est bien ancrée dans sa vision, et il n’est pas prêt à compromettre l’avenir de l’équipe pour une qualification en séries.
« Mon middle name, c’est “pas d’accord” », a confié Hughes à Jean-Charles Lajoie, dans une entrevue qui a révélé à quel point ses opinions peuvent déranger.
« Oui, Jeff m’appelle parfois “Monsieur Pas d’accord”, parce que je ne me gêne pas pour défendre mes idées, même si elles diffèrent de celles des autres. »
Si ces désaccords peuvent parfois ressembler à des querelles, ils témoignent avant tout de la richesse des débats au sein de l’organisation.
Hughes a lui-même admis que ses discussions avec St-Louis et Gorton peuvent être frustrantes.
« C’est frustrant par moments. Mais un bon environnement de travail encourage les opinions différentes », a-t-il expliqué.
« Les désaccords, c’est essentiel. Si on ne confronte pas nos idées, on finit par tomber dans une pensée unique, et ça, c’est dangereux pour une organisation. »
« Oui, je peux être frustrant parfois, que ce soit pour mes collègues ou même dans ma vie personnelle. Ma femme peut vous en parler.
Mais j’assume ce trait de caractère, parce que je pense que ça sert le processus. »
De son côté, Martin St-Louis n’est pas en reste.
Véritable tête dure, l’ancien joueur légendaire est connu pour son entêtement, une qualité qui l’a propulsé au sommet malgré les nombreux obstacles rencontrés dans sa carrière.
« Martin, c’est une tête dure. Mais il est aussi introspectif. Il va rentrer chez lui, réfléchir, et parfois réviser ses positions », a ajouté Hughes.
Les récents succès des Canadiens montrent que ces tensions internes ne sont pas vaines. En début de saison, St-Louis avait insisté pour maintenir un système de couverture homme à homme en zone défensive, malgré les critiques et les résultats mitigés.
Ce choix, contesté par plusieurs, a finalement porté ses fruits, prouvant la pertinence de sa vision.
Mais pour St-Louis, ces succès ne sont pas suffisants. Il souhaite aller plus loin et considère que l’équipe est prête à passer à la prochaine étape. Hughes, cependant, reste inflexible.
« Je comprends les frustrations de Martin. Mais mon rôle est de penser à long terme, même si ça peut décevoir à court terme », a confié le DG.
Malgré ces différends, une chose est claire : les trois hommes se respectent profondément. Hughes a comparé sa relation avec St-Louis à celle d’un frère, une dynamique où les disputes sont fréquentes, mais où la confiance reste intacte.
« Je suis soulagé de ne pas avoir eu à congédier Martin. Il est un battant et il incarne parfaitement la culture que nous voulons instaurer ici », avait-t-il admis la semaine dernière.
Pour Jeff Gorton, ces débats font partie intégrante du processus. Ayant lui-même dirigé des organisations complexes, il sait que la confrontation des idées est essentielle pour éviter la stagnation.
Et Kent Hughes jure qu'il reste ouvert, malgré sa tête de cochon.
« Après des discussions ou des débats, je prends souvent le temps de réfléchir une fois chez moi. Même si je défends mes idées sur le moment, je suis toujours prêt à reconsidérer certains points. »
Les chicanes du Centre Bell sont peut-être chaotique par moments, mais il reflète une organisation vivante, ambitieuse et déterminée à réussir.
Les désaccords entre Gorton, Hughes et St-Louis ne sont pas des obstacles, mais des opportunités pour améliorer leur vision collective.
Tandis que les Canadiens continuent de progresser sur la glace, ces discussions enflammées dans les bureaux montrent que personne n’est prêt à s’asseoir sur ses lauriers.
« Dans une équipe, il est important que tout le monde puisse exprimer ses idées et remettre les siennes en question. C’est comme ça qu’on avance. »
Et même si le trio ne s’entend pas toujours, il est clair qu’il partage une ambition commune : ramener le Canadien de Montréal au sommet de la LNH.
En fin de compte, le "fight club" du Centre Bell pourrait bien être la clé du succès à long terme de cette organisation historique.
Toujours mieux qu'un country club.